CENONE. Quoi! vous ne perdez point cette cruelle envie ? Dieux ! que ne suis-je assise à l'ombre des forêts! Quand pourrai-je, au travers d'une noble poussière, Suivre de l'œil un char fuyant dans la carrière ? Quoi, madame ! CENONE. PHÈDRE. Insensée, où suis-je ? et qu'ai-je dit? Où laissé-je égarer mes vœux et mon esprit ? Je l'ai perdu : les dieux m'en ont ravi l'usage. Enone, la rougeur me couvre le visage : Je te laisse trop voir mes honteuses douleurs ; Et mes yeux malgré moi se remplissent de pleurs. CENONE. Ah! s'il vous faut rougir, rougissez d'un silence Quelle fureur les borne au milieu de leur course? Vous trahissez enfin vos enfans malheureux, PHEDRE. Ah dieux! NONE. Ce reproche vous touche? PHEDRE. Malheureuse! quel nom est sorti de ta bouche! CENONE. Hé bien! votre colère éclate avec raison: Tandis que de vos jours prêts à se consumer PHEDRE. J'en ai trop prolongé la coupable durée. CENONE. Quoi! de quelques remords êtes-vous déchirée ? Quel crime a pu produire un trouble si pressant? Vos mains n'ont point trempé dans le sang innocent PHÈDRE. Grâces au ciel, mes mains ne sont point criminelles. Plût aux dieux que mon cœur fût innocent comme elles' CENONE. Et quel affreux projet avez-vous enfanté Je t'en ai dit assez : épargne-moi le reste. ENONE. Mourez donc, et gardez un silence inhumain : PHEDRE. Quel fruit espères-tu de tant de violence? CENONE. Et que me direz-vous qui ne cède, grands dieux! PHEDRE. Quand tu sauras mon crime, et le sort qui m'accable, Je n'en mourrai pas moins; j'en mourrai plus coupable. CENONE. Madame, au nom des pleurs que ponr vous j'ai versés, Par vos faibles genoux que je tiens embrassés, Délivrez mon esprit de ce funeste doute. PHEDRE. Tu le veux lève-toi. CNONE. Parlez, je vous écoute. PHÈDRE. Ciel que lui vais-je dire? et par où commencer? CENONE. Par de vaines frayeurs cessez de m'offenser. PHÈDRE. O haine de Vénus! ô fatale colère ! Dans quels égaremens l'amour jeta ma mère ! CENONE. Oublions-les, madame; et qu'à tout l'avenir PHEDRE. Ariane ma sœur, de quelle amour blessée Vous mourâtes aux bords où vous fûtes laissée! CNONE. Que faites-vous, madame, et quel mortel ennui Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable Aimez-vous ? CNONE. PHEDRE. De l'amour j'ai toutes les fureurs, CNONE, Pour qui ? PHÈDRE. Tu vas ouïr le comble des horreurs. J'aime... A ce nom fatal je tremble, je frissonne. Ta connais ce fils de l'Amazone, Ce prince si long-temps par moi-même opprimé. CENONE. Hippolyte ? grands dieux ! PHEDRE. C'est toi qui l'as nommé ! CNONE. Juste ciel! tout mon sang dans mes veines se glace! Voyage infortuné ! Rivage malheureux, Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d'Égée Mon repos, mon bonheur semblait être affermi; |