de chefs et de conducteurs du peuple saint. Jésus-Christ lui-même n'est pas descendu de sa gloire pour venir la retrouver parmi les hommes; il n'est venu que pour devenir notre exemple; et quel exemple, mes Frères? de peine, de travail, de mansuétude, de charité, d'humiliation, de souffrance: Exemplum dedi vobis ; (Joan. 13. 15.) il ne nous a laissés à sa place que pour continuer à l'être nous-mêmes du reste des fidèles : Ut quemadmodùm ego feci vobis, ita et vos faciatis. L'exemple est donc le premier devoir de notre état sans lui, ou toutes nos fonctions deviennent inutiles, ou elles sont une occasion de chute et de scandale aux peuples que le Seigneur nous a confiés dans sa colère. PREMIÈRE RÉFLEXION. JE E dis, premièrement, que toutes les fonctions d'un pasteur et d'un prêtre peu édifiant deviennent inutiles. Ce n'est pas que j'ignore, mes Frères, que la vertu des sacremens ne dépend pas de celle du ministre je sais que les graces dont ils sont les canaux, découlent infailliblement et sans interruption du sang de Jésus-Christ, et non du ministère de l'homme. Hélas! mes Frères, les bienfaits inestimables de Dieu sur son Eglise, seroient bien peu solides et peu certains, s'il les avoit fait dépendre de la fidélité de ses ministres, et si nos foiblesses pouvoient en arrêter ou suspendre le cours, Mais je dis que la piété, les instructions, les prières d'un pasteur fidèle, préparent les peuples à recevoir ces graces de l'Eglise, avec les dispositions auxquelles le fruit de ces graces est attaché; au lieu qu'un pasteur qui n'édifie pas son peuple, dispense à la vérité les mêmes trésors et les mêmes graces, mais elles tombent sur une terre en friche, sur des cœurs que ses exemples non-seulement ont mal préparés, mais ont fermés à toutes les influences de la grace : il sème, et il ne recueille point; il arrose, et il ne voit point d'accroissement, et le champ sacré qui lui est confié est toujours frappé de malédiction et de stérilité. Je dis que les pécheurs sortent des pieds de son tribunal aussi peu touchés de leurs égaremens, qu'il l'est lui-même de ses égaremens propres je dis qu'ils approchent de la Table sainte avec la même irrévérence, les mêmes foiblesses, avec aussi peu de fruit, qu'ils l'en voient tous les jours approcher lui-même: je dis que la parole de l'Evangile dans sa bouche, s'il fait tant que de l'annoncer, n'est plus qu'un airain sonnant, et que ses instructions ne sauroient trouver que des auditeurs tout déterminés à n'en faire aucun usage: je dis que s'il va consoler de pauvres affligés, il n'a plus le don d'essuyer des larmes que la religion seule adoucit, et dont la piété seule du consolateur peut suspendre le cours s'il exhorte des mouraus, hélas! par sa seule présence il leur montre plutôt le monde que l'éternité; l'amour de la vie présente, : : bien plus que l'attente et le desir de cette vie qui ne doit plus finir: je dis enfin, que tout son ministère est un vide affreux, son Eglise un champ sec et stérile qui ne produit que des ronces; lui-même un sel affadi incapable de préserver de la corruption, et inutile à tous les usages auxquels il étoit d'abord destiné. Quel malheur pour un peuple à qui Dieu dans sa colère a donné un tel pasteur! quel malheur encore plus grand, si ce peuple sent les autres calamités passagères dont Dieu l'afflige quelquefois, les grêles, les stérilités, les dérangemens des saisons; et s'il ne sent pas le fléau le plus durable et le plus terrible dont Dieu puisse frapper un peuple, qui est de le laisser conduire par un mauvais prêtre ! mes 9 Et ce qu'il y a ici encore de plus triste Frères, comme un pasteur de ce caractère n'aime ni l'étude, ni la prière, ni la retraite, il faut qu'il se répande saus cesse au dehors; et plus il se montre à son peuple, plus il se rend inutile; plu il se montre, plus il manifeste ce qui peut anéantir le fruit de ses fonctions. Car, mes Frères, que peut-il revenir à son peuple de ses conversations et de sa présence? que voientils en le voyant? ils ne voient rien qui les porte à Dieu, rien qui soutienne leur foi, rien qui leur rappelle les devoirs de la religion, rien qui les détrompe des erreurs et des préjugés des passions répandus dans le monde, qui damnent la plupart des chrétiens; enfin la présence d'un pasteur qui leur tient la place de Jésus-Christ n'est pas pour eux un spectacle de religion, c'est un spectacle ordinaire du siècle. Et voilà, mes Frères, le bien inestimable que fait dans une paroisse l'exemple et la présence seule d'un saint pasteur. Qu'il se montre seulement, sa vie, ses mœurs, deviennent une instruction continuelle pour son peuple: il ne se passe pas de jour où cet exemple vivant et respectable n'arrête quelque pécheur sur le point de se livrer au crime, n'inspire à quelque autre des desirs de conversion, ne fasse rougir en secret le libertin; et s'il ne le corrige pas de ses vices, ne l'oblige du moins d'en cacher le scandale, ne soutienne les ames foibles et chancelantes, ne console et n'encourage la piété des justes, ne fasse enfin respecter la vertu à ceux même qui vivent dans le vice. Que de biens, mes Frères, ne pouvons-nous pas faire quand nous sommes fidèles à notre vocation! et quel compte terrible le souverain pasteur ne nous demandera-t-il pas, si nos mœurs peu sacerdotales ont mis un obstacle aux fruits infinis qu'il attendoit de notre sacerdoce, et qu'un saint pasteur à notre place lui auroit offerts? Rappelons-nous souvent cette vérité si terrible et sj humiliante pour nous: Si un saint prêtre eût été à la tête du troupeau que je conduis, et au milieu duquel mon ministère n'a opéré jusqu'ic aucun changement en mieux, aucun renouvellement de piété, que d'ames n'auroit-il pas ga gnées à Jésus-Christ? que de crimes n'auroit-il pas prévenus? que de plaies invétérées n'auroitil pas guéries? que de consciences séduites, et tranquilles dans leurs erreurs, n'auroit-il pas éclairées? que d'ames sur le point de tomber n'auroit-il pas préservées? quelles glorieuses dépouilles sur le prince du siècle, n'auroit-il pas présentées au sortir de la vie devant le trône de l'Agneau? qu'il y auroit paru avec une sainte confiance, accompagné de toutes ces ames, qui lui auroient dû leur salut, et qu'il auroit rendues à Jésus-Christ, à qui elles appartenoient par tant de titres ! C'est ainsi qu'un saint pasteur à notre place, à l'exemple du souverain pasteur, seroit monté dans le ciel, et auroit paru devant Dieu environné des dépouilles précieuses qu'il auroit remportées sur toutes les puissances des ténèbres, menant avec lui en triomphe les ames qu'il auroit délivrées de la captivité du péché : Exspolians principatus et potestates, ascendens in cœlum captivam duxit captivitatem. (Coloss.. 2. 15. Ephes. 4. 8.). Mais, hélas! comment y paroîtra un pasteur inutile, et dont les exemples loin d'édifier son peuple, en ont augmenté, comme nous dirons. bientôt, les déréglemens? Comment paroîtra-t-il devant son juge, seul, humilié, confondu, revêtu d'un caractère saint, qui deviendra alors le titre le plus affreux de sa condamnation? Et s'il est suivi des ames qui lui avoient été confiées, ce seront des ames qu'il avoit négligées,' af |