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« tira jamais du temple: » Foras non egredictur amplius. Immobile comme une colonne, il aura sa demeure fixe dans la maison du Seigneur, et n'en sera jamais séparé par aucun crime. « Je le ferai, » dit Jésus-Christ, et c'est l'ouvrage de ma grâce. Mais comment affermira-t-il cette colonne? Écoutez, voici le mystère : « et j'écrirai dessus,» poursuit le Sauveur : j'élèverai la colonne, mais en même temps je mettrai dessus une inscription mémorable. Hé! qu'écrirez-vous, ô Seigneur? Trois noms seulement, afin que l'inscription soit aussi courte que magnifique. « J'y écrirai, dit-il, << le nom de mon Dieu, et le nom de la cité de << mon dieu, la nouvelle Jérusalem, et mon nou« veau nom3. » Ces noms, comme la suite le fera paraître, signifient une foi vive dans l'intérieur, les pratiques extérieures de la piété dans les saintes observances de l'Église, et la fréquentation des saints sacrements: trois moyens de conserver l'innocence, et l'abrégé de la vie de notre sainte princesse. C'est ce que vous verrez écrit sur la colonne et vous lirez dans son inscription les causes de sa fermeté. Et d'abord : « J'y écrirai, dit-il, le nom de mon Dieu, » en lui inspirant une foi vive. C'est, messieurs, par une telle foi, que le nom de Dieu est gravé profondément dans nos cœurs. Une foi vive est le fondement de la stabilité que nous admirons : car d'où viennent nos inconstances, si ce n'est de notre foi chancelante? parce que ce fondement est mal affermi, nous craignons de bâtir dessus, et nous marchons d'un pas douteux dans le chemin de la vertu. La foi seule a de quoi fixer l'esprit vacillant; car écoutez les qualités que saint Paul lui donne : Fides sperandarum substantia rerum. « La foi dit-il, est une substance4, » un solide fondement, un ferme soutien. Mais de quoi? de ce qui se voit dans le monde? Comment donner une consistance, ou pour parler avec saint Paul, une substance et un corps à cette ombre fugitive? La foi est donc un soutien, mais des « choses qu'on doit espérer. » Et quoi encore? Argumentum non apparentium: « c'est une pleine conviction de ce qui ne paraît pas. » La foi doit avoir en elle la conviction. Vous ne l'avez pas, direz-vous: j'en sais le cause; c'est que vous craignez de l'avoir, au lieu de la demander à Dieu qui la donne. C'est pourquoi tout tombe en ruine dans vos mœurs, et vos sens trop décisifs emportent si facilement votre raison incertaine et irrésolue. Et que veut dire cette conviction dont parle l'apôtre, si ce

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n'est, comme il dit ailleurs, « une soumission de l'intelligence entièrement captivée 1, sous l'au« torité d'un Dieu qui parle? » Considérez la pieuse reine devant les autels, voyez comme elle est saisie de la présence de Dieu : ce n'est pas par sa suite qu'on la connaît, c'est par son attention, et par cette respectueuse immobilité qui ne lui permet pas même de lever les yeux. Le sacrement adorable approche: ah! la foi du centurion, admirée par le Sauveur même, ne fut pas plus vive, et il ne dit pas plus humblement : « Je ne suis pas digne. » Voyez comme elle frappe cette poitrine innocente, comme elle se reproche les moindres péchés, comme elle abaisse cette tête auguste devant laquelle s'incline l'univers. La terre, son origine et sa sépulture, n'est pas encore assez basse pour la recevoir : elle voudrait disparaître tout entière devant la majesté du Roi des rois. Dieu lui grave par une foi vive dans le fond du cœur ce que disait Isaïe : « Cherchez des antres profonds; cachez-vous dans les ouvertures de « la terre devant la face du Seigneur, et devant « la gloire d'une si haute majesté3. ›

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Ne vous étonnez donc pas si elle est si humble sur le trône. O spectacle merveilleux, et qui ravit en admiration le ciel et la terre ! Vous allez voir une reine, qui, à l'exemple de David, attaque de tous côtés sa propre grandeur, et tout l'orgueil qu'elle inspire: vous verrez dans les paroles de ce grand roi la vive peinture de la reine, et vous en reconnaîtrez tous les sentiments: Domine, non est exaltatum cor meum! « O Seigneur, mon « cœur ne s'est point haussé ! » voilà l'orgueil attaqué dans sa source. Neque clati sunt oculi mei; << mes regards ne se sont pas élevés : » voilà l'ostentation et le faste réprimés. Ah! Seigneur, je n'ai pas eu ce dédain qui empêche de jeter les yeux sur les mortels trop rampants, et qui fait dire à l'âme arrogante: « Il n'y a que moi sur << la terre 5. >> Combien était ennemie la pieuse reine de ces regards dédaigneux ! et dans une si haute élévation, qui vit jamais paraître en cette princesse ou le moindre sentiment d'orgueil, ou le moindre air de mépris? David poursuit : Neque ambulavi in magnis, neque in mirabilibus super me : « Je ne marche point dans de vastes pensées, ni dans des merveilles qui me passent.

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Il combat ici les excès où tombent naturellement les grandes puissances. « L'orgueil, qui monte

1 In captivitatem redigentes omnem intellectum in obsequium Christi. (II. Cor. cap. x, 5. )

2 Math. cap. vin, 8, 10.

3 Ingredere in petram, et abscondere in fossa humo a facie timoris Domini, et a gloria majestatis ejus. (Isa. cap. II, 10.)

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« toujours 1, » après avoir porté ses prétentions à ce que la grandeur humaine a de plus solide, ou plutôt de moins ruineux, pousse ses desseins jusqu'à l'extravagance, et donne témérairement dans des projets insensés, comme faisait ce roi superbe (digne figure de l'ange rebelle) lorsqu'il disait en son cœur : « Je m'élèverai au-dessus des «nues, je poserai mon trône sur les astres, et je « serai semblable au Très-Haut 2. « Je ne me perds « point, dit David, dans de tels excès; » et voilà l'orgueil méprisé dans ses égarements. Mais après l'avoir ainsi rabattu dans tous les endroits par où il semblait vouloir s'élever, David l'atterre tout à fait par ces paroles : « Si, dit-il, je n'ai « pas eu d'humbles sentiments, et que j'aie exalté « mon âme: » Si non humiliter sentiebam, sed exaltavi animam meam; ou, comme traduit saint Jérôme: Si non silere feci animam meam : « Si je n'ai pas fait taire mon âme : » si je n'ai pas imposé silence à ces flatteuses pensées qui se présentent sans cesse pour enfler nos cœurs. Et enfin il conclut ainsi ce beau psaume: Sicut ablactatus ad matrem suam, sic ablactata est anima mea. « Mon âme a été, dit-il, comme un enfant sevré ; » je me suis arraché moi-même aux douceurs de la gloire humaine, peu capables de me soutenir, pour donner à mon esprit une nourriture plus solide. Ainsi l'âme supérieure domine de tous côtés cette impérieuse grandeur, et ne lui laisse dorénavant aucune place. David ne donna jamais de plus beau combat. Non, mes frères, les Philistins défaits, et les ours mêmes déchirés de ses mains, ne sont rien en comparaison de sa grandeur qu'il a domptée. Mais la sainte princesse que nous célébrons, l'a égalé dans la gloire d'un si beau triomphe.

Elle sut pourtant se prêter au monde avec toute la dignité que demandait sa grandeur. Les rois3, non plus que le soleil, n'ont pas reçu en vain l'éclat qui les environne : il est nécessaire au genre humain ; et ils doivent, pour le repos autant que pour la décoration de l'univers, soutenir une majesté qui n'est qu'un rayon de celle de Dieu. Il était aisé à la reine de faire sentir une grandeur qui lui était naturelle4; elle était née dans une cour où la majesté se plaît à paraître avec tout son ap

1 Superbia eorum qui te oderunt ascendit semper. ( Psal. LXXIII, 23.)

Qui dicebas in corde tuo: In cœlum conscendam ; super astra Dei exaltabo solium meum.... Ascendam super altitudinem nubium: similis ero Altissimo. (Isa. cap. XIV, 13, 14.) On lit Jans la première édition : « Les rois doivent cet éclat à l'univers, comme le soleil lui doit sa lumière; et, pour le repos du genre humain, ils doivent soutenir une majesté, etc. >>

On ne saurait donner une idée plus juste des mœurs de cette princesse et de la hauteur de ses sentiments, qu'en rapportant une réponse qu'elle fit un jour à une carmélite qu'elle avait priée de lui aider à faire son examen de conscience pour une confession générale. Cette religieuse lui de

BOSSUET.-T. II.

| pareil, et d'un père qui sut conserver avec une grâce, comme avec une jalousie particulière, ce qu'on appelle en Espagne les coutumes de qualité et les bienséances du palais : mais elle aimait mieux tempérer la majesté, et l'anéantir devant Dieu, que de ia faire éclater devant les homines. Ainsi nous la voyions courir aux autels, pour y goûter avec David un humble repos, et s'enfoncer dans son oratoire, où, malgré le tumulte de la cour, elle trouvait le Carmel d'Élie, le désert de Jean, et la montagne si souvent témoin des gémissements de Jésus.

J'ai appris de saint Augustin que « l'âme at<< tentive se fait à elle-même une solitude: » Gignit enim sibi ipsa mentis intentio solitudinem'. Mais, mes frères, ne nous flattons pas; il faut savoir se donner des heures d'une solitude effective, si l'on veut conserver les forces de l'âme. C'est ici qu'il faut admirer l'inviolable fidélité que la reine gardait à Dieu : ni les divertissements, ni les fatigues des voyages, ni aucune occupation, ne lui faisait perdre ces heures particulières qu'elle destinait à la méditation et à la prière. Aurait-elle été si persévérante dans cet exercice, si elle n'y eût goûté « la manne cachée « que nul ne connaît, que celui qui en ressent les << saintes douceurs ?? » C'est là qu'elle disait avec David : « O Seigneur, votre servante a trouvé son « cœur, pour vous faire cette prière! » Invenit servus tuus cor suum3. Où allez-vous, cœurs égarés? Quoi, même pendant la prière vous laissez errer votre imagination vagabonde; vos ambitieuses pensées vous reviennent devant Dieu; elles font même le sujet de votre prière ! Par l'effet du même transport qui vous fait parler aux hommes de vos prétentions, vous en venez encore parler à Dieu, pour faire servir le ciel et la terre à vos intérêts. Ainsi votre ambition, que la prière devait éteindre, s'y échauffe: feu bien différent de celui que David sentait allumer dans sa méditation 4. Ah! plutôt puissiez-vous dire avec ce grand roi, et avec la pieuse reine que nous honorons: «O Seigneur, votre serviteur a trouvé <«< son cœur ! » J'ai rappelé ce fugitif, et le voilà tout entier devant votre face.

Ange saint, qui présidiez à l'oraison de cette

manda si, avant son mariage, elle n'avait point eu envie de plaire à quelques uns des jeunes gens de la cour du roi son père : « Oh non, ma mère, dit-elle, il n'y avait point de rois. » (Le président Hénault.)

De divers. quæst. ad simplic. lib. II, quæst. IV, t. VI,

col. 118.

2 Vincenti dabo manna absconditum... et... nomen novum.. quod nemo scit, nisi qui accipit ( Apoc. cap. II, 17.)

3 Invenit servus tuus cor suum ut oraret te oratione hac. (II. Reg. cap. VII, 27.)

Concaluit cor meum intra me : et in meditatione mea exardescet ignis. (Psal. XXXVIII, 4. )

Apoc. cap. VIII, 3.

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sainte princesse, et qui portiez cet encens au dessus des nues, pour le faire brûler sur l'autel que saint Jean a vu dans le ciel, racontez-nous les ardeurs de ce cœur blessé de l'amour divin, faites-nous paraître ces torrents de larmes que la reine versait devant Dieu pour ses péchés. Quoi donc, les âmes innocentes ont-elles aussi les pleurs et les amertumes de la pénitence? Oui sans doute, puisqu'il est écrit que «< rien n'est pur sur la terre', et que celui qui dit qu'il ne pèche pas se trompe lui-même 2. » Mais ce sont des péchés légers, légers par comparaison, je le confesse: légers en eux-mêmes; la reine n'en connaît aucun de cette nature. C'est ce que porte en son fonds toute âme innocente. La moindre ombre se remarque sur ses vêtements qui n'ont pas encore été salis, et leur vive blancheur en accuse toutes les taches. Je trouve ici les chrétiens trop savants.' Chrétien3, tu sais trop la distinction des péchés véniels d'avec les mortels. Quoi! le nom commun de péché ne suffira pas pour te les faire détester les uns et les autres? Sais-tu que ces péchés, qui semblent légers, deviennent accablants par leur multitude, à cause des funestes dispositions qu'ils mettent dans les consciences? C'est ce qu'enseignent d'un commun accord tous les saints docteurs, après saint Augustin et saint Grégoire. Sais-tu que les péchés, qui seraient véniels par leur objet, peuvent devenir mortels par l'excès de l'attachement? Les plaisirs innocents le deviennent bien, selon la doctrine des saints; et seuls ils ont pu damner le mauvais riche, pour avoir été trop goûtés. Mais qui sait le degré qu'il faut pour leur inspirer ce poison mortel? et n'est-ce pas une des raisons qui fait que David s'écrie: Delicta quis intelligit? Qui peut connaître ses péchés? Que je hais donc ta vaine science et ta mauvaise subtilité, âme téméraire, qui prononces si hardiment: Ce péché que je commets sans crainte est véniel. L'âme vraiment pure n'est pas si savante. La reine sait en général qu'il y a des péchés véniels, car la foi l'enseigne; mais la foi ne lui enseigne pas que les siens le soient. Deux choses vous vont faire voir l'éminent degré de sa vertu. Nous le savons, chrétiens, et nous ne donnons point de fausses louanges devant ces autels : elle a dit sou vent, dans cette bienheureuse simplicité qui lui était commune avec tous les saints, qu'elle ne comprenait pas comment on pouvait commettre volontairement un seul péché, pour petit qu'il fût.

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Elle ne disait donc pas, Il est véniel: elle disait, Il est péché; et son cœur innocent se soulevait. Mais comme il échappe toujours quelque péché à la fragilité humaine, elle ne disait pas, Il est léger; encore une fois, Il est péché, disait-elle. Alors, pénétrée des siens, s'il arrivait quelque malheur à sa personne, à sa famille, à l'état, elle s'en accusait seule. Mais quels malheurs, direz-vous, dans cette grandeur et dans un si long cours de prospérités ? Vous croyez donc que les déplaisirs et les plus mortelles douleurs ne se cachent pas sous la pourpre? ou qu'un royaume est un remède universel à tous les maux, un baume qui les adoucit, un charme qui les enchante? Au lieu que par un conseil de la Providence divine, qui sait donner aux conditions les plus élevées leur contre-poids, cette grandeur que nous admirons de loin comme quelque chose au-dessus de l'homme, touche moins quand on y est né, ou se confond elle-même dans son abondance; et qu'il se forme au contraire parmi les grandeurs une nouvelle sensibilité pour les déplaisirs, dont le coup est d'autant plus rude, qu'on est moins préparé à le soutenir.

Il est vrai que les hommes aperçoivent moins cette malheureuse délicatesse dans les âmes vertueuses. On les croit insensibles, parce que nonseulement elles savent taire, mais encore sacrifier leurs peines secrètes. Mais le Père céleste se plaît à les regarder dans ce secret, et comme il sait leur préparer leur croix, il y mesure aussi leur récompense. Croyez-vous que la reine pût être en repos dans ces fameuses campagnes qui nous apportaient coup sur coup tant de surprenantes nouvelles? Non, messieurs : elle était toujours tremblante, parce qu'elle voyait toujours cette précieuse vie, dont la sienne dépendait, trop facilement hasardée. Vous avez vu ses terreurs : vous parlerai-je de ses pertes, et de la mort de ses chers enfants? Ils lui ont tous déchiré le cœur. Représentons-nous ce jeune prince', que les Grâces semblaient elles-mêmes avoir formé de leurs mains (pardonnez-moi ces expressions); il me semble que je vois encore tomber cette fleur. Alors, triste messager d'un événement si funeste, je fus aussi le témoin, en voyant le roi et la reine, d'un côté de la douleur la plus pénétrante, et de l'autre des plaintes les plus lamentables; et

En 1672, Bossuet, alors précepteur du Dauphin, avait été chargé d'annoncer à Louis XIV et à la reine la mort du jeune duc d'Anjou, leur second fils. Il rappelle cet événement avec un charme d'expression et de sensibilité qui retrace les images les plus touchantes de Virgile. ( Le cardinal de Bausset.

2 Quand Bossuet se sert d'une métaphore qui paraît hasardée, il s'en excuse quelquefois; mais aussitôt il renchérit sur cette première image qu'il ne trouve ni assez grande, ui assez hardie, au gré de son imagination. (Le cardinal Maury.)

sous des formes différentes, je vis une affliction sans mesure. Mais je vis aussi des deux côtés la foi également victorieuse; je vis le sacrifice agréable de l'âme humiliée sous la main de Dieu, et deux victimes royales immoler d'un commun accord leur propre cœur.

Pourrai-je maintenant jeter les yeux sur la terrible menace du ciel irrité, lorsqu'il sembla si longtemps vouloir frapper ce Dauphin même, notre plus chère espérance? Pardonnez-moi, messieurs, pardonnez-moi si je renouvelle vos frayeurs; il faut bien, et je le puis dire, que je me fasse à moi-même cette violence, puisque je ne puis montrer qu'à ce prix la constance de la reine. Nous vimes alors dans cette princesse, au milieu des alarmes d'une mère, la foi d'une chrétienne; nous vimes un Abraham prêt à immoler Isaac, et quelques traits de Marie quand elle offrit son Jésus. Ne craignons point de le dire, puisqu'un Dieu ne s'est fait homme que pour assembler autour de lui des exemples pour tous les états: la reine, pleine de foi, ne se propose pas un moindre modèle que Marie; Dieu lui rend aussi son fils unique, qu'elle lui offre d'un cœur déchiré, mais soumis, et veut que nous lui devions encore une fois un si grand bien.

On ne se trompe pas, chrétiens, quand on attribue tout à la prière. Dieu, qui l'inspire, ne lui peut rien refuser. « Un roi, dit David, ne se sauve pas par ses armées ; et le puissant ne se « sauve pas par sa valeur1. » Ce n'est pas aussi aux sages conseils qu'il faut attribuer les heureux succès. « Il s'élève, dit le Sage, plusieurs pen«sées dans le cœur de l'homme : » reconnaissez l'agitation et les pensées incertaines des conseils humains: «< mais, poursuit-il, la volonté du Sei«gneur demeure ferme; » et pendant que les hommes délibèrent, il ne s'exécute que ce qu'il résout. Le Terrible, Ic Tout-Puissant, « qui ôte, quand il lui plaft « l'esprit des princes3,» le leur laisse aussi quand il veut, pour les confondre davantage, et les prendre dans leurs pro< pres finesses 4. «< Car il n'y a point de prudence, « il n'y a point de sagesse, il n'y a point de con«seil contre le Seigneur 5. » Les Machabées étaient vaillants; et néanmoins il est écrit « qu'ils com« battaient par leurs prières» plus que par leurs armes: Per orationes congressi sunt : assurés, Non salvatur rex per multam virtutem : et gigas non salvabitur in multitudine virtutis suæ. (Psal. xxxII, 16.)

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* Multæ cogitationes in corde viri: voluntas autem Domini permanebit. (Prov. cap. XIX, 21.)

Vovete et reddite Domino Deo vestro... terribili, et ei qui aufert spiritum principium. (Psal. LXXV, 12, 13.)

'Qui apprehendit sapientes in astutia eorum. (Job. cap. v, 13. 1. Cor. cap. II, 19.)

Non est sapientia, non est prudentia, non est consilium Contra Dominum. (Prov. cap. XXI, 30.) II. Machab. cap. xv, 26.

par l'exemple de Moïse, que les mains élevées à Dieu enfoncent plus de bataillons que celles qui frappent. Quand tout cédait à Louis, et que nous crûmes voir revenir le temps des miracles, où les murailles tombaient au bruit des trompettes, tous les peuples jetaient les yeux sur la reine, et croyaient voir partir de son oratoire la foudre qui accablait tant de villes.

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Que si Dieu accorde aux prières les prospérités temporelles, combien plus leur accorde-t-il les vrais biens, c'est-à-dire, les vertus? Elles sont le fruit naturel d'une âme unie à Dieu par l'oraison; l'oraison qui nous les obtient, nous apprend à les pratiquer, non-seulement comme nécessaires, mais encore comme reçues « du Père des lumières, d'où descend sur nous tout don parfait1; » et c'est là le comble de la perfection, parce que c'est le fondement de l'humilité. C'est ainsi que MARIE-THÉRÈSE attira par la prière toutes les vertus dans son âme. Dès sa première jeunesse elle fut, dans les mouvements d'une cour alors assez turbulente, la consolation et le seul soutien de la vieillesse infirme du roi son père. La reine sa bellemère, malgré ce nom odieux, trouva en elle nonseulement un respect, mais encore une tendresse, que ni le temps ni l'éloignement n'ont pu altérer; aussi pleure-t-elle sans mesure, et ne veut point recevoir de consolation. Quel cœur, quel respect, quelle soumission n'a-t-elle pas eue pour le roi! toujours vive pour ce grand prince, toujours jalouse de sa gloire, uniquement attachée aux intérêts de son État, infatigable dans les voyages, et heureuse, pourvu qu'elle fût en sa compagnie; femme enfin où saint Paul aurait vu l'Église occupée de Jésus-Christ, et unie à ses volontés par une éternelle complaisance2. Si nous osions demander au grand prince qui lui rend ici avec tant de piété les derniers devoirs, quelle mère il a perdue, il nous répondrait par ses sanglots; et je vous dirai en son nom (ce que j'ai vu avec joie, ce que je répète avec admiration) que les tendresses inexplicables de MARIE-THÉRÈSE tendaient toutes à lui inspirer la foi, la piété, la crainte de Dieu, un attachement inviolable pour le roi, des entrailles de miséricorde pour les malheureux, une immuable persévérance dans tous ses devoirs, et tout ce que nous louons dans la conduite de ce prince. Parlerai-je des bontés de la reine tant de fois éprouvées par ses domestiques, et ferai-je retentir encore devant ces autels les cris de sa maison désolée? Et vous, pauvres de Jésus-Christ, pour qui seuls elle ne pouvait endurer qu'on lui dit que ses trésors étaient épuisés ; vous première

1 Omne datum optimum, et omne donum perfectum desursum est, descendens à Patre luminum. (Jac. cap. 1, 17.) 2 Ephes. cap. V, 24.

ment, pauvres volontaires, victimes de Jésus-, tus de ses serviteurs, et dans les exemples de ses

Christ, religieux, vierges sacrées, âmes pures dont le monde n'était pas digne; et vous, pauvres, quelque nom que vous portiez, pauvres connus, pauvres honteux, malades impotents, estropiés, << restes d'hommes', » pour parler avec saint Grégoire de Nazianze, car la reine respectait en vous tous les caractères de la croix de Jésus-Christ: vous donc qu'elle assistait avec tant de joie, qu'elle visitait avec de si saints empressements, qu'elle servait avec tant de foi, heureuse de se dépouiller d'une majesté empruntée, et d'adorer dans votre bassesse la glorieuse pauvreté de Jésus-Christ; quel admirable panégyrique prononceriez-vous, par vos gémissements, à la gloire de cette princesse, s'il m'était permis de vous introduire dans cette auguste assemblée? Recevez, père Abraham, dans votre sein, cette héritière de votre foi; comme vous, servante des pauvres, et digne de trouver en eux, non plus des anges, mais Jésus-Christ même. Que dirai-je davantage? Écoutez tout en un mot: fille, femme, mère, maîtresse, reine, telle que nos vœux l'auraient pu faire, plus que tout cela chrétienne, elle accomplit tous ses devoirs sans présomption, et fut humble non-seulement parmi toutes les grandeurs, mais encore parmi toutes les vertus.

J'expliquerai en peu de mots les deux autres noms que nous voyons écrits sur la colonne mystérieuse de l'Apocalypse, et dans le cœur de la reine. Par le « nom de la sainte cité de Dieu, la « nouvelle Jérusalem, >> vous voyez bien, messieurs, qu'il faut entendre le nom de l'Église catholique, cité sainte dont toutes « les pierres sont << vivantes3, » dont Jésus-Christ est le fondement, qui « descend du ciel » avec lui, parce qu'elle y est renfermée comme dans le chef dont tous les membres reçoivent leur vie; cité qui se répand par toute la terre, et s'élève jusqu'aux cieux pour y placer ses citoyens. Au seul nom de l'Église,

toute la foi de la reine se réveillait. Mais une vraie fille de l'Église, non contente d'en embrasser la sainte doctrine, en aime les observances, où elle fait consister la principale partie des pratiques extérieures de la piété.

L'Église inspirée de Dieu, et instruite par les saints apôtres, a tellement disposé l'année, qu'on y trouve avec la vie, avec les mystères, avec la prédication et la doctrine de Jésus-Christ, le vrai fruit de toutes ces choses dans les admirables ver1 Veterum hominum miseræ reliquiæ. (Orat. XVI, t. I, p. 244.)

2 Qui vicerit... scribam super eum nomen... civitatis Dei mei, novæ Jerusalem, quæ descendit de cœlo a Deo meo. (Apoc. cap. I, 12.)

3 Ad quem (Christum) accedentes lapidem vivum... ei ipsi tamquam lapides vivi superædificamini, domus spiritualis. (I. Petr. cap. II, 4, 5.)

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saints; et enfin un mystérieux abrégé de l'Ancien et du Nouveau Testament et de toute l'histoire ecclésiastique. Par là toutes les saisons sont fructueuses pour les chrétiens; tout y est plein de Jésus-Christ, qui est toujours « admirable1, » selon le prophète, et non-seulement en lui-même, mais encore « dans ses saints 2. » Dans cette variété, qui aboutit toute à l'unité sainte tant recommandée par Jésus-Christ 3, l'âme innocente et picuse trouve avec des plaisirs célestes une solide nourriture, et un perpétuel renouvellement de sa ferveur. Les jeûnes y sont mêlés dans les temps convenables, afin que l'âme, toujours sujette aux tentations et au péché, s'affermisse et se purifie par la pénitence. Toutes ces pieuses observances avaient dans la reine l'effet bienheureux que l'Église même demande : elle se renouvelait dans toutes les fêtes, elle se sacrifiait dans tous les jeûnes et dans toutes les abstinences. L'Espagne sur ce sujet a des coutumes que la France ne suit pas; mais la reine se rangea bientôt à l'obéissance : l'habitude ne put rien contre la règle ; et l'extrême exactitude de cette princesse marquait la délicatesse de sa conscience. Quel autre a mieux profité de cette parole: « Qui vous écoute « m'écoute 4 ? » Jésus-Christ nous y enseigne cette excellente pratique de marcher dans les voies de Dieu sous la conduite particulière de ses serviteurs, qui exercent son autorité dans son Église. Les confesseurs de la reine pouvaient tout sur elle dans l'exercice de leur ministère, et il n'y avait aucune vertu où elle ne pût être élevée par son obéissance. Quel respect n'avait-elle pas pour le souverain pontife, vicaire de Jésus-Christ, et pour tout l'ordre ecclésiastique! Qui pourrait dire combien de larmes lui ont coûté ces divisions toujours trop longues, et dont on ne peut demander la fin avec trop de gémissements? Le nom même et l'ombre de divisions faisait horreur à la reine, comme à toute âme pieuse. Mais qu'on ne s'y trompe pas, le saint-siége ne peut jamais oublier la France, ni la France manquer au saint-siége: et ceux qui, pour leurs intérêts particuliers, couverts, selon les maximes de leur politique, du prétexte de piété, semblent vouloir irriter le saintsiége contre un royaume qui en a toujours été le principal soutien sur la terre, doivent penser qu'une chaire si éminente, à qui Jésus-Christ a tant donné, ne veut pas être flattée par les hommes, mais honorée selon la règle avec une soumission profonde; qu'elle est faite pour attirer

1 Vocabitur nomen ejus : admirabilis. (Isu. cap. IX, 6.)

2 Mirabilius in sanctis suis. (Psal. LXVII, 36.)

3 Porro unum est necessarium. (Luc. cap. x, 42.) 4 Qui vos audit, me audit. (Ibid. 16.)

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