pasteurs à remplir ce devoir; et notre dessein, dans ce que nous venons d'en dire, est plutôt d'encourager leur fidélité, que de réveiller leur négligence. NEUVIÈME DISCOURS. De l'avarice des prétres. 1731. IL vous a peut-être d'abord paru, mes Frères, que l'instruction édifiante que vous venez d'entendre sur l'usage des biens ecclésiastiques, ne convenoit guère à la plupart d'entre vous. La médiocrité de vos revenus, qui suffit à peine à vos besoins, semble vous mettre à couvert des abus ordinaires dans l'usage des biens consacrés à l'Eglise: vous vous trompez, mes Frères; c'est cette médiocrité qui devroit rendre ces abus plus rares parmi vous, c'est elle-même souvent qui les multiplie, et qui devient tous les jours un prétexte pour les justifier à vos yeux. Ce n'est pas l'abondance qui fait le crime; c'est la manière d'acquérir, et de jouir de ce que l'on possède: ce n'est pas toujours dans le plus ou le moins de revenus qu'est le danger; c'est dans l'apreté et la dureté qui les exige; c'est dans l'attachement et l'avarice sordide qui en use; c'est enfin dans le scandale, qui après les avoir accumulées, laisse en proie à des héritiers profanes, des biens consacrés à des usages saints. Voilà les abus qui ont fait sonvent dans nos visites, vous le savez, le sujet de notre douleur et de nos remontrances. Je dis l'âpreté et la dureté qui les exige. Nous avions cru prévenir ce scandale par un réglement qui fixe et assure vos droits; mais ce réglement lui-même, cette lettre de la loi, n'a servi qu'à multiplier les prévarications, ou par l'infidélité publique de ceux qui passent les sages bornes que nous avions posées, ou par les interprétations fausses et favorables à l'avarice, que quelquesuns y donnent tous les jours. Ce que l'Apôtre exige d'abord d'un ministre, vous le savez, c'est qu'il ne puisse pas même être soupçonné de ne se proposer point d'autre prix de la sainteté et de la sublimité de ses fonctions, qu'un gain sordide: Non turpis lucri cupidum. (Tit. 1. 7.) Tout notre ministère est un ministère de charité, de désintéressement et d'édification : quel caractère donc pour un pasteur et pour un père, de vendre durement et rigoureusement ses soins et sa tendresse à ses enfans; d'être à leur égard un exacteur dur et inexorable, et un abject mercenaire, tranquille sur le salut ou sur la perte de son troupeau, et uniquement occupé du profit sordide et temporel qu'il en retire! Oui, mes Frères, que les instructions d'un pasteur de ce caractère soient sans fruit, ce n'est pas ce qui le touche; que toute sa vie se soit passée, sans que ses fonctions aient .' gagné une seule ame à Jésus-Christ, son zèle le laisse là-dessus fort tranquille; il ne se plaint pas de l'inutilité de ses peines; il ne le sent pas : mais que ses fonctions ne lui rapportent pas le prix vil et abject qu'il en avoit attendu; c'est là que sa douleur et sa vivacité se réveillent; qu'il compte ses soins perdus, et qu'il commence à sentir le chagrin d'être un ouvrier inutile. Je sens, mes Frères, que la dignité de notre ministère rougit elle-même de ces reproches; et c'est à regret qu'ils sortent ici de ma bouche devant un presbytère si respectable. Mais avec qui pourroisje me consoler de ces scandales, qu'avec vous, mes Frères, qui ne les ignorez pas, et qui en gémissez tous les jours avec moi? Si ces plaies, comme tant d'autres, étoient cachées dans le se cret du sanctuaire, nous pourrions ici les dissimuler; mais de cette dureté mercenaire qui exige au delà des règles, naissent tous les jours des contestations et des procès scandaleux; et les tribunaux laïques eux-mêmes retentissent de la honte du sacerdoce. De là le pasteur odieux et méprisable à son troupeau, et la religion, dans l'esprit d'un peuple grossier, devenue un gain et un trafic sordide: et ce qu'il y a ici de plus déshonorant pour le ministère, c'est que ces fidèles dont vous exigez vos droits avec plus de dureté, vivent dans une misère capable de toucher les coœurs les plus barbares; et loin de trouver dans leur pasteur un père qui les console, ou qui les soulage, n'y trouvent qu'un tyran qui achève de les accabler. Je Je sais qu'il peut arriver que la grossièreté ou le peu de religion de quelques-uns d'entre le peuple, aille jusqu'à vous refuser votre honoraire le plus légitime: mais outre que ces accidens sont rares, je dis qu'ils le sont encore plus à l'égard des pasteurs que leur zèle, leur piété, leur désintéressement, rend respectables a leur peuple; et qui loin d'exiger au delà des bornes prescrites, savent relâcher de leurs droits, et compatir à la misère de leurs paroissiens, dans les occasions où la charité, la justice, et l'humanité seules semblent le demander. Je dis que le refus que font quelquefois les fidèles de s'acquitter envers leur pasteur des droits attachés à ses fonctions, prend presque toujours sa source dans l'injustice et la dureté du pasteur lui-même, qui veut exiger ou au delà de ses droits, ou au delà des facultés des pauvres desquels il les exige. Ce qu'il y a de bien vrai, mes Frères, c'est que ces altercations honteuses qui arrivent tous les jours dans les paroisses entre les fidèles et leur pasteur à l'occasion de ces droits temporels, n'arrivent que dans les paroisses où les pasteurs ne sont ni les plus édifians, ni les plus charitables, ni les plus réguliers de ce diocèse. Voilà, mes Frères, le premier abus dans l'usage des biens de l'Eglise; la dureté qui les exige : le second, c'est l'avarice sordide, qui après les avoir exigés avec dureté se les refuse à soi-même, et encore plus à ceux qui sont dans l'indigence. Vous le savez, mes Frères, et une triste expérience ne Tome IX. CONFER. II. 12 le confirme que trop tous les jours : les curés les plus durs, les plus âpres à exiger leurs droits, sont ceux qui vivent d'une manière plus sordide et plus indécente; ils avilissent leur caractère par un genre de vie qu'une avarice basse et outrée toute seule peut leur rendre supportable; ce sont des entrailles de fer pour eux-mêmes, et pour les pauvres qui vivent sous leur conduite. La frugalité est sans doute une des principales vertus du sacerdoce; mais elle ne se retranche certaines commodités que pour avoir de quoi soulager ceux qui souffrent. Si ces pasteurs si avares, si durs pour euxmêmes, paroissoient ensuite charitables et prodigues envers leurs frères, leur conduite ne seroit que digne de notre admiration et de nos éloges; ils ajouteroient au sacrifice de la charité, celui de la pénitence, et nous rameneroient les exemples et le souvenir des temps les plus heureux de l'Eglise: mais c'est une avarice indigne et sordide qui, les rendant durs à eux-mêmes, les rend encore plus durs et plus insensibles aux besoins des pauvres qu'ils ont tous les jours sous les yeux. Oui, mes Frères, il semble que ce vice est une malédiction attachée au sacerdoce; et à quels avilissemens ne prostitue-t-il pas tous les jours la sainte dignité de notre état? On voit des prêtres et des pasteurs avilir leur caractère jusqu'aux trafics les plus bas et les plus honteux; courir tous les marchés, s'y montrer plus avides de gain, plus instruits, plus exercés dans un |