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la comédie tourne en ridicule la vanité d'un bourgeois. Ici vous riez de la coquetterie et des intrigues d'une citoyenne; là vous pleurez la malheureuse passion de Phedre de même, l'amour vous amuse dans un roman, et il vous transporte dans la Didon de Virgile. L'amour dans une tragédie n'est pas plus un défaut essentiel que dans l'Enéide; il n'est à reprendre que quand il est amené mal à propos, ou traité sans art.

Les Grecs ont rarement hasardé cette passion sur le théâtre d'Athènes; premièrement parce que leurs tragédies n'ayant roulé d'abord que sur des sujets terribles, l'esprit des spectateurs était plié à ce genre de spectacles; secondement parce que les femmes menaient/une vie beaucoup plus retirée que les nôtres, et qu'ainsi, le langage de l'amour n'étant pas, comme aujourd'hui, le sujet de toutes les conversations, les poëtes en étaient moins invités à traiter cette passion, qui de toutes est la plus difficile à représenter, par les ménagements délicats qu'elle demande. Une troisième raison, qui me paraît assez forte, c'est que l'on n'avait point de comédiennes; les rôles des femmes étaient joués par des hommes masqués : il semble que l'amour eût été ridicule dans leur bouche.

C'est tout le contraire à Londres et à Paris ; et il faut avouer que les auteurs n'auraient guère entendu leurs intérêts, ni connu leur auditoire, s'ils n'avaient jamais fait parler les Oldfield, ou les Duclos et les Le Couvreur, que d'ambition et de politique.

L'e mal est que l'amour n'est souvent chez nos héros de théâtre que de la galanterie, et que chez les vôtres il dégénère quelquefois en débauche. Dans notre Alcibiade, pièce très suivie, mais faiblement écrite, et ainsi peu estimée, on a admiré long-temps ces mauvais vers que récitait d'un tou séduisant l'Esopus du dernier siècle.

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Ah! lorsque, pénétré d'un amour véritable,
Et gémissant aux pieds d'un objet adorable,
J'ai connu dans ses yeux timides et distraits
Que mes soins de son cœur ont pu troubler la paix;
Que, par l'aveu secret d'une ardeur mutuelle,

La mienne a pris encore une force nouvalle :
Dans ces moments si doux, j'ai cent fois éprouvé
Qu'un mortel peut goûter un bonheur achevé.

Dans votre Venise sauvée, le vieux Renaud veut violer la femme de Jaffier, et elle s'en plaint en termes assez indécents, jusqu'à dire qu'il est venu à elle unbutton'd, déboutonné.

Pour que l'amour soit digne du théâtre tragique, il faut qu'il soit le nœud nécessaire de la pièce, et non qu'il soit amené par force, pour remplir le vide de vos tragédies et des nôtres, qui sont toutes trop longues; il faut que ce soit une passion véritablement tragique, regardée comme une faiblesse, et combattue par des remords. Il faut, ou que l'amour conduise aux malheurs et aux crimes, pour faire voir combien il est dange

1 Le comédien Baron.

reux, ou que la vertu en triomphe, pour montrer qu'il n'est pas invincible; sans cela ce n'est plus qu'un amour d'églogue ou de comédie.

C'est à vous, mylord, à décider si j'ai rempli quelques-unes de ces conditions; mais que vos amis daignent surtout ne point juger du génie et du goût de notre nation par ce discours et par cette tragédie que je vous envoie. Je suis peut-être un de ceux qui cultivent les lettres en France avec le moins de succès; et si les sentiments que je soumets ici à votre censure sont désapprouvés, c'est à moi seul qu'en appartient le blâme.

PERSONNAGES.

JUNIUS BRUTUS,

consuls.

VALÉRIUS PUBLICOLA,

TITUS, fils de Brutus.

TULLIE, fille de Tarquin.

ALGINE, confidente de Tullie.

ARONS, ambassadeur de Porsenna.

MESSALA, ami de Titus.

PROCULUS, tribun militaire.

ALBIN, confident d'Arons.

SÉNATEURS.

LICTEURS.

La scène est à Rome,

TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

Le théâtre représente une partie de la maison des cousuis sur le mont Tarpéïen; le temple du Capitole se voit dans le fond. Les sénateurs sont assemblés entre le temple et la maison, devant l'autel de Mars. Brutus et Valérius Publicola, consuls, président à cette assemblée : les sénateurs sont rangés en demi-cercle. Des licteurs avec leurs faisceaux sont debout derrière les sénateurs.

BRUTUS, VALÉRIUS PUBLICOLA, LES SÉNATYU 23

BRUTUS.

DESTRUCTEURS des tyrans, vous qui n'avez pour rois
Que les dieux de Numa, vos vertus et nos lois,
Enfin notre ennemi commence à nous connaître.
Ce superbe Toscan qui ne parlait qu'en maître,
Porsenna, de Tarquin ce formidable appui,
Ce tyran, protecteur d'un tyran comme lui,
Qui couvre de son camp les rivages du Tibre,
Respecte le sénat et craint un peuple libre.
Aujourd'hui, devant vous, abaissant sa hauteur,
Il demande à traiter par un ambassadeur.

Arons, qu'il nous députe, en ce moment s'avance;
Aux sénateurs de Rome il demande audience :
Il attend dans ce temple, et c'est à vous de voir
S'il le faut refuser, s'il le faut recevoir.

VALERIUS PUBLICOLA.

Quoi qu'il vienne annoncer, quoi qu'on puisse en attendre,
Il le faut à son roi renvoyer sans l'entendre :
Tel est mon sentiment. Rome ne traite plus
Avec ses ennemis que quand ils sont vaincus.
Votre fils, il est vrai, vengeur de sa patrie,
A deux fois repoussé lé tyran d'Étrurie ;

Je sais tout ce qu'on doit à ses vaillantes mains,
Je sais qu'à votre exemple il sauva les Romains :
Mais ce n'est point assez; Rome assiégée encore,
Voit dans les champs voisins ces tyrans qu'elle abhorre.
Que Tarquin satisfasse aux ordres du sénat;

Exilé par nos lois, qu'il sorte de l'état ;

De son coupable aspect qu'il purge nos frontières,

Et nous pourrons ensuite écouter ses prières.
Ce nom d'ambassadeur a paru vous frapper;

Tarquin n'a pu nous vaincre, il cherche à nous trompcv.
L'ambassadeur d'un roi m'est toujours redoutable;

Ce n'est qu'un ennemi sous un titre honorable,

Qui vient, rempli d'orgueil ou de dextérité,

Insulter ou trahir avec impunité.

Rome, n'écoute point leur séduisant langage :
Tout art t'est étranger; combattre est ton partage <
Confonds tes ennemis de ta gloire irrités;

Tombe, ou punis les rois : ce sont là tes traités.

BRUTUS.

Rome sait à quel point sa liberté m'est chère :
Mais, plein du même esprit, mon sentiment differe.

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