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s'il s'agissait de foi humaine, la foi serait exigible. Mais il s'agit d'une foi divine, d'une foi qui s'appuie, non pas sur le témoignage de la Vérité première en tant qu'il résulte d'une preuve rationnelle, mais sur le témoignage de la Vérité première en soi, manifestant, directement quoique obscurément, la vérité proposée à l'esprit du croyant. Car, la foi surnaturelle est une Vertu théologique, n'ayant d'autre objet que Dieu selon ce qu'il est en lui

même.

La crédibilité rationnelle ne saurait donc être le principe régulateur de la foi surnaturelle elle rend celle-ci possible, elle ne l'exige pas. C'est ce qu'exprime à la lettre le mot credibile, qui dénote une aptitude à être cru de foi divine in actu extraneo et remoto : « Ut fidei nostræ obsequium rationi consentaneum esset », dit le Concile du Vatican. Du credibile au credendum il n'y a qu'un pas, mais il ne saurait être franchi, et, si on le franchit verbalement, il ne saurait être question, lorsque l'on parle de crédentité rationnelle, que d'une exigence relative et non absolue. C'est le sens du passage célèbre où saint Thomas a résumé les caractéristiques de la notion de crédibilité rationnelle : «< L'objet de foi, ditil, peut être considéré dans son détail, et ainsi il ne peut être vu et cru en même temps; il peut être considéré sous la raison générale de croyable, et ainsi il peut être vu par celui qui croit. Car, il ne croirait pas s'il ne voyait qu'il faut croire soit à cause de l'évidence des miracles, soit pour tout autre motif du même ordre (1) ».

Ce texte met en évidence la coïncidence des deux lumières, naturelle et surnaturelle, dans la considération de l'objet de foi, la distinction des aspects qu'elles regardent, l'inefficacité de la crédibilité rationnelle pour engendrer la foi, son rôle de condition <«< sine quà non ». La crédibilité y est définie comme l'aptitude naturelle (sunt visa ab eo qui credit) nécessaire (non crederet nisi videret) mais éloignée (sub ratione communi non in speciali) d'une assertion révélée à être crue de foi divine.

II.

Jugement surnaturel de Crédentité.

Avec lui, l'objet révélé passe de l'état de crédibilité in actu

(1) Ila IIae, q. I, a. 4, ad 2um: « Non crederet nisi videret esse credendum vel propter evidentiam signorum... »

extraneo et remoto à l'état de crédibilité in actu proprio et proximo. Ce n'est plus un objet capable d'être cru de foi divine, c'est un objet qui doit être cru de foi divine. L'aptitude de l'énoncé à l'acte de foi est moralement nécessitante. Elle n'est pas cependant encore immédiate. Sa formule est cette assertion, étant révélée par la Vérité première, doit être crue de foi divine. Cette énonciation, toute catégorique et sans réserve qu'elle soit, n'est pas un commandement, c'est une proposition. Elle n'est pas imposée à la volonté, elle lui est proposée, et la volonté libre peut lui refuser son consentement. Car le jugement rationnel de crédibilité qui vient d'intervenir n'a pas dévoilé le Mystère telle qu'il est en lui-même, et, par conséquent, il reste place dans la volonté pour une option (1). Cependant, la volonté ne saurait se refuser au verdict du jugement de crédentité sans contra diction avec elle-même, sans renier le consentement qu'elle a donné, dans la lumière divine, aux trois jugements préliminaires, consentement par lequel elle se résolvait à adhérer à tout ce que la Vérité première manifesterait pourvu que la raison le lui permît. C'est, en ayant égard à ces consentements antérieurs, sous la pression desquels la volonté se trouve lorsque le jugement de crédentité s'offre à elle, que nous disons que l'aptitude à être crue de foi divine, qui ressort pour une proposition du fait du jugement de crédentité, est moralement nécessitante. La volonté est libre absolument et psychologiquement parlant. Elle ne l'est pas hypothétiquement et moralement, c'est-à-dire si elle veut tenir compte effectivement des positions légitimement acquises. Il y a donc un acte de liberté intermédiaire entre le jugement de crédentité et l'acte de foi. Sa crédibilité n'est pas immédiate.

Saint Thomas n'a pas donné à ce jugement le nom de jugement de crédentité. Mais il a décrit nombre de fois cette crédibilité surnaturelle in actu primo qui lui sert d'objet. C'est elle qui est désignée, avec ses deux sortes d'antécédents, les uns surnaturels, l'autre naturel dans ce passage: « Celui qui croit a des motifs suffisants pour croire. Il croire. Il y est engagé inducitur, par l'autorité divine confirmée par les miracles, (voilà toute la crédibilité rationnelle) et, ce qui est davantage, par la touche (instinctù) intérieure du

(1) IIa IIae, q. II, a. 9, ad 3um.

Dieu qui l'invite. Il ne croit donc pas à la légère. Cependant il n'a pas de motifs suffisants pour croire. Et c'est pourquoi demeure le mérite de l'acte de foi. >> Y a-t-il ou n'y a-t-il pas suffisance de motifs? Saint Thomas dit oui, puis non. Mais il n'est pas difficile de lever la contradiction. Il y a assez de motifs pour ne pas croire à la légère, pour que l'acte de foi soit prudentiel et moral (1). Il n'y a pas cependant de motifs suffisants pour forcer l'assentiment pour le nécessiter de manière à ce qu'il ne soit plus libre. Quel est, parmi les jugements pratiques, ce jugement qui garantit la moralité de l'acte tout en laissant libre la liberté, sinon le jugement directeur et non impératif, qui propose une chose en déclarant qu'elle doit être faite, le jugement qui clôt le conseil et éclaire l'élection. Suffisance dans l'ordre de spécification, insuffisance dans l'ordre moteur, pour laisser à la volonté tout le mérite de l'acte sans rien lui enlever de la perfection objective qui fait sa valeur, voilà bien le jugement de crédentité reconnu, mis en place, par saint Thomas.

Mais, le texte de saint Thomas le plus significatif touchant le jugement de crédentité se trouve dans l'article 6 de la seconde dispute quodlibétique: saint Thomas se demande quelles conditions sont requises pour que l'homme soit tenu à croire. Être tenu à croire, c'est précisément ce que nous considérons comme l'effet propre du jugement de crédentité. Il pose ce principe. que, la foi étant un don de Dieu, on ne peut être tenu à croire que si l'on est aidé de Dieu et selon que l'on est aidé de Dieu. Quelles sont donc les aides divines ordonnées à la foi. Saint Thomas en cite trois, toutes trois objet de connaissance, au moins en partie, et donc matière à l'exercice du jugement. Nous disons au moins en partie, parce que le premier secours divin, que saint Thomas nomme l'appel intérieur « vocatio interior »>, s'il revêt un aspect objectif: Omnis qui audivit à Patre et didicit, venit ad me (Joannis, vi, 45), a aussi l'aspect subjectif d'une inspiration (selon les termes mêmes du II Concile d'Orange, can. 5), Quos prædestinavit, hos et vocavit (ad Rom. vi, 30). Le deuxième secours est la prédication extérieure, Fides ex auditû, auditus autem per verbum Christi (ad. Rom., x, 17); le troi

(1) On reconnaîtra dans le mot invitantis le caractère objectif qui permet à l'aide divine d'être objet de jugement.

sième sont les miracles extérieurs, « unde dicitur I Corinth. xiv, quod signa data sunt infidelibus, ut scilicet per ea provocentur ad fidem (1). » On retrouve ici gradués les antécédents du jugement de crédentité, tels que nous les avons décrits: Ces antécédents sont d'ordre objectif. Illumination de la vérité première (2), enseignement, miracles visibles. Il appartient à un acte de connaissance de les recueillir, à un acte de jugement pratique de formuler le caractère qui les rend obligatoires, et de les présenter à la volonté comme tels. Ce jugement, capable de réfléchir l'illumination du Saint-Esprit et d'être le principe de la foi surnaturelle, tout en tenant compte des garanties d'ordre naturel ménagées par Dieu, n'est-ce pas le jugement de crédentité?

Saint Thomas a donc connu ce second état de la crédibilité de la révélation, où les motifs surnaturels ont le pas sur les motifs rationnels qu'ils requièrent normalement (3) d'ailleurs, où la crédibilité est obligatoire, « tenetur credere » dit-il. C'était l'évidence même pour lui que l'existence de ce jugement de crédentité. Lui si renseigné sur l'organisme des actes humains et qui a donné tant de relief au jugement pratique qui précède l'« imperium » prudentiel ordinaire, comment aurait-il pu admettre l'«< imperium fidei » et l'« obsequium fidei », sans les faire précéder d'un jugement pratique du même ordre, et donc surnaturel. Il ne l'a pas dégagé nommément parce que cela allait de soi. Mais nous venons de voir qu'il en a signalé tous les éléments. Et nous sommes loin d'avoir relevé tous les textes et toutes les indications relatifs à ce sujet.

III.

Jugement surnaturel intrinsèque au commandement. Dans le commandement la crédibilité d'une assertion révélée n'est plus in actu proprio, proximo, sed primo, elle est in actu immediato, exercito et secundo. D'un mot, sous l'empire de l'élection, la crédibilité de l'assertion est en plein exercice de crédibilité. L'imperium ne propose plus, il ordonne. Il ne dit plus: credendum est mais crede propter auctoritatem Dei revelantis.

Le credibile sous l'imperium équivaut donc au creditum quant

p. 477.

(1) Quodlibet II, a. 6, in corp.; éd. Parme, 1859, t. IX, (2) Cf. même article, ad 3um : « instinctus interior... pertinet ad virtutem veritatis primæ quæ interius hominem illuminat et docet. >>

(3) Nous verrons plus loin qu'il y a des suppléances accidentelles.

à la réalisation effective des choses. On pourrait dire de lui : le vote est acquis d'avance, ou plutôt il n'y a plus de vote, car l'acte de volonté intermédiaire entre l'imperium et l'exécution, l'usus activus, l'utilisation, cet acte n'est pas libre. Aussi dans la pratique se sert-on du mot credibile pour exprimer le terme objectif de l'acte de foi proprement dit: La vérité révélée, dit saint Thomas, « non habet quod sit actû credibilis nisi ex veritate primà, sicut color est visibilis in luce (1) ». Cette comparaison semble supposer, sur la vérité qui en est l'objet, la pleine lumière de la vérité première, objet formel de l'acte de foi. Aussi, de fait, saint Thomas se sert-il constamment du mot credibile pour dénommer l'objet matériel de l'acte de foi, par exemple lorsqu'il se demande : « Utrum credibilia sint per certos articulos distinquenda, II II, q. I, a. 6. Le mot credibile est l'équivalent du mot foi pris objectivement.

Cependant, au point de vue d'une analyse psychologique stricte, que seule peut révéler la comparaison avec l'organisme psychologique parallèle des actes humains en général, le credibile in actu n'est pas le creditum in actu. Le credibile in actu est l'objet de l'imperium fidei, le creditum est l'objet dé l'obsequium fidei. Le credibile est encore dans l'ordre de la puissance, le creditum est dans l'ordre de l'acte. Nous pouvons donc considérer la crédibilité intrinsèque au commandement comme le degré suprême de la crédibilité. On pourrait, par analogie avec la définition de la vertu (2), la nommer la crédibilité virtuelle, le nom de crédibilité potentielle étant réservé au terme du jugement pratique de crédentité, et celui de crédibilité rationnelle ou extrinsèque, ou de crédibilité tout court, au résultat des motifs de crédibilité.

Au point de vue de la spécification, la crédibilité rationnelle forme une espèce à part: la crédibilité potentielle et la crédibilité virtuelle ne sont au contraire que les degrés d'intensité d'une même qualité.

Dans ces deux acceptions spécifiques, la crédibilité constitue une propriété de l'objet de foi relative à l'intelligence humaine, propriété analogue à la propriété transcendantale de visibilité que

(1) In III Sent., dist. 24, q. I, a.1. (2) « Virtus ultimum potentiæ. »

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