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indignité et quelle injustice! Nous voulons que Dieu souffre tout de nous; et nous ne pouvons rien souffrir de personne. Nous exagéroņs sans mesure les fautes qu'on fait contre nous; et l'homme, ver de terre, croit que le presser tant soit peu du pied, c'est un attentat énorme, pendant qu'il compte pour rien ce qu'il entreprend hautement contre la souveraine majesté de Dieu et contre les droits de son empire. Mortels aveugles et misérables, seronsnous toujours si sensibles et si délicats? Jamais n'ouvrirons-nous les yeux à la vérité? Jamais ne comprendrons-nous', que celui qui nous fait injure est toujours beaucoup plus à plaindre que nous qui la recevons? que lui-même, dit saint Augustin (1), se perce le cœur pour nous effleurer la peau; et qu'enfin nos ennemis sont des furieux, qui voulant nous faire boire, pour ainsi dire, tout le venin de leur haine, en font eux-mêmes un essai funeste, et avalent les premiers le poison qu'ils nous préparent? Que si ceux qui nous font du mal sont des malades emportés, pourquoi les aigrissons-nous par nos vengeances cruelles? et que ne tâchons-nous plutôt de les ramener à leur bon sens par la patience et par la douceur.

Mais nous sommes bien éloignés de ces charitables dispositions. Bien loin de faire effort sur nous-mêmes pour endurer une injure, nous croirions nous dégrader et penser trop bassement de nous-mêmes, si nous ne nous piquions d'être délicats dans les choses qui nous touchent; et nous pensons nous faire grands par cette extrême sensibilité. Aussi poussons-nous (1) Serm. Lxxx11, n. 3, tom. v,col. 441.

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sans bornes nos ressentimens; nous exerçons sur ceux qui nous fâchent des vengeances impitoyables; ou bien nous nous plaisons de les accabler par une vaine ostentation d'une patience et d'une pitié outrageuse qui ne se remue pas par dédain, et qui feint d'être tranquille pour insulter davantage : tant nous sommes cruels ennemis et implacables vengeurs, qui faisons des armes offensives et des instrumens de la colère, de la patience même et de la pitié. Mais encore ne sont-ce pas là nos plus grands excès nous n'attendons pas toujours, pour nous irriter, des injures effectives; nos ombrages, nos jalousies, nos défiances secrètes suffisent pour nous armer l'un contre l'autre; et souvent nous nous haïssons, seulement parce que nous croyons nous haïr. L'inquiétude nous prend, nous frappons de peur d'être prévenus, et trompés par nos soupçons, nous vengeons une injure qui n'est pas encore. Jalousies, soupçons, défiances, cruels bourreaux des hommes du monde et source de mille injustices, à quels excès les engagez-vous? Que méditez-vous, malheureux, et que vous vois-je rouler dans votre esprit? Quoi, vous les allez porter vos soupçons jusqu'aux oreilles importantes! vous méditez même de les porter jusqu'aux oreilles du prince! Ah songez qu'elles sont sacrées, et que c'est les profaner trop indignement que d'y vouloir porter, comme vous faites, ou les injustes préventions d'une haine aveugle, ou les malicieuses inventions d'une jalousie cachée, ou les pernicieux raffinemens d'un zèle affecté.

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Arrêtons-nous donc, chrétiens, prenons garde comme nous parlons du prochain, surtout à la

Cour où tout est si important et si délicat. Ce demimot que vous dites, ce trait que vous lancez en passant, cette parole malicieuse qui donne tant à penser par son obscurité affectée, tout cela, dit le sage, ne tombera pas à terre: A detractione parcite linguæ, quoniam sermo obscurus in vacuum non ibit (1). A la Cour on recueille tout, et ensuite chacun commente et tire ses conséquences à sa mode. Prenez donc garde encore une fois à ce que vous dites, retenez votre colère maligne et votre langue trop impétueuse. Car il y a un Dieu au ciel qui nous ayant déclaré qu'il nous demandera compte à son jugement des paroles inutiles (2), quelle justice ne fera-t-il pas de celles qui sont outrageantes et malicieuses? Par conséquent, chrétiens, révérons ses yeux et sa présence; songeons qu'il nous sera fait dans son jugement, comme nous aurons fait à notre prochain; si nous pardonnons, il nous pardonnera ; si nous vengeons nos injures, «< il nous gardera nos péchés », comme dit l'Ecclésiastique; Peccata illius servans servabit (3): sa vengeance nous poursuivra à la vie et à la mort; et ni en ce monde ni en l'autre, jamais elle ne nous laissera aucun repos. Ainsi n'attendons pas l'heure de la mort pour pardonner à nos ennemis; mais plutôt pratiquons ce que dit l'apôtre: «Que le soleil ne se couche pas » sur votre colère» Sol non occidat super iracundiam vestram (4). Ce cœur tendre, ce cœur paternel ne peut comprendre qu'un chrétien, enfant de paix, puisse dormir d'un sommeil tranquille (1) Sap. 1. 11. —(2) Matt.x11. 36.—(3) Eccli. XXVIII. 1. — (4) Ephes.

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1v. 26.

ayant le cœur ulcéré et aigri contre son frère, ni qu'il puisse goûter du repos, voulant du mal à son prochain dont Dieu prend en main la querelle et les intérêts. Mes Frères, le jour décline, le soleil est sur son penchant; l'apôtre ne vous donne guère de loisir, et vous n'avez plus guère de temps pour lui obéir. Ne différons pas davantage une œuvre si nécessaire: hâtons-nous de donner à Dieu nos ressentimens. Le jour de la mort, Messieurs, sur lequel on rejette toutes les affaires du salut, n'en aura que trop de pressées : commençons de bonne heure à nous préparer les grâces qui nous seront nécessaires en ce dernier jour; et en pardonnant sans délai assurons-nous dès aujourd'hui l'éternelle miséricorde du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

AUTRE CONCLUSION

DU MÊME SERMON,

PRÊCHÉ DEVANT LE ROI.

MAIS si vous vous laissez gagner aux soupçons, si vous prenez facilement des ombrages et des défiances, prenez garde pour le moins, au nom de Dieu, de ne les porter pas aux oreilles importantes, et surtout ne les portez pas jusqu'aux oreilles du prince : songez qu'elles sont sacrées, et que vous les profanez trop indignement, lorsque vous y portez ou les inventions d'une haine injuste, d'une jalousie cachée, ou les injustes raffinemens d'un zèle affecté. Infecter les oreilles du prince, ah! c'est un crime plus grand que d'empoisonner les fontaines publiques, et plus grand sans comparaison que de voler les trésors publics. Le grand trésor d'un état, c'est la vérité dans l'esprit du prince : et n'est-ce pas pour cela que le roi David avertit si sérieusement en mourant le jeune Salomon son fils et son successeur? « Prenez garde, >> lui dit-il, mon fils, que vous entendiez tout ce » que vous faites, et de quel côté vous vous tour» nerez » Ut intelligas universa quæ facis, et quocumque te verteris (1). Comme s'il disoit : Tournez(1) III. Reg. 11. 3.

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