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Évêques, exécutée en plain-chant. On entendit alors le Dies iræ des milliers de voix dont les accents semblèrent mon

chanté par ter au ciel.

Si nous examinons les mélodies traditionnelles de l'Allemagne, nous voyons qu'elles sont toutes empruntées au plain-chant; on peut s'en assurer en consultant les volumineuses collections publiées à ce sujet.

Comme nous l'avons déjà fait remarquer, les modes grégoriens sont loin d'être impopulaires par leur nature: car beaucoup de mélodies irlandaises et écossaises n'appartiennent ni aux modes majeurs, ni aux modes mineurs de la musique moderne. Ajoutez à cela que les Français trouvèrent en Égypte un grand nombre de mélodies arabes d'après le mode grégorien ; il est hors de doute que l'on pourrait faire la même remarque dans le monde entier.

Le chant des Vêpres est très-populaire dans nos églises d'Angleterre : cependant il n'y est connu que sous une forme tronquée; les Antiennes ont été supprimées; les tons des Psaumes ont subi de graves altérations et ont été pour la plupart remaniés par les organistes; en un mot, ils ressemblent à Ulysse rentrant couvert de haillons dans son palais, au retour de ses longs voyages. Pourquoi ne pas croire que le chant grégorien deviendra universellement populaire quand on l'enseignera complétement, puisque ses fragments mutilés et incomplets ont été si favorablement accueillis par le peuple?

Du reste, cette idée n'est pas nouvelle parmi les catholiques anglais, car Charles Butler en parle dans ses mémoires sur les catholiques anglais, écossais et irlandais (1); d'autres écrivains s'en sont aussi occupés dans leurs écrits (2).

Ceux qui, à l'exemple de Rousseau, reprochent au plain-chant de n'être pas harmonieux (3), ne doivent appliquer de blâme qu'à eux-mêmes, s'ils ne veulent parler que des mélodies nouvelles et tout à fait barbares qu'on a adaptées à des mots pour lesquels elles n'ont pas été composées. En effet, s'il nous plaît d'af

(1) Butler, tom. IV, p. 466.

(2) Benost XIV, Lettre encyclique ; Martène, Voyage littéraire.

(3) Rousseau, Dictionn. de musique.

fubler un officier de paix d'un costume d'amiral et de le mettre à bord d'un navire, nous ne devrons pas nous étonner si les résultats de son voyage sont nuls sous le rapport de la science. Mais si l'on veut dire que les mélodies appliquées aux Hymnes et aux Proses dans les Antiphonaires romains ne leur conviennent pas, la meilleure réfutation que l'on puisse opposer à une semblable assertion, c'est que ces Proses, peu usitées aujourd'hui, sont précisément celles où l'on trouve les plus beaux morceaux de mélodie grégorienne. Qui a pu jamais entendre chanter avec leur simplicité primitive l'Ave verum, l'Adoro te et les autres Hymnes de saint Thomas sans se sentir ému par le charme exquis de leur rhythme et de leur expression. Châteaubriand trouve que le Dies iræ de la Messe des morts est l'Hymne où la musique convient le mieux aux paroles. La mélodie si touchante et si plaintive du Stabat Mater n'arrache-t-elle pas des larmes à ceux qui la chantent ou qui l'entendent exécuter?

Si nous ne craignions pas d'abuser de la patience du lecteur, nous pourrions citer une foule d'autres preuves de la popularité qui s'attache au caractère général, aux effets et aux moindres détails du plain-chant; mais nous croyons en avoir dit assez pour montrer que cette popularité peut s'étendre dans le monde entier et que le chant grégorien peut plaire à toutes les âmes, aux hommes de tous les siècles, de toutes les nations et de tous les états. Dieu qui nous a donné le chant religieux dans sa miséricorde pour le peuple doit vouloir qu'il devienne populaire, et nous croyons que le chant grégorien remplit parfaitement les desseins du Créateur. Sans préjuger du résultat, nous voudrions voir si les ouvrages modernes auxquels nous le comparons jouissent d'une semblable popularité. Nous regardons cela comme impossible; car une chose ne peut se populariser qu'à force d'être répétée. La faculté qu'ont les choses d'être reproduites souvent, sans pourtant être désagréables, est la véritable pierre de touche de la popularité. Or, si nous ne nous trompons pas, la création incessante de nouveautés qui ne voient le jour que pour disparaître presque aussitôt est la première et indispensable condition de réussite. pour les œuvres de l'art musical moderne.

IX

Sécurité contre les abus.

Toutes les choses humaines sont susceptibles d'abus et de dégénérescence; elles sont cependant loin de l'ètre toutes au même degré. Dans une entreprise humaine, l'ordre et la discipline systématique sont des garanties contre les abus; or nous savons tous que le chant grégorien, comme le cérémonial des offices, forme un système parfait. Ce système est contenu dans deux grands infolio de musique qui embrassent tout l'office canonial; il existe en outre une suite de règles qui fixent les moindres détails des cérémonies. L'art moderne, au contraire, n'a aucun système, aucune règle. Il est dans la pratique entièrement livré au caprice et au goût de chacun. L'un préfère Haydn, l'autre Mozart; celui qui aura fait quelques voyages à l'étranger rapportera ce qu'il a entendu de plus nouveau en France, en Allemagne et en Italie. Nous n'insisterons pas ici sur le petit nombre des fêtes liturgiques qui sont interprétées par les œuvres modernes, mais sur l'absence complète de tout système dans l'emploi de cette musique dont le choix dépend entièrement du goût et de la fantaisie de chaque per

sonne.

Il est vrai que l'Épouse du Christ est entourée de variété (circumdata varietate); mais l'Église de Dieu est aussi le royaume d'un Dieu d'ordre; et nous croyons qu'entre la variété caractéristique d'un pareil royaume et la variété introduite dans le culte par la prédominance anarchique du goût musical individuel, la différence est grande.

Les défenseurs même les plus zélés de la musique moderne ont senti combien cette absence de tout système était favorable à l'introduction d'abus de toute espèce, et un écrivain de mérite a prétendu que l'usage obligatoire de l'orgue, à l'exclusion de tout instrument d'orchestre, surtout du violon, offrait une ga

rantie suffisante. Mais il n'est pas facile de voir quel principe on invoquerait pour exclure de l'église la musique instrumentale quand le système musical tout entier de l'art moderne a pour base le principe de l'omnipotence du goût individuel. Il reste à savoir si même dans ce cas l'orgue est un instrument aussi irréprochable qu'on voudrait nous le faire croire.

Écoutons ici un témoin pris dans l'Église anglicane où, d'après l'écrivain cité ci-dessus, l'orgue serait un instrument à l'abri de tout reproche. Dans le numéro de juillet 1846 de l'Ecclésiastique, journal puséiste, nous trouvons les lignes suivantes : « Ces grands saints (Ambroise et Grégoire) auraient trouvé intolérable la prétention d'augmenter l'effet des Psaumes au moyen d'un habile emploi des jeux de l'orgue. Qu'auraient-ils pensé de cette ridicule imitation du bruit des flots, du fracas du tonnerre, de la chute de la grêle, des rugissements des lions courant après leur proie, du chant des oiseaux dans les forêts exprimé par le tur lu tu tu des petits tuyaux? Un poëte païen pourrait donner à ces messieurs une leçon et leur apprendre le respect que l'on doit aux choses saintes. Virgile semble regarder comme un point fondamental de la piété de ne pas chercher à imiter le fracas de la foudre que lancent les Dieux (1). Que le véritable tonnerre vienne à se faire entendre au milieu d'une de ces puériles tempêtes d'orgues et nous sentirons de suite combien une telle imitation est profane.»> Nous pouvons donc sans injustice demander si l'orgue devient le gardien de la modération et de la gravité de la musique moderne? Qui pourra prémunir l'orgue lui-même contre les abus que l'on pourrait en faire?

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A l'époque du concile de Trente la musique moderne offrait de grands abus; cependant les Pères de ce concile s'abstinrent de la proscrire entièrement. Ils en permirent tacitement l'usage puis

(1) Virgile, Enéide, VI, v. 585.

qu'elle existait, et qu'elle ne pouvait être supprimée sans un danger sérieux. Pour ce qui est du point de vue favorable sous lequel l'envisagèrent quelques Évêques du concile et d'autres hommes éminents, grands admirateurs de la musique, nous devons nous rappeler que leur approbation a toujours été conditionnelle et subordonnée à cette clause : « que cette musique soit grave et décente; qu'elle ne dénature pas le sens des paroles saintes et qu'elle n'ait rien de commun avec la musique de théâtre (1). » D'autres témoignages prouvent encore que la musique moderne est loin d'être restée fidèle à ces conditions (2).

Quand les musiciens plaident la cause de la musique moderne, ce n'est pas la musique telle qu'elle est qu'ils défendent, mais cette musique que leur esprit conçoit. Le défenseur du chant du Rituel qui rejette la musique moderne, ne le ferait certainement pas si tous les organistes et les chanteurs étaient des David ou des fils d'Asaph: il agit ainsi parce qu'il sait ce qu'elle est, ce qu'elle a été, ce qu'elle sera d'après le témoignage des auteurs et des voyageurs et parce qu'il prévoit qu'elle sera la même jusqu'à la fin des siècles. Le premier conçoit dans son esprit les harmonies du ciel et les chœurs des anges; il croit y atteindre par les moyens terrestres. Il est ébloui par une vision de gloire, et, oubliant que la terre est peuplée de pécheurs, il croit arriver d'emblée à la perfection de la musique céleste. Le second n'oublie pas la triste réalité de ce qui existe; il se rappelle les églises qu'il a fréquentées, où il a entendu les accords du théâtre, le violon, le cor, les timbales; où il a entendu un chant de bayadères plutôt qu'un chant de pieux adorateurs du Seigneur, un chant d'idolâtres plutôt que les accents d'hommes ayant foi dans les mystères auxquels ils assistent (3).

Nous demanderons ici, après avoir constaté les caprices infinis de l'esprit humain, si on peut attendre du principe de la suprématie du goût individuel autre chose que la confusion et le désordre;

(1) Benoît XIV, Lettre encyclique.

(2) L'évêque Lindanus, Lettre encyclique au sujet de la musique religieuse; Salvator Rosa, le célèbre artiste du XVIe siècle (Danjou, Revue de musique, troisième année, p. 119); Gerbert, Préface du De musica sacra.

(3) Voyez Homère, Iliade, B, 111; Hudibras, canto 11, book II.

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