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SCÈNE V.

CLYTEMNESTRE, ÆGINE, ARCAS, GARDES.

ARCAS..

N'EN doutez point, madame, un dieu combat pour vous.
Achille en ce moment exauce vos prières ;

Il a brisé des Grecs les trop foibles barrières :
Achille est à l'autel. Calchas est éperdu:

Le fatal sacrifice est encor suspendu.

On se menace, on court, l'air gémit, le fer brille.
Achille fait ranger autour de votre fille

Tous ses amis, pour lui prêts à se dévouer.
Le triste Agamemnon, qui n'ose l'avouer,
Pour détourner ses yeux des meurtres qu'il présage,
Ou pour cacher ses pleurs, s'est voilé le visage.
Venez, puisqu'il se tait, venez par vos discours
De votre défenseur appuyer le secours.
Lui-même de sa main, de sang toute fumante,
Il veut entre vos bras remettre son amante;
Lui-même il m'a chargé de conduire vos pas.
Ne craignez rien.

CLYTEMNESTRE.

Moi, craindre! Ah! courons, cher Arcas!

Le plus affreux péril n'a rien dont je pâlisse.
J'irai par-tout... Mais, dieux! ne vois-je pas Ulysse ?
C'est lui. Ma fille est morte! Arcas, il n'est plus temps!

SCÈNE V I.

ULYSSE, CLYTEMNESTRE, ARCAS, ÆGINE,

GARDES.

ULYSSE.

Now, votre fille vit, et les dieux sont contents.
Rassurez-vous: le ciel a voulu vous la rendre.

CLYTEMNESTRE.

Elle vit! et c'est vous qui venez me l'apprendre!

ULYSSE.

Oui, c'est moi, qui long-temps contre elle et contre vous Ai cru devoir, madame, affermir votre époux;

Moi qui, jaloux tantôt de l'honneur de nos armes,

Par d'austères conseils ai fait couler vos larmes;
Et qui viens, puisqu'enfin le ciel est apaisé,
Réparer tout l'ennui que je vous ai causé.

CLYTEMNESTRE.

Ma fille! Ah, prince! Oh ciel! je demeure éperdue.
Quel miracle, seigneur, quel dieu me l'a rendue ? ..

ULYSSE.

Vous m'en voyez moi-même, en cet heureux moment. Saisi d'horreur, de joie et de ravissement.

Jamais jour n'a paru si mortel à la Grèce.
Déjà de tout le camp la discorde maîtresse
Avoit sur tous les yeux mis son bandeau fatal,
Et donné du combat le funeste signal.

De ce spectacle affreux votre fille alarmée
Yoyoit pour elle Achille, et contre elle l'armée :

Mais, quoique seul pour elle, Achille furieux
Epouvantoit l'armée, et partageoit les dieux.
Déjà de traits en l'air s'élevoit un nuage:
Déjà couloit le sang, prémices du carnage

Entre les deux partis Calchas s'est avancé,
L'œil farouche, l'air sombre, et le poil hérisse,

Terrible, et plein du dieu qui l'agitoit sans doute :
« Vous, Achille, a-t-il dit, et vous, Grecs, qu'on m'écoute.
<«< Le dieu qui maintenant vous parle par ma voix

<< M'explique son oracle, et m'instruit de son choix.
« Un autre sang d'Hélène, une autre Iphigénie
<< Sur ce bord immolée y doit laisser sa vie.
«Thésée avec Hélène uni secrètement
<< Fit succéder l'hymen à son enlèvement :
"Une fille en sortit, que sa mère a celée ;
Du nom d'Iphigénie elle fut appelée.

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Je vis moi-même alors ce fruit de leurs amours: « D'un sinistre avenir je menaçai ses jours. << Sous un nom emprunté sa noire destinée

Et ses propres fureurs ici l'ont amenée.

<< Elle me voit, m'entend, elle est devant vos yeux;
Et c'est elle, en un mot, que demandent les dieux. »
Ainsi parle Calchas. Tout le camp
immobile
L'écoute avec frayeur, et regarde Ériphile.
Elle étoit à l'autel ; et peut-être en son cœur
Du fatal sacrifice accusoit la lenteur.
Elle-même tantôt, d'une course subite,
Etoit venue aux Grecs annoncer votre fuite.
On admire en secret sa naissance et son sort.
Mais, puisque Troie enfin est le prix de sa mort,

96 IPHIGENIE. ACTE V, SCÈNE VI

L'armée à haute voix se déclare contre elle,
Et prononce à Calchas sa sentence mortelle.
Déjà pour la saisir Calchas lève le bras.

« Arrête, a-t-elle dit, et ne m'approche pas.
« Le sang de ces héros dont tu me fais descendre
<< Sans tes profanes mains saura bien se répandre. »
Furieuse elle vole, et sur l'autel prochain
Prend le sacré couteau, le plonge dans son sein.
A peine son sang coule et fait rougir la terre,
Les dieux font sur l'autel entendre le tonnerre,
Les vents agitent l'air d'heureux frémissements,
Et la mer leur répond par ses mugissements;
La rive au loin gémit, blanchissante d'écume;
La flamme du bûcher d'elle-même s'allume;
Le ciel brille d'éclairs, s'entr'ouvre, et parmi nous
Jette une sainte horreur qui nous rassure tous.
Le soldat étonné dit que dans une nue
Jusque sur le bûcher Diane est aescendue;
Et croit que, s'élevant au travers de ses feux,
Elle portoit au ciel notre encers et nos vœux.
Tout s'empresse, tout part. La seule iphigénie
Dans ce commun bonheur pleure sou ennemie.
Des mains d'Agamemnon venez la recevoir :
Venez. Achille et lui, brûlant de vous revoir,
Madame, et désormais tous deux d'intelligence,
Sont prêts à confirmer leur auguste alliance.

CLYTEMNESTRE.

Par quel prix, quel encens, ô ciel, puis-je jamais Récompenser Achille, et payer tes bienfaits!

FIN D'IPHIGÉNIE.

Racine. 3.

PHÈDRE,

TRAGÉDIE.

1677.

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