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LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L'ÉCOLE IMPÉRIALE DES CHARTES,

QUAI DES AUGUstins, 13.

M DCCC LIII.

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D'UN TABLEAU

DE L'ANCIENNE FRANCE MUNICIPALE 1.

LE LYONNAIS, LA BRESSE ET LE DAUPHINÉ.

Lyon est la ville de France où le fait de la durée non interrompue du droit municipal romain se montre le plus clairement, et où la tradition de sa persistance à travers les siècles du moyen âge paraît le plus fortement empreinte dans les mœurs, les actes publics et les documents de toute espèce. Investie à son origine des priviléges dont l'ensemble se désignait par le nom de droit italique, cette grande cité les a conservés avec une pieuse et courageuse obstination; à toutes les époques de son existence, elle en a voulu le maintien, et, chose digue de remarque, elle n'a jamais demandé rien de plus 2. La franchise la plus complète pour les personnes et pour les biens, l'exemption de tout impôt direct en dehors des charges municipales, le droit de former un corps qui se taxe lui-même et administre ses deniers communs par des mandataires élus, qui veille à sa propre sûreté au moyen d'une milice urbaine, qui exerce la police des rues et la surveillance des métiers, mais sans aucune juridiction criminelle ou civile telles sont les libertés que la bourgeoisie de Lyon appelait ses coutumes héréditaires, et qu'elle défendit énergiquement contre le pouvoir temporel des archevêques, sans empiéter sur la souveraineté seigneuriale, sans se laisser entraîner par l'exemple des villes qui, sous l'influence du grand mouvement de la révolution communale, avaient assuré leur liberté civile par des

:

1. Ce tableau fera partie de la préface du tome II du Recueil des monuments inédits de l'histoire du tiers état.

2. Voyez, sur les cités des provinces‹ui avaient part au jus italicum, c'est-à-dire au droit qui, selon la règlé, ne devait appartenir qu'à l'Italie, l'Histoire du droit ro main, par Savigny (traduction française, tom. 1er, p. 49); l'Essai sur l'histoire du droit français au moyen áge, par M. Charles Giraud, tom. Ier, p. 94 et suiv., et les Recherches sur le droit de propriété, par le même, t. Ier, p. 299 et suiv.

IV. (Troisième série.)

1

garanties politiques, et conquis, soit la totalité, soit une part du droit de juridiction '. Après une lutte violente qui dura plus d'un siècle entre la bourgeoisie et l'Église de Lyon, quand vint la pacification définitive, la charte qui scella cette paix ne stipula rien autre chose que le respect et le perpétuel maintien d'usages qu'on disait remonter bien au delà de toute mémoire d'homme 2. Les termes de cette charte, donnée en 1320 par l'archevêque Pierre de Savoie, sont curieux et méritent d'être cités :

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«

« Considérant qu'il est écrit dans la vieille loi des philosophes << que les Lyonnais sont de ceux qui, en Gaule, jouissent du « droit italique, nous désirons par affection de cœur maintenir amiablement notre illustre ville de Lyon et ses citoyens dans « leurs libertés, usages et coutumes, et leur témoigner de plus << en plus faveur et grâces, à l'honneur de Dieu, pour le bien de la paix et la tranquillité de l'Église, de la ville et de tout le pays

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3

...

Voici les libertés, immunités, coutumes, franchises et usages longtemps approuvés de la ville et des citoyens de Lyon

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4

...

Que les citoyens de Lyon puissent se réunir en assemblée et « élire des conseillers ou consuls pour l'expédition des affaires de « la ville, faire des syndics ou procureurs, et avoir un coffre

1. Une transaction de l'année 1208, entre les citoyens de Lyon et l'archevêque, porte ce qui suit: Juraverunt cives nullam conspirationem vel juramentum communitatis vel consulatus ullo unquam tempore se facturos, formule remarquable en ce qu'elle a trait aux deux formes constitutionnelles de la révolution du douzième siècle, celle du nord et celle du midi, la commune et le consulat.

2. On peut objecter l'apparition du titre de Consuls durant cette guerre civile; mais tout semble prouver qu'à Lyon le régime révolutionnaire du consulat ne fut embrassé que par désespoir, et non par une passion réelle pour les droits politiques inhérents à ce régime. La ville insurgée le prit comme l'expression la plus énergique de la révolte, et elle le quitta dès qu'elle eut obtenu des garanties suffisantes pour sa constitution immémoriale. Alors, du régime consulaire, il ne resta plus qu'un nom, et la chose elle-même disparut sans laisser de regrets.

3. Considerantes etiam in lege philosophorum veteri scriptum quod Lugdunenses Galli juris italici sunt.... (Charte de l'archevêque Pierre de Savoie, Histoire de Lyon, par le P. Ménestrier, Preuves, p. 94.)

4. Hæ sunt libertates, immunitates, consuetudines, franchisiæ, et usus diutius approbati civitatis et civium Lugduni.... (Id., ibid., p. 95.)

5. Voici la formule de procuration usitée dans ce cas : « Nos cives et populus civi. « tatis Lugduni, more solito congregati, facimus et constituimus atque creamus no«stros syndicos, procuratores et actores........... » (Hist. de Lyon, par le P. Ménestrier, Preuves, p. 100.)

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« commun pour la conservation de leurs lettres, priviléges et autres objets d'utilité publique.

<< Item, lesdits citoyens de Lyon peuvent s'imposer des tailles pour les nécessités de la ville...

Item, lesdits citoyens peuvent se contraindre mutuellement « à des prises d'armes, chaque fois qu'il en sera besoin...

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Item, les citoyens ont la garde des portes et des clefs de la ville depuis le temps de sa fondation, et ils l'auront '.

<< Item, les citoyens ne peuvent être taillés ni imposés, et ja« mais ils n'ont été imposés par le seigneur 2... »

Cés droits, violés et contestés au treizième siècle, ne triomphèrent qu'à l'aide d'un grand secours, celui des rois de France qui s'en firent les protecteurs et les gardiens, et ce fut par la volonté libre de ses habitants que Lyon devint partie du royaume 3. La souveraineté de l'archevêque resserrée dans ses anciennes limites, et sa juridiction soumise en appel à celle du roi, tel est dans l'histoire municipale de Lyon le dernier terme et le résultat d'une lutte qui eut l'aspect et la violence des soulèvements les plus révolutionnaires. C'est durant cette lutte que le gouvernement traditionnel des intérêts municipaux, le conseil de la Cinquantaine, ombre de la curie des temps romains, se concentra, pour être plus actif, dans un petit conseil de douze personnes, qui, après la pacification, subsista seul, et dont les membres, par une sorte d'éclectisme entre le midi et le nord réçurent, outre le nom de conseillers, celui de consuls ou d'échevins indifféremment 5. Mais ce consulat, sans justice haute,

1. Custodiam portarum et clavium civitatis habent cives a tempore creationis civitatis et habebunt. (Hist. de Lyon, par le P. Ménestrier, Preuves, p. 95.)

2. Cives non possunt talliari, vel collectari, nec unquam fuerunt collectati per dominum. (Ibid.) Le revenu seigneurial de l'archevêque consistait dans les péages, les droits de mutation, les frais de justice et les amendes.

3. Nos, supplicationibus civium Lugduni civitatis de regno nostro existentis favorabiliter annuentes, eosdem cives et eorum singulos sub nostra speciali gardia et protectione suscipimus.... (Charte de Philippe le Bel, de l'année 1292; Histoire de Lyon, par le P. Ménestrier, Preuves, p. 99.)

4. Voyez, avec l'Histoire de Lyon, du P. Ménestrier, les deux publications intitulées: De la Commune lyonnaise, par M. Auguste Bernard, et l'Hôtel de ville de Lyon, par M. Jules Morin.

5. Dans toutes les chartes confirmatives de celle de 1320, et notamment dans la charte de Pierre de Villars, donnée en 1347, la municipalité de Lyon est désignée par ce seul mot : les Conseillers, consiliarii. La série des actes publics, depuis le quatorzième siècle, présente les titres suivants : consuls, recteurs et gouverneurs de l'u

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