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DEUXIÈME SERMON

POUR LA FÊTE

DE TOUS LES SAINTS.

Desseins admirables de Dieu sur ses élus : il les a mis audessus de tous ses ouvrages; il se les est proposés dans toutes ses entreprises; il les a inséparablement unis à la personne de son Fils, afin de les traiter comme lui. Merveilles que Dieu opère dans l'exécution de ces grands desseins.

Omnia vestra sunt, vos autem Christi.

sieurs, pour nous délivrer de ce blâme, que nous nous entretenions sur ces desseins si admirables de Dieu sur les bienheureux, en ce jour où l'Église est occupée à les congratuler sur leur félicité? Nous ne pouvons rien dire qui contribue plus à leur gloire ni à notre édification. Certes, je l'oserai dire, si la joie abondante dans laquelle ils vivent leur permet de faire quelque différence entre les avantages de leur élection, c'est par là qu'ils estiment le plus leur bonheur, et c'est cela aussi qui nous doit plus élever le courage. Parlons donc, messieurs, de ces desseins admira

Tout est à vous et vous êtes à Jésus-Christ, dit le grand bles. Nous en découvrirons les plus grands secrets apôtre parlant aux justes. I. Cor. 11, 22, 23.

Si nous employions à penser aux grandeurs du ciel la moitié du temps que nous donnons inutilement aux vains intérêts de ce monde, nous ne vivrions pas, comme nous faisons, dans un mépris si apparent des affaires de notre salut. Mais tel est le malheur où nous avons été précipités par notre péché : ce tyran ne s'est pas contenté de nous faire perdre le royaume dans l'espérance duquel nous avions été élevés; il nous a tellement ravalé le courage, que nous n'oserions quasi plus aspirer à sa conquête, quelque secours qu'on nous offre pour y rentrer. A peine nous en a-t-il laissé un léger souvenir; et s'il nous en reste quelque vieille idée qui ait échappé à cette commune ruine, cette idée, messieurs, n'a pas assez de force pour nous émouvoir : elle nous touche moins que les imaginations de nos songes. Ce qui est plus cruel, c'est qu'il ne nous donne pas seulement le loisir de penser à nous. Il nous entretient toujours par de vaines flatteries; et, comme il n'a rien qui nous puisse entièrement arrêter, toute sa malice se tourne à nous jeter dans une perpétuelle inconstance, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, et nous faire passer cette misérable vie dans un enchaînement infini de désirs incertains, vagues, et de prétentions mal fondées. Cela fait que nous ne concevons qu'à demi ce qui regarde l'autre vie : ces vérités ne tiennent point à notre âme déjà préoccupée des erreurs des sens. En quoi nous sommes sembla

dans ce peu de paroles de l'Apôtre que j'ai alléguées pour mon texte, et tout ce discours sera pour expliquer la doctrine de ces quatre ou cinq mots. Nous y verrons que les élus ont eu la préférence dans l'esprit de Dieu, comme il a mis les saints au-dessus de tous ses ouvrages, et qu'il se les est proposés dans toutes ses entreprises: Omnia vestra: « Tout est à vous; » que c'est sur ce premier dessein qu'il a formé tous les autres : elles nous donneront sujet d'expliquer par quel artifice Dieu les a si bien attachés à la personne de son Fils, afin d'être obligé de les traiter comme lui: vos autem Christi : « et vous êtes à Jésus« Christ. » Après avoir établi ces vérités, il ne me sera pas beaucoup difficile de vous persuader des merveilles qu'il opérera dans l'exécution de ce grand dessein; ce que je tâcherai de faire fort brièvement en concluant ce discours. Joignons nos vœux; implorons pour cela l'assistance du Saint-Esprit, par l'intercession de la sainte Vierge. Ave.

PREMIER POINT.

Pour nous représenter quelle sera la félicité des enfants de Dieu en l'autre vie, il faut considérer premièrement en gros combien elle doit être grande et inconcevable, afin de nous en imprimer l'estime; et après il faut voir en quoi elle consiste, pour avoir quelque connaissance de ce que nous désirons.

Pour ce qui regarde la première considération, de l'affection avec laquelle il a entrepris de donnous la pouvons prendre de la grandeur de Dieu et ner la gloire à ses enfants.

C'est une chose prodigieuse de voir l'exécution des desseins de Dieu. Il renverse en moins de rien

bles à ces insensés, desquels parle le Sage, qui, sans prendre garde aux grands desseins que Dieu avait conçus dès l'éternité pour ses saints, s'imaginaient qu'ils fussent enveloppés dans le même destin que les impies, parce qu'ils les voyaient sujets à la même nécessité de la mort: Videbunt les plus hautes entreprises; tous les éléments chanfinem sapientis, et non intelligent quid cogi-raître dans toutes ses actions qu'il est le seul Dieu gent de nature pour lui servir; enfin il fait pa

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taverit de eo Dominus : « Ils verront la fin du « sage, et ils ne comprendront point le dessein de Dieu sur lui»> Souffrirez-vous pas bien, mes1 Sap. IV, 17.

et le créateur du ciel et de la terre. Or il s'agit ici de l'accomplissement du plus grand dessein de Dieu, et qui est la consommation de tous ses ouvrages.

Toute cause intelligente se propose une fin de failliblement. La parfaite prudence ne se doit son ouvrage. Or, la fin de Dieu ne peut être que proposer qu'une même fin, d'autant que son oblui-même. Et comme il est souverainement abon-jet est de mettre l'ordre partout; et l'ordre ne se dant, il ne peut retirer aucun profit de l'action trouve que dans la disposition des moyens et dans qu'il exerce, autre que la gloire qu'il a de faire du leur liaison avec la fin. Ainsi elle doit tout ramasbien aux autres et de manifester l'excellence de ser pour paraître universelle, tout digérer par sa nature; et cela parce qu'il est bien digne de ordre pour paraître sage, tout lier pour paraître sa grandeur de faire largesse de ses trésors, et uniforme ; et c'est pourquoi il y doit avoir une déque d'autres se ressentent de son abondance. Que pendance de tous les moyens, afin que le corps s'il est vrai qu'il soit de la grandeur de Dieu de du dessein soit plus ferme et que toutes les parse répandre, sans doute son plus grand plaisir ties s'entretiennent. L'imparfait se doit rapporter ne doit pas être de se communiquer aux natures au parfait, la nature à la grâce, la grâce à la insensibles. Elles ne sont pas capables de recon- gloire. C'est pourquoi si les cieux se meuvent de naître ses faveurs, ni de regarder la main de qui ces mouvements éternels, si les choses inférieures elles tirent leur perfection. Elles reçoivent, mais se maintiennent par ces agitations si réglées, si elles ne savent pas remercier. C'est pourquoi quand la nature fait voir dans les différentes saisons ses il leur donne, ce n'est pas tant à elles qu'il veut propriétés diverses, ce n'est que pour les élus de donner, qu'aux naturcs intelligentes à qui il les Dieu que tous les ressorts se remuent. Les peudestine. Il n'y a que celles-ci à qui il ait donné ples ne durent que tant qu'il y a des élus à tirer l'adresse d'en savoir user. Elles seules en connais- de leur multitude : Constituit terminos populosent le prix ; il n'y a qu'elles qui en puissent bénir rum juxta numerum filiorum Israel1 : « Il a l'auteur. Puis donc que Dieu n'a donné qu'aux marqué les limites des peuples selon le nombre natures intelligentes la puissance de s'en servir, « des enfants d'Israël qu'il avait en vue. » Les sans doute ce n'est que pour elles qu'il les a fai- éléments et les causes créées ne persistent que tes. Aussi l'homme est établi de Dieu comme leur paree que Dieu a enveloppé ses élus dans leur arbitre, et si le péché n'eût point ruiné cette dis-ordre, et qu'il les veut faire sortir de leurs acposition admirable du Créateur dès son commencement, nous verrions encore durer cette belle république. Dieu donc a fait pour les créatures raisonnables les natures inférieures. Et quant aux créatures intelligentes, il les a destinées à la souveraine béatitude qui regarde la possession du souverain bien: il les a faites immédiatement pour soimême. Voilà donc l'ordre de la Providence divine, de faire les choses insensibles et privées de connaissance pour les intelligentes et raisonnables, et les raisonnables pour la possession de sa propre essence. Donc ce qui regarde la souveraine béatitude est le dernier accomplissement des ouvrages de Dieu. C'est pourquoi dans le dernier jugement Dieu dit à ses élus: Venez, les bien-aimés de mon Père, au royaume qui vous est préparé dès la constitution du monde. Il dit bien aux malheu

reux : Allez au feu qui vous est préparé1; mais il ne dit pas qu'il fût préparé dès le commencement du monde. Cela ne veut dire autre chose sinon que la création de ce monde n'était qu'un préparatif de l'ouvrage de Dieu, et que la gloire de ses élus en serait le dernier accomplissement. Comme s'il disait : Venez, les bien-aimés de mon Père, c'est vous qu'il regardait quand il faisait le monde; et il ne faisait alors que vous préparer

un royaume.

Que si nous venons à considérer la qualité de la Providence, nous le jugerons encore plus inMatth. XXV, 34. Ibid. 41.

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tions. « Aussi elles sont comme dans les douleuts « de l'enfantement: » Omnis creatura ingemiscit et parturit usque adhuc'. « Elles attendent << avec impatience que Dieu fasse la découverte de << ses enfants : » Revelationem filiorum Dei expectat3. L'auteur de leur nature, qui leur a donné leurs inclinations, leur a imprimé un amour comme naturel de ceux à qui il les a destinées. Elles ne font point encore de discernement; c'est à Dieu de commencer, c'est à lui à faire voir ceux qu'il reconnaît pour ses enfants légitimes. Et quand il les aura marqués, qu'il aura débrouillé cette confusion qui les mêle, elles tourneront toute leur fureur contre ses ennemis : Pugnabit cum eo orbis terrarum contra insensatos : « Tout l'univers combattra avec lui contre les in« sensés. Elles se soumettront volontiers à ses enfants: Omnis creatura ingemiscit et parturit usque adhuc... revelationem expectans filiorum Dei : « Jusqu'à présent toute créature soupire, et paraît dans l'enfantement,... « tendant la manifestation des enfants de Dieu.» Si nous allons encore plus avant dans le dessein de Dieu, nous trouverons quatre communications de sa nature. La première dans la création, la seconde se fait par la grâce, la troisième de sa gloire, la quatrième de sa personne. Et si

«

Deut. XXXII, 8.

2 Rom. VIII, 21.
3 Ibid. 19.
Sap. v, 21.

at

le moins parfait est pour le plus excellent, donc | la création regardait la justification, et la justification était pour la communication de la gloire, et la communication de la gloire pour la personnelle. C'est la gradation de saint Paul: Omnia vestra sunt, vos autem Christi, Christus autem | Dei1; « Tout est à vous, et vous êtes à Jésus• Christ, et Jésus-Christ est à Dieu. » Mais il ne faut pas séparer Jésus-Christ d'avec ses élus, d'autant que c'est le même esprit de Jésus-Christ qui se répand sur eux : tanquam unguentum in | capite: «< comme le parfum répandu sur la tête, a qui descend sur toute la barbe d'Aaron. » Ce sont ses membres, et la glorification n'est que la consommation du corps de Jésus-Christ: donec occurramus ei in virum perfectum secundùm mensuram plenitudinis Christi3 : « Jusqu'à ce « que nous parvenions à l'état d'un homme parfait, à la mesure de l'âge et de la plénitude selon « laquelle Jésus-Christ doit être formé en nous. »> Et nous sommes tous bénis en Jésus-Christ; tanquam in uno 4 : « comme en un seul. » Donc les prédestinés sont ceux qui ont toutes les pensées de Dieu dès l'éternité, ce sont ceux à qui aboutissent tous ses desseins. C'est pourquoi Omnia propter electos : « Tout est pour les «élus. » C'est pourquoi encore: Diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum 6 : « Tout contribue « au bien de ceux qui aiment Dieu : » omnia, tout; d'autant que tout étant fait pour leur gloire, il n'y a rien à qui le Créateur n'ait donné une puissance et même une secrète inclination de les y servir.

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Et il y a ici deux choses à remarquer; l'une que c'est à eux que se terminent tous les desseins de Dieu, la seconde qu'ils se terminent à eux conjointement avec Jésus-Christ.

Quel doit être cet ouvrage à qui la création de cet univers n'a servi que de préparation, que Dieu a regardé dans toutes ses actions, qui était le but de tous ses désirs, enfin après l'exécution duquel il se veut reposer toute l'éternité ! Il y aura assez de quoi contenter cette nature infinie. Lui qui a trouvé que la création du monde n'était pas une entreprise digne de lui, se contentera après avoir consommé le nombre de ses élus. Toute l'éternité il ne fera que leur dire : Voilà ce que j'ai fait, voyez ; n'ai-je pas bien réussi dans mes desseins? pouvais-je me proposer une fin plus excellente?

Et qui peut douter que ce dessein ne soit tout extraordinaire, puisque Dieu y agit avec pas

I. Cor. III, 22, 25. 2 Psal. CXXXII, 2. Ephes. IV, 13. Galat. I, 16. II. Cor. IV, 13. Rom. VIII, 8.

sion? Il s'est contenté de dire un mot pour créer le ciel et la terre. Nous ne voyons pas là une émotion véhémente. Mais pour ce qui regarde la gloire de ses élus, vous diriez qu'il s'y applique de toutes ses forces: au moins y a-t-il employé le plus grand de tous les miracles, l'incarnation de son Fils. « Ne s'est-il pas lié et comme collé « d'affection avec son peuple? » Conglutinatus est Dominus patribus nostris. Tantôt il se compare à une aigle qui excite ses petits à voler, tantôt à une poule qui ramasse ses petits poussins sous ses ailes. Il condescend à toutes leurs faiblesses; son amour le porte à l'excès, et lui fait faire des actions qui paraissent extravagantes. Écoutez comme il crie au milieu du temple : Si quis sitit, veniat ad me et bibat : « Si quelqu'un « a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. » Il n'en faut pas douter, il y a ici une inclination véhémente. Jamais Dieu n'a rien voulu avec tant de passion or vouloir à Dieu, c'est faire. Donc ce qu'il fera pour ses élus sera si grand, que tout l'univers ne paraîtra rien à comparaison de cet ouvrage. Sa passion est si grande qu'elle passe à tous ses amis, et fait remuer à ses ennemis tous leurs artifices pour s'opposer à l'exécution de ce grand dessein. C'est le propre des grands desseins de s'étendre à beaucoup de personnes. Et nous ne jugeons jamais un dessein si grand, que lorsque nous voyons que tous les amis y prennent part, et que tous les ennemis s'en remuent. Comme ils ne s'excitent qu'à cause de nous, que nous donnons le branle à leurs mouvements, il faut que notre émotion soit bien grande pour porter son coup si loin.

et

Elle paraît bien, son affection envers ses élus, par les soins qu'il a de les rechercher. N'est-ce pas lui qui les a assemblés de tous les coins de la terre, qui leur a donné le sang de son Fils? Et celui qui leur a donné son Fils, que leur peut-il refuser? Il a pris plaisir lui-même de les faire aimables, afin de leur donner sans réserve son affection: Dedit semetipsum pro nobis, ut mundaret sibi populum acceptabilem, sectatorem bonorum operum 3. « Il s'est livré lui-même « pour nous, afin de se purifier un peuple qui lui « fût agréable, et qui se portât avec ferveur aux « bonnes œuvres. » Quoi! en ce monde, qui est un lieu d'épreuve et de larmes, où il ne leur promet que des misères, où il veut les séparer de toutes choses: Veni separare : ... non veni pacem mittere, sed gladium 4: « Je suis venu « pour séparer : je ne suis pas venu apporter «< la paix, mais l'épée. » Cependant il les comble

1 Deut. x, 15.

2 Joan. VII, 37.

3 Tit. II, 14.

...

Matth. X, 35. Ibid. 34.

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α

I

de bénédictions. Ils sont inébranlables, voient | l'apôtre saint Paul remarque: Non in seminitout le monde sous leurs pieds: ils se réjouissent bus, sed tanquam in uno, : « L'Écriture ne dans leurs peines: gaudentes quia digni habiti sunt pro nomine Jesu contumeliam pati1 : « remplis de joie de ce qu'ils ont été jugés dignes de « souffrir des outrages pour le nom de Jésus. » Au reste ils sont dans un repos', une fermeté et une égalité merveilleuse. Leurs chaînes délivrent les infirmes de leurs maladies: il donne de la gloire jusques à leurs ombres. Vous diriez que quelque résolution qu'il ait prise, il ne saurait s'empêcher de leur faire du bien, et de leur laisser tomber un petit avant-goût de leur béatitude. Et cependant cela n'est rien, il leur en prépare bien davantage. Il n'estime pas que cela rompe la résolution de les affliger: tant il estime peu ces biens à comparaison de ceux qu'il leur garde! Ce monde même, quoiqu'il ait été fait pour les élus, il semble que Dieu n'estime pas ce présent: ou s'il l'estime, c'est à peu près comme un père estimerait cette partie du bien de ses enfants de laquelle ils auraient l'usage commun avec les valets. Ce soleil, tout beau qu'il est, luit également sur les bons et sur les impies. Et quelles seront donc les choses qu'il réserve pour ses enfants! avec combien de magnificence les régalera-t-il dans ce banquet de la gloire, où il n'y aura que des personnes choisies, clecti, et où il ne craindra plus de profaner ses bienfaits! Avec quelle abondance cette nature souverainement bonne se laissera-t-elle

répandre! abondance d'autant plus grande, qu'elle se sera rétrécie si longtemps durant le cours de ce temps misérable, et qu'il faudra alors qu'elle se débonde. Vivez, heureux favoris du Dieu des armées : il a tout fait pour vous: il vous a préservés parmi tous les périls de ce monde : il vous a gardés, quasi pupillam oculi sui3, « comme la prunelle de son œil. » Il ne s'est pas contenté de vous faire du bien par miséricorde : il a voulu vous être redevable, afin de vous donner plus abondamment. Il a voulu vous donner le contentement de mériter votre bonheur, et a mieux aimé partager avec vous la gloire de votre salut et de son dessein dernier, que de diminuer la satisfaction de votre âme. Vous êtes les successeurs de son héritage : c'est vous que regardent les promesses qu'il a faites à Abraham et à Isaac; mais c'est vous que regarde l'héritage promis à Jésus-Christ.

Il faut donc savoir que tous les biens que Dieu promet aux prédestinés, c'est conjointement avec Jésus-Christ: il ne faut point séparer leurs intérêts. Dieu promet à Abraham de bénir toutes les nations in semine tuo 3, « dans ton fils; » où

1 Act. v, 41.

3

? Deut. XXXII, 10. - Gen. XXII,

18.

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« dit pas à ceux de sa race, mais à sa race, c'est-
à-dire à l'un de sa race. » Cette bénédiction,
c'est ce qui fait cette nouvelle vie que Dieu nous
donne. Donc cette vie nouvelle réside dans Jésus-
Christ comme dans le chef, et de là elle se répand
sur les membres : mais ce n'est que la même vie :
Vivo ego, jam non ego; vivit vero in me Chris-
tus2: « Je vis, ou plutôt ce n'est plus moi qui
vis; mais c'est Jésus Christ qui vit en moi. »
L'héritage ne nous regarde qu'à cause que nous
sommes les enfants de Dieu. Nous ne sommes
les enfants de Dieu, que parce que nous sommes
un avec son fils naturel; d'autant que nous ne
pouvions participer à la qualité d'enfant de Dieu,
que par dépendance de celui à qui elle appartient
par préciput. C'est pourquoi « Dieu a envoyé
dans nos cœurs l'esprit de son Fils qui crie:
« Mon Père, mon Père: » Misit Deus in corda nos-
tra spiritum Filii sui clamantem: Abba, Pater3.
Cet esprit est un : Unus et idem spiritus 4. Donc,
et notre qualité de fils, et la prétention à l'héri-
tage, et la nouvelle vie que nous avons par la
régénération spirituelle, nous ne l'avons que par
société avec Jésus-Christ: tanquam in uno 5:
« comme dans un seul. » C'est pourquoi Dieu lui a
donné l'abondance: Complacuit in ipso habitare
omnem plenitudinem 6: « Il a plu au Père que
« toute plénitude résidât en lui; » afin que nous
fussions abondants par ses richesses. De plenitu-
dine ejus nos omnes accepimus 7 : « Nous avons
« tous reçu de sa plénitude. >>

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La vie donc que nous avons, nous est commune avec Jésus-Christ: or la vie de la grâce et celle de la gloire est la même ; d'autant qu'il n'y a d'autre différence entre l'une et l'autre, que celle qui se rencontre entre l'adolescence et la force de l'âge. Là elle est consommée; mais ici elle est en état de se perfectionner : mais c'est la même vie. Il n'y a que cette diversité, qu'en celle-là cette vie a ses opérations plus libres à cause de la juste disposition de tous les organes: ici elles ne sont pas encore parfaites, d'autant que le corps n'a pas encore pris tout son accroissement. C'est ce qu'explique l'apôtre saint Paul Vita nostra abscondita est cum Christo in Deo : Notre vie « est cachée en Dieu avec Jésus-Christ. » Maintenant, dans cette vie mortelle, la plupart de ses

Galat. II, 16.

2 Ibid. II, 20.
3 Ibid. IV, 6.
4 I. Cor. XII, II.
Galat. II, 16.

• Coloss. I, 19.
7 Joan. 1, 16.
8 Coloss. III, 3.

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opérations sont cachées; la force de ce cœur nouveau ne paraît pas : Cùm autem Christus apparuerit, vita vestra, tunc et vos apparebitis : Mais lorsque Jésus-Christ, qui est votre vie, vien« dra à paraître, alors vous paraîtrez aussi. » Ah! ce sera lorsque votre vie paraîtra dans toute son étendue, que les facultés entièrement dénouées feront voir toutes leurs forces, et que Jésus-Christ paraîtra en nous dans toute sa gloire. C'est la raison pour laquelle l'Apôtre parlant de la gloire, se sert quasi toujours du mot de révélation: ad futuram gloriam quæ revelabitur in nobis : « Cette a gloire qui sera un jour découverte en nous : » d'autant que la gloire n'est autre chose qu'une certaine découverte qui se fait de notre vie cachée en ce monde, mais qui se fera paraître tout entière en l'autre. Et le même apôtre décrivant, et notre adolescence en cette vie, et notre perfection en l'autre, dit que « nous croissons et nous « nous consommons en Jésus-Christ. » Occurramus ei in virum perfectum, secundùm mensuram plenitudinis Christi 3. Voilà pour l'état de la force de l'âge. Et en attendant, «croissons en « toutes choses dans Jésus-Christ qui est notre chef « et notre tête : » Interim crescamus in eo per omnia qui est caput Christus 4. Donc l'apôtre saint Paul met la vie de la gloire en Jésus-Christ, comme celle de la grâce; et cela bien raisonnablement. Car la même chose en laquelle nous croissons, doit être celle en laquelle nous nous consommons. « Or nous croissons en Jésus-Christ, » crescamus, etc. Donc nous devons nous consommer en Jésus-Christ, « jusqu'à l'état d'un homme parfait, « à la mesure de l'âge et de la plénitude selon laquelle Jésus-Christ doit être formé en nous : » in virum perfectum, secundùm mensuran plenitudinis Christi. Et cela est d'autant plus véritable, que si le commencement fait une unité, la consommation endoit faire une bien plus étroite. Donc nous sommes appelés à la gloire conjointement avec Jésus-Christ, et par conséquent nous posséderons le même royaume. Et pour signifier encore plus cette unité, l'Écriture nous apprend que nous serons dans le même trône: Qui vicerit, dabo ei ut sedeat in throno meo Qui« conque sera victorieux, je le ferai asseoir avec "moi sur mon trône. »

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Or, pour concevoir la grandeur de cette récompense, il ne faut que penser ce que le Père éternel doit avoir fait pour son Fils. C'est son Fils unique: Unigenitus qui est in sinu Patris 6:

Coloss. III, 3. Rom. VIII, 13. Ephes. IV, 13. • Ibid. IV, 15. 5 Apoc. III, 21. • Joan. 1, 18.

« le Fils unique qui est dans le sein du Père. » C'est celui qu'il a oint de cette huile d'allégresse, c'est-à-dire, de la divinité: Unxit te Deus tuus, oleo lætitiæ 1. C'est celui qui a toutes ses afffections: Hic est Filius meus dilectus in quo mihi bene complacui 2 : « Celui-ci est mon Fils bien«< aimé en qui j'ai mis toute ma complaisance. C'est son Fils unique; et si nous sommes ses enfants, ce n'est que par un écoulement de l'esprit et de la vie de son Fils, qui a passé jusques à nous. Et c'est pourquoi seul il est l'objet de ses affections. Mais comme nous sommes ses enfants par la participation de l'esprit de son Fils, « par « lequel nous crions mon Père, mon Père; » in quo clamamus Abba, Pater3, aussi sommes-nous ses bien-aimés par une extension de son amour. Il doit à ses élus la même affection qu'il a pour son Fils; et il leur doit par conséquent le même royaume. Et puisque nous sommes ses enfants, nous sommes ses bien-aimés. Par la société de la filiation et de l'amour de son Fils, nous devons aussi avoir le même héritage. C'est ce que dit l'apôtre saint Paul: Qui eripuit nos de potestate tenebrarum, transtulit in regnum Filii dilectionis suæ 4 : « Il nous a arrachés de la puissance des « ténèbres, et nous a fait passer dans le royaume « de son Fils bien-aimé. »

«

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Voilà ce qu'était Jésus-Christ à son Père à raison de sa filiation; et cela faisait sans doute une obligation bien étroite de lui préparer un royaume magnifique : mais lui-même l'exagère encore dans l'Apocalypse: Qui vicerit, dabo ei ut sedeat in throno meo: sicut et ego vici, et sedi ad dexteram Patris : « Quiconque sera victorieux, je le ferai asseoir avec moi sur mon << trône comme ayant été moi-même victorieux je me suis assis avec mon Père sur son trône. » Comme s'il disait : Je devais attendre de mon Père de grandes choses, à raison de la qualité que j'ai de son Fils unique et bien-aimé; mais quand je n'eusse dû rien attendre d'une affection si légitime, il me ne peut rien refuser après mes victoires. C'est moi qui ai renversé tous ses ennemis : c'est moi qui ai établi son royaume : par moi il est béni dans les siècles des siècles: par moi sa miséricorde et sa justice éclatent : je lui ai conquis un peuple nouveau et un nouveau royaume : c'est moi qui ai établi la paix dans ses États. Y eut-il jamais un plus puissant exécuteur de ses ordres, j'ai renversé tous ses ennemis et ai fait redouter sa puissance à la terre et aux enfers? Y eut-il un fils plus obéissant que moi, après m'être

1 Psal. XLIV, 8. 2 Matth. III, 17.

Rom. VIII, 15.

Coloss. 1, 13.

Apoc. III, 21.

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