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INTRODUCTION.

La chronique de Jean de Stavelot continue la grande chronique de Jean d'Outremeuse, dont la publication, longtemps et ardemment désirée par tous ceux qui se sont occupés à suivre ou à retracer les vicissitudes que l'ancien pays de Liége a éprouvées au moyen âge, a été décidée par la Commission royale d'histoire dès l'année 1834. Plus tard, j'aurai à examiner en détail l'œuvre importante qui commence à paraître aujourd'hui, et l'occasion viendra alors de dire les circonstances qui ont retardé jusqu'à présent l'exécution de cette décision. Pour le moment, je dois me contenter de rechercher ce que fut le moine laborieux dont le travail, attaché à celui de l'écrivain qu'on peut appeler le père de l'histoire de Liége, — il en forme le cinquième livre, constitue cependant un tout qu'il est possible de détacher, et qu'il a paru convenable de publier avant les quatre livres qui le précèdent.

C'est dans l'œuvre même de Jean de Stavelot qu'il faut puiser les quelques détails qui nous sont parvenus sur son existence paisible et cependant si occupée; c'est là aussi qu'a été les prendre le seul écrivain qui ait fait sa biographie, et au travail duquel nous aurons en définitive peu de choses à ajouter. En effet, avant la notice publiée par Gachet dans nos Bulletins ',

1 Compte rendu des séances de la Commission royale d'histoire, ou recueil de ses bulle

tins. Première série, tome XIV, p. 165.

a.

on ne connaissait de Jean de Stavelot que son nom, et la liste fort inexacte encore des écrits composés ou copiés par lui. Ni Fabricius 1, ni Foppens 2, les seuls bibliographes qui lui aient consacré quelques lignes pleines d'erreurs, n'avaient consulté cette chronique, qui est bien cependant son œuvre capitale. Aujourd'hui qu'elle voit enfin le jour, on peut, à l'aide des renseignements fournis par lui-même, le suivre dans sa carrière, sans avoir toutefois beaucoup de faits à signaler. La vie du cloître, où il resta constamment renfermé, est nécessairement dépourvue des incidents plus ou moins dramatiques qui remplissent et troublent l'existence de l'homme mêlé au tourbillon du monde.

Jean de Stavelot naquit le 5 juin 1388, dans la petite ville qui lui a donné son nom. C'est ce qui résulte de l'inscription suivante, attachée au manuscrit no 10463 de la Bibliothèque royale, qui renferme le second livre de la chronique de Jean d'Outremeuse : « Chis libre est et appartient al monasteir » Saint Lorent deleis Liege, de l'ordine saint Benoist, et fut escript et accom>> plis par Damp Johans de Stavelot, confrère eldit monasteir, en temporal » de son eaige LIIII ans II mois et XX jours, assavoir l'an del incarnation » Nostre Saingneur Jhesu-Crist M. CCCC et XLII, en mois d'awoust, len» demain del saint Bertremeir l'apostle. » Sa famille appartenait sans doute à la bonne bourgeoisie, puisque son père, -lui-même nous l'apprend3,estoit uns des esquevins de Stavelot. A l'âge de quatorze ans, ainsi en 1402, il obtint de l'abbé Étienne de Mairles une prébende dans le monastère bénédictin de Saint-Laurent lez-Liége, et fut alors, pour employer ses propres expressions, vestis et tondus moyne. Toutefois il ne put, à cause de son âge, entrer dans les ordres que plusieurs années après, probablement en 1413, et il raconte qu'il dut retarder assez longtemps la célébration de sa première messe, parce qu'il désirait y voir assister son père, appelé à Aix - la - Chapelle pour le couronnement de l'empereur

1 Bibliotheca latina mediae et infimae aetatis, tome IV.

2 Bibliotheca belgica, tome II.

5

5 Voir plus loin sa chronique, p. 149. Ibid., p. 94.

5 Ibid., p. 149.

Sigismond. La cérémonie religieuse, destinée à attacher irrévocablement notre chroniqueur à l'état dont il avait fait choix, n'eut lieu en effet que huit jours après ce couronnement, par conséquent le 15 novembre 1414. Après cela, les renseignements personnels fournis par Jean de Stavelot deviennent fort rares. Sa relation de la croisade contre les Hussites, en 1421, autorise à croire qu'il y accompagna son souverain Jean de Heinsberg; c'est du moins ce qu'on peut inférer des détails minutieux dans lesquels il entre à ce sujet, et du pronom nous dont il se sert', en parlant du siége d'un château fort qui finit par tomber aux mains des croisés. De la description non moins détaillée qu'il fait du couronnement de l'empereur Frédéric III, en 14422, on pourrait induire également qu'il assista à cette cérémonie.

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;

A l'âge de cinquante-sept ans, en 1445, notre chroniqueur paraît avoir commencé à ressentir cette lassitude qui annonce à l'homme sa décrépitude prochaine, et, le 11 septembre de cette année, il interrompit son œuvre 3 ; mais, quelques semaines plus tard, il la reprenait avec l'intention de la continuer jusqu'à ce que les forces lui fissent défaut *. C'est ce qui arriva dans l'été de 1447. A cette date, la chronique change de physionomie, et les douze dernières pages sont écrites en latin, idiome dont Jean de Stavelot n'a fait usage que dans une seule circonstance". A l'écriture, essentiellement différente de celle qui précède, on s'aperçoit aussi que le rédacteur n'est plus le même, et tout à la fin on lit, tracés de la même main, ces deux mots: Fr. Adrianus. Dans sa notice citée plus haut, Gachet suppose, avec grande apparence de raison, que l'écrivain qui a complété l'œuvre de Jean de Stavelot est cet Adrianus de Veteri Busco, son confrère à l'abbaye de Saint-Laurent, à qui nous sommes redevables d'une chronique fort importante et fort intéressante sur les événements du règne de Louis de Bourbon ".

1 Voir plus loin sa chronique, p. 191. 2 Ibid., p. 495.

3 Ibid., p. 568.

* Ibid., p. 569.

5 Voir plus loin, pp. 480 et 481.

6 Bulletins de la Commission royale d'histoire, t. XIV, p. 167.

7 Elle a été insérée par Martène et Durand

Dans cette œuvre, frère Adrien devient le continuateur de Jean de Stavelot, et quoiqu'il remonte à quelques années avant la mort de ce dernier, nous n'avons pas trouvé de conformité matérielle entre le texte de sa propre chronique et celui qui sert de continuation à la chronique de son prédécesseur. Je signale le fait, sans prétendre en induire que les deux textes ne sont pas du même écrivain; car je ne prévois pas d'objection sérieuse à faire à l'hypothèse émise par Gachet.

Jean de Stavelot vécut deux ans encore après avoir déposé la plume. Dans l'été de 1449, il fit une maladie qui le retint plusieurs mois à l'infirmerie du couvent. Rétabli par les secours de deux médecins dont nous avons les noms ', il fut, peu de jours après, frappé d'apoplexie et mourut, le 16 octobre, à un âge relativement peu avancé, puisqu'il était à peine entré dans sa soixante-deuxième année. Son continuateur nous a laissé le récit de ses derniers instants et la liste de ses ouvrages 2, dont quelques-uns ne sont du reste que des copies; on peut la comparer avec celle que Reiffenberg a publiée dans l'Annuaire de la Bibliothèque royale 3, d'après Jean de Stavelot lui-même. Gachet remarque avec raison qu'elle atteste l'assiduité la plus merveilleuse 4. Cependant frère Adrien, tout en rendant aussi justice à son activité, lui reproche des actes de négligence. Il m'est impossible de voir là autre chose que l'indication de légères infractions à ces pratiques minutieuses et parfois puériles qui constituent la vie du cloître. S'il se fût agi de fautes présentant un caractère de gravité, le coupable n'eût pas été cité comme un exemple à suivre : « Accipiant posteri, dit son continuateur,

exemplum ut sint studiosi, quia nullum bonum irremuneratum, nullum » autem malum impunitum . » Ceci ne concerne que le caractère studieux de notre chroniqueur; mais sa moralité et l'idée sérieuse qu'il s'était faite des devoirs de son état, sont aussi attestées par cet autre passage qui le

dans le vol. IV de leur Veterum scriptorum
et monumentorum Amplissima Collectio.
1 Voir plus loin sa chronique, p. 606.
2 Ibid., pp. 606-608.

3 Vol. I,

, P. XLIX.

Voir sa notice, p. 174. 5 Voir plus loin, p. 608.

concerne toujours : « Ad honestatem multa ordinaverat, scilicet et ad divi>> num officium, pro quibus sepius a suis confratribus persecutionem passus » fuerat 1. »>

Je regarde comme superflu d'insister sur l'intérêt que présente l'œuvre de Jean de Stavelot; il suffit de l'ouvrir pour s'en convaincre; elle complète la chronique également curieuse d'un autre moine liégeois, Zantfliet, et fournit les renseignements les plus détaillés que nous possédions sur la première moitié de ce quinzième siècle qui occupe une place si importante dans l'histoire de notre pays. Le règne de Jean de Bavière, et surtout celui de Jean de Heinsberg, sont traités avec un soin particulier, et l'on trouve là des détails qui ne se rencontrent nulle part ailleurs. Quant au style, il ne se recommande point par les qualités qui distinguent celui de Jean d'Outremeuse. On y remarque cependant des passages intéressants, et tels sont ceux où l'occasion se présente pour l'auteur d'exprimer son opinion sur les événements dont il a été témoin. Je citerai, par exemple, le fragment où, ayant à retracer les cruautés de Jean de Bavière après le désastre d'Othée, il dit : « Très bonnes gens, qui chu liseis, entendeis >> quelles terribles venganches, et en quantes manières fut flagelleis tout » li pays de Liege, et fut mis à grant povreteit et à grant servaige, pour » l'inobedienche et rebellion de XII ou xx maulvolans, qui chu commen>> chont el citeit de Liege, dont tant de milhe hommes perirent, et tant de >> mals avinrent et accrurent, desqueils en grande doleur nos recitons. Et » partant, oussitot que aulcuns malvolans commenchent une malvaiseteit, >> ons ne se doit nullement a eux assentir, mais tantost ons les doit resisteir » et corregier, affin que plus grand mal n'en puist venir en temps futur. » Parfois il mêle, avec assez d'à-propos, au récit des événements, des réflexions pleines de bon sens et d'humour. Ainsi, quand il parle d'un varlet des maîtres de la cité, Colard Coclet, qui prit une part active à l'arrestation de Lambert d'Atin et fut pour cette prise moult bien loué, il a soin

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