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s'interdira, en partie d'abord, et bientôt totalement, jusqu'à ces paroles qu'elle aimait tant à redire : « Gloire au Père, et au Fils, et au SaintEsprit! » Ses chants sont devenus trop lugubres, et ce cri de jubilation irait mal à la désolation qui a submergé son cœur.

Ses lectures, aux offices de la nuit, sont prises dans Jérémie, le plus lamentable des Prophètes. La couleur de ses vêtements est toujours celle qu'elle a adoptée au jour où elle imposa les cendres sur le front humilié de ses enfants; mais quand sera arrivé le redoutable Vendredi, le violet ne suffira plus à sa tristesse: elle se couvrira de vêtements noirs, comme ceux qui pleurent le trépas d'un mortel; car son Epoux est véritablement mort en ce jour. Les péchés des hommes et les rigueurs de la justice divine ont fondu sur lui, et il a rendu son âme à son Père, dans les horreurs de l'agonie.

Dans l'attente de cette heure terrible, la sainte Eglise manifeste ses douloureux pressentiments, en voilant par avance l'image de son divin Epoux. La croix elle-même a cessé d'être accessible aux regards des fidèles; elle a disparu sous un voile sombre. Les images des Saints ne sont plus visibles; il est juste que le serviteur s'efface, quand la gloire du Maître s'est éclipsée. Les interprètes de la sainte Liturgie nous enseignent que cette austère coutume de voiler la croix au temps de la Passion exprime l'humiliation du Rédempteur, réduit à se cacher pour n'être pas lapidé par les Juifs, comme nous le lirons dans l'Evangile du Dimanche de la Passion. L'Eglise applique dès le samedi, à Vêpres, cette solennelle rubrique, et avec une telle rigueur que, dans les années où la fête de l'Annonciation de Notre-Dame tombe dans

la semaine de la Passion, l'image de Marie, Mère de Dieu, demeure voilée, en ce jour même où l'Ange la salue pleine de grâce et bénie entre toutes les femmes.

CHAPITRE III.

PRATIQUE DU TEMPS DE LA PASSION ET DE LA
SEMAINE SAINTE.

E ciel de la sainte Eglise devient de plus en plus sombre; les teintes sévères qu'il avait revêtues, dans le cours des

quatre semaines qui viennent de s'écouler, ne suffisent plus au deuil de l'Epouse. Elle sait que les hommes cherchent l'Epoux, et qu'ils ont conspiré sa mort. Douze jours ne seront pas écoulés, qu'elle verra ses ennemis mettre sur lui leurs mains sacrilèges. Elle aura à le suivre sur la montagne de douleur; elle recueillera son dernier soupir; elle verra sceller sur son corps inanimé la pierre du sépulcre. Il n'est donc pas étonnant qu'elle invite tous ses enfants, durant cette quinzaine, à contempler celui qui est l'objet de toutes ses affections et de toutes ses tristesses.

Mais ce ne sont pas des larmes et une compassion stériles que demande de nous notre mère; elle veut que nous profitions des enseignements que vont nous fournir les terribles scènes que nous sommes appelés à voir se succéder sous nos yeux. Elle se souvient que le Sauveur, montant au Calvaire, dit à ces femmes de Jérusalem qui osaient pleurer sur son sort en présence même de ses bourreaux: « Ne pleurez pas sur moi, mais sur vous et sur vos enfants 1. » Il ne refusait pas

1. Luc. XXIII, 28.

le tribut de leurs larmes, il était touché de leur affection; mais l'amour même qu'il leur portait lui dictait ces paroles. Il voulait surtout les voir pénétrées de la grandeur de l'événement qui s'accomplissait, à cette heure où la justice de Dieu se révélait si inexorable envers le péché.

L'Eglise a commencé la conversion du pécheur dans les semaines qui ont précédé; elle veut maintement la consommer. Ce n'est plus le Christ jeûnant et priant sur la montagne de la Quarantaine qu'elle offre à nos regards; c'est la Victime universelle immolée pour le salut du monde. L'heure va sonner, la puissance des ténèbres s'apprête à user des moments qui lui sont laissés; le plus affreux des crimes va être commis. Le Fils de Dieu sera, dans quelques jours, livré au pouvoir des pécheurs, et ils le tueront. L'Eglise n'a plus besoin d'exhorter ses enfants à la pénitence; il savent trop maintenant ce qu'est le péché qui a exigé une telle expiation. Elle est tout entière aux sentiments que lui inspire le fatal dénoûment que devait avoir la présence d'un Dieu sur la terre; et, en exprimant ces sentiments par la sainte liturgie, elle nous guide dans ceux que nous devons concevoir nous-mêmes.

Le caractère le plus général des prières et des rites de cette quinzaine est une douleur profonde de voir le Juste opprimé par ses ennemis jusqu'à la mort, et une indignation énergique contre le peuple déicide. David, les Prophètes, fournissent ordinairement le fond de ces formules de deuil. Tantôt c'est le Christ lui-même qui dévoile les angoisses de son âme; tantôt ce sont d'effroyables imprécations contre ses bourreaux. Le châtiment de la nation juive est étalé dans toute son horreur, et à chacun des trois derniers jours

on entendra Jérémie se lamenter sur les ruines de l'infidèle cité. L'Eglise ne cherche pas à exciter une sensibilité stérile; elle veut frapper d'abord au cœur de ses enfants par une terreur salutaire. S'ils sont effrayés du crime commis dans Jérusalem, s'ils sentent qu'ils en sont coupables, leurs larmes couleront toujours assez.

Préparons-nous donc à ces fortes impressions trop souvent méconnues par la piété superficielle de notre temps. Rappelons-nous l'amour et la bénignité du Fils de Dieu venant se confier aux hommes, vivant de leur vie, poursuivant sans bruit sa pacifique carrière, « passant sur cette terre en faisant le bien », et voyons maintenant cette vie toute de tendresse, de condescendance et d'humilité, aboutir à un supplice infâme sur le gibet des esclaves. Considérons d'un côté le peuple pervers des pécheurs qui, faute de crimes, impute au Rédempteur ses bienfaits, qui consomme la plus noire ingratitude par l'effusion d'un sang aussi innocent qu'il est divin; de l'autre, contemplons le Juste par excellence en proie à toutes les amertumes, son âme « triste jusqu'à la mort 2 », le poids de malédiction qui pèse sur lui, ce calice qu'il doit boire jusqu'à la lie, malgré son humble réclamation; le Ciel inflexible à ses prières comme à ses douleurs; enfin, entendons son cri : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avezvous abandonné3 ? » C'est là ce qui émeut d'abord la sainte Eglise ; c'est là ce qu'elle propose à notre :; attention; car elle sait que si cette horrible scène est comprise de nous, les liens que nous avons avec le péché se rompront d'eux-mêmes, et qu'il nous

I. Act. x, 38.

2. MATTH. XXVI, 38 3. Ibid. xxvII, 46.

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