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Jacob était un homme pacifique, plein de douceur s'accommodant avec tous. Esau était d'un caractère dur et difficile; son père Isaac lui avait même prédit qu'il ferait la guerre toute sa vie, qu'il serait toujours en querelle (1), cependant ils étaient jumeaux et vivaient dans la même maison. Ismaël nous montre encore mieux l'exemple de ces caractères peu sociables. L'ange dit à sa mère lorsqu'elle était enceinte il sera farouche; sa main sera contre tous, et la main de tous contre lui; il plantera ses tentes vis-à-vis de tous ses frères; il s'opposera toujours à eux, il ne pourra s'accorder avec personne (2).

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Quoique l'état religieux soit un paradis terrestre, comme on lui en a donné le nom, ces esprits que nous venons de peindre ne l'éprouvent pas, on dirait vraiment que c'est pour eux tout le contraire. Ce sont des ames agitées par les vents, battues par la tempête, non pas au milieu de l'Océan, mais dans le port, Ces Religieux ont l'épée à la main, non sur le champ de bataille, mais dans le repos de la paix. Elevés à la plus haute région de l'air, ils ressentent encore les orages qu'ils ont sous leurs pieds. Quelle est la cause de ces malheurs? c'est que ces personnes ne sont pas propres à vivre en communauté, soit qu'il y ait dans leur nature quelque chose qui y soit opposé, soit qu'elles manquent de vertu, et ne veulent pas s'imposer la moindre contrainte.

Si maintenant on veut connaître quels sont les esprits les plus propres à vivre en communauté, je dirai qu'il en est qui sont si bien disposés, qu'on dirait qu'ils sont

(1) Vives in gladio. Gen. 17. 40.

(2) Hic erit ferus homo, manus ejus contra omnes et manus omnium contra eum et è regione universorum fratrum suorum figet tabe̟rnacula. Gen. 16. 12.

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faits pour les communautés, et les communautés pour eux, comme on le dit de saint Bonaventure et du pape saint Célestin; les esprits les plus propres à cette vie sont: 1o les esprits naturellement portés à la régularité; 2o les esprits doux, paisibles, gracieux et aimans; 3o les esprits respectueux, pleins de déférence, civils et honnêtes; 4o les esprits remplis de condescendance, qui ne s'offensent de rien, qui ne se plaignent pas aisément qui coulent facilement sur les petites faiblesses qui se trouvent dans tous les hommes, et qui savent les dissimuler prudemment; 5o les esprits charitables et officieux, qui aiment à faire plaisir.

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Le père Antoine Quadrius, de la Compagnie de Jésus, homme d'une haute capacité et d'une grande vertu, qui avait gouverné les Indes orientales pendant treize ans en qualité de provincial, et avait rendu de grands services, avait coutume de dire qu'il y avait une grande différence entre un homme de bien et un bon Religieux; on peut être homme de bien, disait-il, quand on a la crainte de Dieu, la vertu suffit pour rendre un homme vertueux; mais il faut ajouter quelque chose de plus pour faire un bon Religieux, il faut ajouter à tout le reste un esprit disciplinable, régulier et réglé, qui pratique la vertu selon son institut, qui se laisse conduire sans résistance par ses supérieurs, qui se plie avec bonté, simplicité et patience, aux caractères et à l'humeur de ceux avec lesquels il vit (1).

Si les personnes douées de ces qualités sont propres à cette vie de communauté, il en est d'autres qui n'ont aucune de ces dispositions, qui seront toujours malheureuses, et rendront les autres malheureux : ce sont ces esprits particuliers qui se tiennent à l'écart, délicats,

(1) 3. P. Histor. Societ. lib. 8, n. 281.

qui se formalisent de tout, audacieux, méprisans, rudes, hargneux, piquans, qui ne peuvent supporter les autres, qui trouvent à redire à tout; quelle peste pour une communauté !

Quatre humeurs composent notre organisation corporelle; mais une prédomine toujours les autres, de sorte que nous sommes sanguins, ou phlegmatiques, ou bilieux, ou mélancoliques, selon que ces différentes humeurs règnent avec plus de force, la vie de communauté devient plus difficile.

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Les esprits sanguins sont aimans, traitables, courageux, officieux, généreux, voilà le bien; mais voici le mal ils sont bouillans, railleurs, affectionnés aux plaisirs et aux créatures. Les phlegmatiques sont doux bons, paisibles, faciles à conduire, ne faisant aucun bruit dans la maison; mais ils sont làches, inconstans, paresseux, sans vigueur et sans énergie. Les bilieux sont hardis, entreprenans, ont du cœur ; mais ils sont vifs, précipités, impatiens, colères, rudes, querelleurs, altiers et orgueilleux. Les mélancoliques sont retenus et constans; mais ils sont chagrins, difficiles, soupçonneux, ombrageux, opiniâtres et attachés à leur propre jugement. Tous ces différens caractères sont sans doute propre à la vie religieuse, pourvu que l'on prenne ce qu'il y a de bon, et qu'on corrige ce qui est défectueux; si on ne se corrige pas, les caractères les plus pénibles à supporter sont les caractères mélancoliques et bilieux à l'excès.

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Il faut cependant que personne ne se décourage, il faut vouloir et aimer le caractère que Dieu nous donne, puisqu'il nous l'a donné pour le servir, l'honorer, faire notre salut et arriver à la perfection; ce qui est non seulement possible, mais se fera infailliblement, si nous y mettons notre travail et nos soins; parce que Dieu nous

a préparé la grâce pour cela, et qu'il veut nous donner les forces nécessaires pour atteindre le but qu'il s'est proposé; mais malheureusement il est peu de personnes qui veulent se faire violence, réformer leur caractère ; et l'on voit souvent dans les maisons religieuses des personnes ayant de bonnes qualités, pleines de talens, qui pourraient faire de grands progrès dans le service de Dieu, être utiles à la communauté, au prochain, et d'abord à elles-mêmes, ne vouloir pas se donner la plus petite peine pour corriger une imperfection, veiller un peu plus sur elles, se retenir davantage; alors les talens deviennent inutiles, et ce qu'il y a de bon perd toute sa force. La plus petite pièce gâtée dans une montre en arrête tous les mouvemens; un seul défaut dont on ne se corrige pas, une passion que l'on ne cherche pas à dompter, un mouvement de mauvaise humeur que l'on ne réprime pas, toutes ces choses suffisent pour paralyser tout ce qu'il y a de bon en nous. La nature ne produit pas les choses de manière à ce qu'elles puissent se mettre en œuvre tout de suite, nous le voyons dans le bois, l'argent, l'or, etc., il faut le secours de l'art, que le travail achève ce qui n'était qu'ébauché; il faut travailler de même sur notre caractère, tel que Dieu nous l'a donné, le façonner et le polir, ôter ce qui est rude et mauvais, perfectionner ce qui est bon, autrement nous ne pourrons nous en servir; mais si nous travaillons, nous pourrons en faire un très bon usage.

CHAPITRE III.

PREMIER PRINCIPE POUR BIEN VIVRE EN COMMUNAUTÉ.

Tout ce qui tient à cette question importante peut se réduire à trois ou quatre principes; nous donnerons le premier; saint Bernard nous fournira les trois autres.

Il faut d'abord savoir et s'inculquer profondément dans l'esprit que, si l'on veut avoir du contentement dans une communauté, il faut en donner; c'est une chose naturelle, l'un ne peut pas aller sans l'autre. Si vous donnez du contentement dans la maison où vous êtes, vous en aurez : rien n'est plus juste, on doit vous donner ce que vous donnez, vous traiter comme vous traitez les autres.

Il n'est pas difficile de montrer la justice de cette conduite, il suffit de se rappeler la loi du Talion presqu'aussi ancienne que le monde. La nature et la loi qui l'expliquent, veulent que celui qui fait du mal souffre le même mal; que celui qui a offensé soit offensé et puni d'un châtiment semblable au crime commis. Aussitôt après le déluge, Dieu dit à Noë: Quiconque aura répandu le sang de l'homme, son sang sera rẻpandu (1). Moïse confirme cette loi dans trois endroits différens, il dit dans l'Exode: OEil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, plaie pour plaie, meurtrissure pour

(1) Quicumque effuderit humanum sanguinem, fundetur sanguis illius. Gen. 9. 6.

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