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de charmes, en un mot d'un langage céleste à l'aide duquel elle pourrait traduire ses pensées.

Mais d'où vient donc une erreur si étrange concernant le système musical de l'Église ? Baïni (1) donne un aperçu de l'histoire des progrès de l'harmonie dans la musique vocale usitée dans l'Église ; d'où il ressort que l'on possède des preuves qu'elle était en usage à l'époque du pape Vitalien (2), d'où le système tira plus tard son nom. On ne saurait préciser la nature de ces chants, mais il paraitrait qu'ils furent les premières ébauches de l'art d'harmoniser le chant et de ce qu'on appelle encore de nos jours, dans la chapelle pontificale, les accompagnements alla mente du plain-chant. La bulle de Jean XXII sanctionne, d'une manière expresse, l'usage d'accompagnements semblables. L'Église est loin d'être contraire à l'étude de la science harmonique, car c'est à elle qu'est due l'existence de l'harmonie envisagée comme une science. Il est vrai que, pour les raisons que nous avons fait connaître, l'Église prescrit, en règle générale, selon les circonstances, le chant à l'unisson; mais elle accepte, comme un ornement précieux, les attraits divins de l'harmonie, et elle leur donne une sanction légale et l'autorité d'un usage persévérant.

V. On peut encore répondre à cette objection en remarquant que Dieu a créé des voix de basse, de ténor, d'alto et de soprano, et qu'il n'est pas douteux que ces voix ne doivent être employées. Nous ne savons à quoi attribuer la fausse opinion de ceux qui prétendent que le chant du Rituel en proscrit l'emploi. Si, dans l'usage général, on exécute ce chant à l'unisson, si l'harmonie est considérée comme une variété et un ornement de circonstance, le chant du Rituel ne constitue en aucune façon à lui seul toute la musique humaine. Nous ne connaissons de la part de l'Église aucune prétention de proscrire ce qui peut être beau et pur dans une musique qu'elle ne réclame pas comme sa spécialité, mais dans laquelle elle reconnaît que les voix peuvent se développer et produire des effets agréables.

(1) Baïni, Vie de Palestrina, t. II, chap. dern.

(2) Le pape Vitalien occupa le siége pontifical de 637 à 672. Il envoya des missionnaires en Angleterre.

VI. On a prétendu que le plain-chant est loin d'avoir une théorie harmonique et que ses modes sont inapplicables à l'orgue qui devient alors un instrument inutile. Ceux qui nous adressent ce reproche semblent ignorer qu'en France, en Italie, en Espagne, en Europe enfin, l'orgue accompagne ordinairement l'exécution du plain-chant. Souvent, sans doute à cause de l'éducation trèsimparfaite des maîtres de chapelle, les modes du plain-chant sont traités à peu près comme des modes majeurs ou des modes mineurs; mais ainsi qu'il est facile de le voir dans les harmonies de M. Novello, compositeur très-connu en Angleterre, il est loin d'en être partout ainsi. D'après l'opinion d'Allemands très-compétents en cette matière (1), les modes du plain-chant sont propres à former les bases de combinaisons harmoniques bien plus riches et bien plus variées que les deux modes de la musique moderne. Ceux qui croient avec raison que la musique est susceptible de développement, trouveront des éléments de progrès, non dans les modes majeurs et mineurs, mais dans les modes bien plus variés du plain-chant. Cette opinion, et nous sommes heureux de le faire observer, se trouve être celle de M. Spencer, qui, dans son ouvrage sur le chant ecclésiastique, réfute le reproche que l'on a fait au plain-chant au sujet de ses incompatibilités harmoniques (2).

VII. Nous avons déjà répondu à ceux qui prétendent que la tradition du plain-chant est perdue. On en a dit autant de l'architecture et de la peinture sur verre, et cependant ces deux arts existent et recouvrent leur ancienne splendeur. Il paraît même impossible que la tradition de ces manifestations artistiques de la foi se perde jamais, quoique quelquefois elle puisse se dérober dans l'ombre.

VIII. On a dit aussi que le chant du Rituel n'a pas d'expression qui convienne aux sentiments de joie propres aux grandes fêtes de l'Église. Nous ne saurions discuter ici sur une simple question de goût : on ne comprend une telle opinion que chez ceux qui, en fait de plain-chant, ne connaissent que l'Office des Ténèbres. Mais,

(1) Herzog, Der Practische Organiste.

(2) Spencer, Traité du Chant ecclésiastique, p. 25.

si réellement il n'y a rien dans le plain-chant qui exprime la joie, il faut admettre qu'il a existé, pendant des siècles, une étrange anomalie entre le langage si joyeux des Proses et des Psaumes et leur accompagnement musical. Si ce chant n'a rien qui porte à la joie, comment l'Église a-t-elle osé continuer à dire : Beatus populus qui scit jubilationem, pendant tant de siècles où sa musique était la seule connue.

On a souvent dit que c'était une tentative ridicule de plaider la cause du plain-chant, et que c'était vouloir retarder de plusieurs siècles l'horloge des temps, que c'était enfin un essai donquichotique dont un esprit chimérique et enthousiaste pouvait seul souhaiter et rêver le succès.

Il nous semble que l'œuvre de l'Église non-seulement en ce qui concerne la musique, mais aussi dans tout le reste, est en retard sur l'horloge du monde. Le costume de ses prêtres n'est pas plus du XIXe siècle que sa musique. Voyez ses congrégations, ses ordres religieux, ne sont-ils pas dans le même cas? Ces Carmes, ces Dominicains, ces Franciscains, ces Chartreux, ces Jésuites et d'autres encore qu'il serait trop long d'énumérer, ne cherchent-ils pas dans leurs institutions, dans leurs prières, dans leurs travaux enfin, à faire ce que leurs ennemis appellent retarder l'horloge du monde, c'est-à-dire à arrêter l'humanité dans son amour des plaisirs sensuels, à fixer ses pensées sur le grand fait historique du passé de notre race, le crucifiement du Fils de Dieu. Si c'est là le reproche que l'on adresse au chant du Rituel, un tel reproche l'honore beaucoup et fait son éloge.

On désapprouvera peut-être le parallèle que nous venons d'établir, parce que nous serions conduits à cette conclusion que l'Église, dans une partie très-importante de ses Offices, s'est, pendant plus d'un siècle, mise en contradiction avec la pensée divine; ce qui paraîtrait surprenant. Mais il nous semble qu'une telle objection s'appuierait sur une fausse idée de la nature de notre comparaison, ainsi que des faits qui s'y rapportent. On a déjà vu que le Concile de Trente accorde une tolérance limitée à l'usage des compositions musicales modernes. Nous n'avons d'ailleurs jamais supposé, dans cette discussion, que ce serait une déviation sacri

lége de la pensée divine que de profiter de la permission donnée par le Concile. Nous avons eu plutôt en vue de montrer la voie la plus sûre pour trouver ce qui est le plus conforme aux règles divines de la perfection et le plus agréable aux vues de l'Église, sans prétendre censurer les partisans de l'autre méthode, si ce n'est dans le cas où les conditions imposées par le Concile auraient été violées ou paraîtraient en danger de l'être.

Il semblerait même que l'on regarde la musique moderne comme beaucoup plus en usage qu'elle ne l'est en réalité. C'est là une conclusion assez naturelle que tirent les personnes qui fondent leur opinion simplement sur ce qu'elles ont observé dans un voyage sur le continent, et qui regardent l'usage du plain-chant comme presque aboli. Il est vrai que dans les grandes villes, lorsqu'on compte sur une foule nombreuse, on n'exécute que peu de plain-chant. Néanmoins on peut dire que la masse des affaires du culte, si l'on peut s'exprimer ainsi, se fait en plainchant. Les Requiem, les anniversaires, les enterrements, les processions et les offices des morts, sont tous les jours chantés en plain-chant dans toutes les églises; dans presque tous les villages, c'est la seule musique religieuse en usage soit dans l'église, soit hors de l'église. On ne saurait nier que les scandales et les abus produits par la musique moderne, ont été et sont encore très-grands; et qu'ils sont en tout contraires et diamétralement opposés à la pensée divine. Mais ces exemples ne doivent en aucune manière être considérés comme la ligne de conduite choisie ou adoptée par l'Église; au contraire, ils sont en contradiction flagrante avec son esprit et ses principes. Elle a, pour cette raison, protesté contre eux de la manière la plus formelle et elle les a même condamnés.

On dit, dans la vie du P. Pierre Consolini (1), que s'il existe une chose qui soit inexcusable, c'est cette musique théâtrale et profane qui a pénétré dans la maison de Dieu contrairement aux saints canons et à l'esprit des saints Pères.

(1) Vie des compagnons de S. Philippe de Néri. p. 260.

CHAPITRE IV

Considérations pratiques relatives à une restauration de l'étude ⚫du plain-chant.

Il nous paraît naturel de conclure que l'on ne saurait admettre la justesse de notre comparaison sans être amené à réclamer la restauration de l'étude du plain-chant; il est hors de doute que le résultat de notre comparaison nous conduit à exprimer ce désir.

Il serait ridicule de craindre que sous ce voile on ne déguisât l'intention d'agir avec violence ou despotisme; car il y a une sage et bonne maxime qui présidera à la mise en œuvre des idées que nous venons d'émettre, c'est que le chant religieux a été fait pour l'homme, et non pas l'homme pour le chant. Si nous préférons le chant du Rituel, c'est uniquement parce que nous sommes convaincu que c'est le seul moyen de réaliser la pensée de Dieu touchant la musique religieuse. Mais, dans l'accomplissement de nos désirs, il faut être indulgent et tenir compte des circonstances; en effet, le Sauveur, dans sa miséricorde, n'a pas imposé à l'homme les conditions d'une perfection absolue; il a fait une concession nécessaire à notre imperfection et il nous a toujours permis de suivre une voie moins parfaite. La perfection absolue est, il est vrai, le but proposé à tous, mais seulement comme conseil et non comme obligation.

Quelles que soient donc les vues élevées que puissent avoir les partisans du chant grégorien, ils cesseraient d'être les disciples de Jésus-Christ, s'ils ne pouvaient souffrir de le voir négligé et remplacé par un autre, si cela était nécessaire. Ils seraient nonseulement satisfaits, mais heureux d'avoir un chant de deuxième ou troisième ordre, là où le chant des Saints ne pourrait exis

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