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famille, et il est arrivé, par une suite d'inductions, au résultat suivant :

La France compte actuellement 31,878,174 habitants; sur ce nombre, 1,924,458 sont dans la nécessité de recourir à la charité publique.

Cette masse d'indigents est répartie dans le royaume d'une manière inégale. En premier lieu, comme il existe une sensible différence entre les conditions de l'existence dans les pays situés dans un climat où les hivers sont courts, peu rigoureux, où le travail est rarement interrompu, la subsistance plus facile, et ceux où de longues gelées laissent les bras sans occupation, en même temps qu'elles amènent des besoins pressants de chauffage, de vêtements, et d'une alimentation plus forte, la population indigente doit être dans des rapports très-divers avec la population totale, dans le sud et dans le nord de là deux zônes distinctes en outre dans chacune des zônes, des circonstances locales, de grands rassemblements d'hommes, le développement des industries, qui, soumises à des goûts éphémères, offrent alternativement et retirent le travail, amènent des différences notables.

Suivant M. de Villeneuve, la population indigente, dans la sixième partie du royaume seulement, est dans un état véritablement alarmant, et dans les autres parties, elle existe dans des proportions assez faibles pour pouvoir être facilement secourue par les moyens ordinaires.

Dans la zone souffrante, la population générale est d'environ 4,700,000 habitants, et la population indigente est d'environ 600,000 individus.

Les termes extrêmes des rapports entre les populations sont comme 1: 6 et 1:30. Mais si on considère les villes isolément, on arrive à ce résultat effrayant que certaines villes comptent plus du tiers de leur population sur le registre des indigents.

C'est dans le département du royaume où la plaie est la plus large et la plus profonde, que M. de Villeneuve fait ses observations, et sans doute il aura été porté à appliquer son esprit à ces recherches, excité qu'il était par le spectacle si digne d'attention de la perfection de la culture et de l'industrie engendrant d'un côté la richesse et la moralité, et de l'autre la misère et la dépravation.

Ce beau département du Nord, peuplé de près d'un million d'habitants, qui n'ont laissé incultes que 5,814 hectares de terre; ce département couvert de villes florissantes, coupé de canaux et de routes qui mettent en faciles rapports de nombreuses manufactures; ce pays modèle, en un mot, compte 150,000 indigents, dont 8,000 mendient habituellement leur pain.

Si vous vous souvenez, messieurs, de ce que je vous ai dit du royaume des Pays-Bas, vous comprendrez la situation de la Flandre française.

Entre ces deux pays, les analogies sont sensibles, climat, planimétrie de terrain, fertilité, habitudes d'ordre, amour du travail, industrie, accumulation de capitaux, tout, dans un pays comme dans l'autre, a concouru à un développement des puissances productives, tel qu'aucune autre contrée n'en offre d'exemple. Ainsi le département du Nord est arrivé à cet état de pléthore que connurent autrefois la Grèce et Rome, et qui accable aujourd'hui l'Irlande : état d'autant plus fàcheux qu'il tourne contre la civilisation les biens mêmes qu'elle nous procure.

M. de Villeneuve, après avoir constaté la situation de

son département sous le rapport du nombre des indigents, rechercha les causes d'un état si affligeant. Il reconnut d'abord que ce mal datait de loin, et qu'il existait depuis longtemps dans une égale proportion; car en 1789 on comptait 120,000 indigents pour une population de 808,147 individus il vit ensuite que c'était surtout à l'exubérance de la population relativement à la surface du sol, aux fluc tuations du travail dans les manufactures, à des habitudes vicieuses d'aumônes prodiguées jadis par de nombreuses et riches abbayes, à l'ignorance des basses classes, qu'on devait attribuer ce nombre prodigieux d'individus sans moyens d'existence.

Ses premiers soins furent donnés à tirer le meilleur parti possible des immenses secours offerts par la bienfaisance, et un règlement très-étendu témoigne de la justesse de ses vues et de son esprit de prévoyance.

Mais ces palliatifs ne pouvaient satisfaire M. de Villeneuve: frappé de la gravité du mal, éclairé par l'exemple de ce qui se faisait au-delà de sa frontière, il a porté ses vues sur des moyens permanents de secourir les indigents.

Comme le général Van den Bosch, c'est dans l'emploi des bras oisifs à la culture des terres, jusqu'à ce jour dédaignée, qu'il croit trouver un remède au fléau qui menace nos provinces septentrionales.

Le département du Nord ne lui présentant presque aucune terre qui n'ait été mise en valeur, M. de Villeneuve a jeté ses regards sur les portions du royaume où le sol n'est pas encore entièrement employé. Des recherches faites avec persévérance lui ont permis de dresser, par département, un tableau des terres incultes, et le résultat de ce tableau donne un total de 7,221,226 hectares.

Vous savez, messieurs, que ces terres se trouvent principalement réunies en deux masses: en Bretagne, où elles occupent 828,000 hectares, et en Guienne, où leur superficie est à peu près égale; et ce sont ces deux provinces que M. de Villeneuve a principalement en vue dans ses projets de colonisation.

Cet administrateur s'attache ensuite à démontrer que les landes de ces deux provinces sont susceptibles de cultures, et qu'elles se prêteraient, aussi bien que les bruyères des Pays-Bas, à un assolement raisonné. Son opinion sur la possibilité d'établir des colonies d'indigents dans ccs terres incultes est appuyée de plusieurs autorités : d'abord, il cite MM. Léopold de Bellaing et Eugène de Montglave, qui ont publié des écrits sur cette question; ensuite M. le baron d'Hauŝs ́z, ministre de la marine aujourd'hui, qui, pendant qu'il administrait le département de la Gironde, en 1826, publia une brochure intitulée Études sur les Landes, dans laquelle il établit la possibilité de secourir l'indigence en lui ouvrant des asiles dans ces plaines désertes, et qui donne tous les détails de la dépense et des produits présumables d'un établissement de colonie répressive.

M. le baron d'Haussez peut être cité avec confiance, car, successivement préfet des départements des Landes et de la Gironde, il connait parfaitement les ressources de ces contrées, et le premier il a résolu, à Bordeaux, le grand problème de la répression de la mendicité.

M. le duc de Richelieu et M. Lainé avaient aussi conçu tout le parti qu'on pouvait tirer des landes pour l'occupation des classes indigentes, et en ma qualité de préfet de la Gironde, j'ai correspondu avec ces deux hommes de bien

sur cet important objet. Enfin, si, après de si graves autorités, j'ose me citer, je puis dire que dès 1819, j'avais préparé l'établissement de ces colonies en favorisant la formation d'une ferme d'expérience au milieu de ces plaines incultes, et qu'enfin, en 1827, je sollicitais à la tribune de la chambre des pairs l'appui du gouvernement pour l'ouverture d'un canal dans les Landes, en disant : « Notre « population est répartie d'une manière très-inégale, et à « côté des provinces où elle s'entasse, nous avons de vastes « contrées désertes. Il est temps de porter nos regards sur elles, pour les préparer à recevoir notre excès de popu<<lation, pour y fonder des colonies intérieures, bien << plus utiles que les colonies extérieures. » (Séance du « 19 juin 1827.)

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Après avoir considéré sous toutes ses faces la grande question qu'il s'agit de résoudre, M. de Villeneuve arrive aux conclusions suivantes :

La France, principalement dans sa partie septentrionale, est chargée du poids d'une population improductive, souffrante, et qui fait la honte et le désespoir de l'administration cette population est mal connue, et aucun renseignement officiel ne fait connaître exactement ni le nombre des individus, ni la situation véritable de chacun d'eux.

De cette ignorance résulte une mauvaise répartition des secours, et par conséquent l'amoindrissement de leur efficacité.

Dès-lors, le premier pas à faire est de porter les regards de l'administration sur cette partie souffrante de la population.

Le moyen le plus efficace à employer pour éclairer ces obscurités serait la formation d'un conseil supérieur de bienfaisance, nommé par le roi, et dont les fonctions seraient d'étudier tout ce qui concerne les indigents, et de conseiller au gouvernement les moyens les plus assurés de les secourir.

Après avoir pourvu, par une institution spéciale, à une sorte de tutelle de la classe indigente, M. de Villeneuve passe aux moyens de la secourir.

Au premier rang, il place la création d'une société générale de bienfaisance, sous les auspices de S. A. R. le Dauphin.

Cette société se composerait d'un nombre illimité de membres, qui ne contracteraient d'autre engagement que celui de payer, pendant qu'ils en feraient partie, une somme annuelle de 20 fr.

Il souhaiterait qu'à l'exemple de la société des prisons, elle obtint l'honneur, une fois par an, d'être présidée par M. le Dauphin. Le conseil supérieur de bienfaisance serait choisi dans son sein; il dirigerait les opérations et les travaux de la société; ses membres auraient droit d'inspecter les établissements de bienfaisance du royaume et d'éclairer le gouvernement sur les abus qui pourraient se glisser dans ces administrations.

Des commissions correspondantes seraient formées dans chaque département, et établiraient ainsi un vaste réseau, dont le nœud serait l'amour du bien; enfin des moyens de publication des actes de la société et de ceux du conseil supérieur seraient adoptés.

Le produit des souscriptions serait employé, en premier lieu :

1o A fonder sur les terres incultes de la Bretagne, de la Guienne, de la Champagne, de la Sologne, de la Provence,

du Languedoc, etc., des dépôts de mendicité agricoles pour les mendiants et vagabonds, sur les principes si heureusement appliqués dans les colonies de répression du royaume des Pays-Bas ;

20 fonder des colonies libres pour les indigents non mendiants.

M. de Villeneuve voudrait qu'en même temps la législation répressive de la mendicité et du vagabondage fût revisée;

Que la tutelle des enfants appartenant à des familles qui ont recours à la charité publique fût dévolue, par la loi, aux commissions administratives des hospices et aux bureaux de bienfaisance;

Que toutes les communes fussent tenues d'établir des écoles primaires;

Que des obligations fussent imposées aux manufacturiers et chefs d'ateliers, tant pour maintenir la santé que pour conserver les mœurs de leurs ouvriers et pour répandre parmi eux les bienfaits de l'instruction;

Que l'entrée des cabarets fût interdite aux indigents, sous peine de privation de tout secours, etc.

Tel est l'ensemble des propositions faites par M. le vicomte de Villeneuve; et je ne crois pas pouvoir terminer plus convenablement le résumé que je devais vous faire, que par les paroles mêmes dont se sert cet administrateur :

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« Nous regarderions comme une des plus honorables « circonstances de notre vie d'avoir éveillé l'attention publique sur cet important objet, d'avoir émis quelques pensées utiles, et enfin d'avoir posé une modeste pierre « d'un édifice tout national. »

Sans doute, messieurs, ainsi que je vous l'ai dit en commençant, plusieurs des propositions de M. de Villeneuve sortent du cercle de nos attributions; mais comme l'idéemère, celle de l'application à la culture des bras des indigents, rentre parfaitement dans notre institution, je croirais n'avoir pas rempli la mission que vous m'avez donnée, si je ne discutais maintenant les diverses mesures proposées par cet habile administrateur, qui, déjà fondateur de la Ferme de Roville et de l'École agricole de la Meilleraye, acquiert, par son nouveau travail, des droits plus grands encore à l'estime publique et à votre confiance.

TROISIÈME PARTIE.

DES MOYENS DE SECOURIR LES INDIGENTS PAR L'ÉTABLISSEMENT DE COLONIES AGRICOLES.

Réunir les mendiants dans des établissements où ils seraient assujettis à une sévère discipline et au travail, et trouver, dans le produit de ce travail, des moyens de subvenir à leurs dépenses, est une idée ancienne déjà, et mise plusieurs fois en pratique; mais jamais l'expérience n'en fut faite sur une plus grande échelle que lorsque, de nos jours, le France se couvrit presque simultanément de dépôts de mendicité. Mais des constructions trop dispendieuses, des états-majors trop nombreux, la difficulté de trouver des emplois utiles de tant de bras exténués par la misère, surtout un vice d'organisation, qui, ouvrant les portes de ces maisons de répression à la souffrance, les transforma en succursales des hospices; telles sont les causes qui ruinèrent, dès leur origine, ces établissements. En 1815, les sources auxquelles on avait puisé pour fournir aux dépenses, diminuèrent sensiblement; il fallut ré

duire le nombre des personnes secourues, et la disproportion entre les dépenses improductives et invariables et celles qui avaient pour résultat le soulagement des pauvres, frappa tous les yeux. En même temps la mendicité se montrait aussi importune qu'avant l'ouverture des dépôts ; il n'en fallut pas davantage pour faire prononcer successivement leur abandon dans presque tous les départements.

Plusieurs années se passèrent sans qu'on s'occupât de la répression de ce fléau: enfin, à Bordeaux, M. le baron d'Haussez; à Nantes, M. le vicomte de Villeneuve, auteur de ce mémoire ; à Paris, M. de Belleyme, et plus tard, le magistrat habile qui administre le département du Rhône, firent des appels à la charité publique, et un heureux résultat a couronné leurs efforts.

Mais peut-on espérer que la cause qui détruisit principalement les anciens dépôts ne minera pas sourdement les maisons de refuge actuelles? Quelle garantie avons-nous que le produit d'un travail mécanique deviendra une ressource permanente, qui suffirait lors même que la bienfaisance publique prendrait un autre cours?

On ne peut se le dissimuler, messieurs, tout établissement qui ne se suffit pas à lui-même, lorsque les premiers frais ont été faits, porte dans son sein un germe de ruine : or, il est évident qu'avec quelque intelligence qu'un travail mécanique soit distribué dans les grandes réunions de mendiants, il ne suffira pas constamment à ses besoins : la concurrence extérieure, les chances des achats et des ventes, les caprices des goûts et les révolutions des modes rendront toujours cette ressource très-précaire.

Ce même travail appliqué à la culture de la terre donnera-t-il un secours plus constant? Il semble que la réponse peut être affirmative, car les produits de la terre ont un emploi généralement assuré et à l'abri d'extrêmes vicissitudes; et une fois le sol payé, l'établissement chargé de sa culture se trouve dans une position meilleure que le fermier ou le métayer, qui cependant subsistent et élèvent leur famille avec une portion seulement des produits du sol.

D'ailleurs les ateliers de mendiants transportés à la campagne coûtent moins, et les mœurs de ceux qui les composent s'améliorent plus facilement que dans les villes. Le travail en plein air maintient la santé, que détruit le travail d'atelier; la variété des occupations développe l'intelligence, et l'aspect de la nature, les scènes qui se succèdent agissent nécessairement avec plus d'efficacité sur le cœur que la monotonie d'un travail de filage ou de tissage et les murs enfumés d'un atelier.

Ainsi, l'établissement des maisons de répression de la mendicité est préférable aux champs qu'à la ville, et on peut espérer que, placées dans les campagnes, elles trouveront dans l'application des bras à la culture des terres un moyen d'existence permanent.

A l'appui du raisonnement vient se placer l'èxemple des colonies agricoles des Pays-Bas, qui prospèrent depuis douze ans, et qui s'étendent chaque jour.

Ainsi il n'y a, dans mon opinion, aucun doute sur la convenance de conseiller au ministre d'adopter la proposition de M. le vicomte de Villeneuve et de décider qu'il sera immédiatement fait un certain nombre d'essais de colonies agricoles de répression de la mendicité.

Ce principe adopté, il faut s'occuper des moyens de le féconder et de parvenir à son application.

M. de Villeneuve me semble présenter deux moyens par

faitement convenables d'abord, la création d'un conseil supérieur de bienfaisance, qui, sous l'autorité du ministre, devienne le patron des pauvres du royaume, et offre constamment au gouvernement des lumières sur l'étendue des besoins et sur le meilleur emploi des secours.

En second lieu, un appel à la bienfaisance pour la formation d'une société qui, sans doute, verrait briller à sa tête le nom du prince auguste qui s'est déjà fait le protecteur des prisonniers.

Qui peut douter de l'empressement avec lequel les hommes charitables inscriraient leur nom à la suite de celui de l'héritier du trône, à la suite de ceux des membres de cette royale famille que nous sommes habitués à lire en tête de tous les actes d'humanité! Les Pays-Bas comptent déjà 25,000 souscripteurs à l'œuvre des colonies agricoles': ne peut-on pas espérer en France un nombre quadruple avec une population presque sextuple? Dès lors quel large secours serait offert, et sur quelles bases solides pourraient être assises nos colonies!

Je pense donc, messieurs, qu'il y a lieu d'accueillir avec applaudissements et de conseiller à Son Exc. la formation d'un conseil supérieur d'administration des pauvres, et la création d'une société générale de bienfaisance ayant pour but l'établissement des colonies agricoles de répression de la mendicité; enfin, que pour assurer le succès de cette grande entreprise, il conviendrait de supplier M. le Dauphin de daigner prendre la société naissante sous son patronage auguste, en acceptant le titre de son président.

M. de Villeneuve borne avec raison ses vues actuelles à la formation des maisons de répression de la mendicité, et il croit nécessaire de renvoyer à un autre temps la formation des colonies libres d'indigents. Dans les Pays-Bas, on a suivi une marche inverse. Les fondateurs des colonies agricoles obéirent à un mouvenient de leur cœur, en se coalisant pour secourir les indigents; ils crurent qu'il suffisait de faire du bien à des hommes souffrants pour obtenir d'eux de la reconnaissance et une soumission toute dans leur intérêt. Il en fut autrement, et bientôt on comprit qu'il ne suffisait pas, pour toucher des hommes arrachés à la crapule des villes, de chercher à les rendre heureux, et on reconnut la nécessité de fonder des colonies de répression, et même dans le sein de celles-ci, des colonies de punition.

Nous devons profiter de cette expérience, nous qui vivons dans un pays où les classes inférieures ne sont pas peut-être. pour l'amour de l'ordre, à l'égal des mêmes classes dans les Pays-Bas.

D'après les évaluations de M. de Villeneuve, environ 70,000 mendiants existent en France. L'établissement des colonies répressives, pour ce nombre, exigerait au moins (en suivant les proportions qui existent dans les Pays-Bas entre la population et la surface des terrains colonisés ) 30,000 hectares. Ainsi une carrière assez vaste est ouverte à la bienfaisance, et il serait inutile aujourd'hui de s'occuper de l'exécution complète du plan de M. de Villeneuve. Même réduit à de moindres proportions, l'exécution de ce plan, je ne me le dissimule pas, rencontrera de grandes difficultés d'abord nos landes, surtout celles qui bordent le golfe de Gascogne, ne sont pas aussi susceptibles de culture que les bruyères des Pays-Bas; un sol sablonneux, frappé, pendant six mois, d'un soleil ardent, recouvre le plus souvent une couche imperméable de roche calcaire ;

:

dès-lors il y a humidité alternativement et sécheresse extrême. Déjà de nombreux essais ont été tentés sans succès, entre autres dans le grand établissement de Nevers près de la Teste. Partout on n'a presque obtenu d'améliorations que par les semis de pins maritimes; mais ce mode d'emploi des terrains est le moins propre à occuper beaucoup de bras et à procurer une abondante nourriture, et par conséquent à favoriser une colonisation.

D'un autre côté, un des mémoires mis par M. de Villeneuve à la suite de son travail, montre la difficulté d'établir des colonies dans les landes de Bretagne, qui, loin d'être improductives, entrent comme portion nécessaire dans la composition d'une ferme complète, mais qui, considérées isolément, sont peu aptes à la production de substances alimentaires.

Enfin l'agglomération de la population dans le royaume des Pays-Bas, le rapprochement des villes considérables, les facilités que présente partout un réseau de canaux et de routes assurent des débouchés avantageux aux produits des colonies agricoles; tandis que dans les parties du royaume où les nôtres pourraient être établies, les moyens de communication manquent totalement; il me semble qu'il faudrait qu'au moment même où les colonies seraient fondées, le gouvernement s'occupât de la création de voies publiques.

Mais quels que soient les obstacles que l'on rencontre dans la nature des lieux, dans la résistance obstinée des communes, propriétaires jalouses de la plus grande partie des landes, dans les prétentions des autres possesseurs, tout indique, comme le dit M. le vicomte de Villeneuve, qu'il y a quelque chose à faire. Poursuivons cette recher« che avec persévérance, continue-t-il; que le signal se « donne, que le mouvement s'imprime, et sans doute la « France ne s'arrêtera pas dans une carrière qui appelle << tous les sentiments nobles et généreux, toutes les medi<tations des hommes éclairés et philanthropes, et le con« cours de tout ce qui est véritablement humain et reli<< gieux. »

Je parlerai succinctement des mesures parallèles à la mesure principale que propose l'auteur des Mémoires, parce qu'elles n'entrent pas dans le cercle des attributions du conseil supérieur.

M. de Villeneuve voudrait une révision de la législation relative à la répression de la mendicité: il est en effet bien désirable que ces questions, fort controversées, et qui trouvent devant les tribunaux des solutions diverses, soient enfin traitées à fond, et que, s'il est nécessaire, une loi nouvelle interprète la législation et amène une jurisprudence uniforme.

Il invoque aussi une loi qui donne aux établissements charitables la tutelle des enfants dont les pères reçoivent des secours de la bienfaisance publique. Mais avant de dépouiller ainsi la paternité d'un droit qu'elle tient de la nature, il serait nécessaire d'examiner bien attentivement les avantages de la substitution de cette tutelle officieuse à la tutelle naturelle; peut-être pourrait-on craindre que le travail qui résulterait de cette charge imposée aux administrations ne les décourageât, et que des devoirs devenus trop nombreux ne fussent négligés.

Mais j'applaudirai sans restriction, et, je pense, sans trouver ici de contradicteurs, à la proposition d'établir dans chaque commune une école publique; cependant je dois faire observer que ce vœu d'un homme de bien et d'un administrateur éclairé n'est pas de ceux qui se réalisent subitement, et le défaut de revenus communaux, l'indifférence des pères de famille et beaucoup d'autres causes reculeront nécessairement le moment de la régénération de l'enseignement; mais c'est encore un but auquel tous les efforts doivent tendre, et M. de Villeneuve prouve évidemment que l'instruction du peuple se lie intimement au soulagement de l'indigence, et qu'il est un puissant moyen de prévenir la mendicité.

Les mesures à prendre pour obtenir des manufactures, en faveur de leurs ouvriers, des soins hygiéniques, pour leur imposer le devoir de veiller à la conservation de leurs mœurs et à leur instruction, sont, ainsi que la proposition d'interdire les cabarets aux indigents, sous peine d'être privés des secours publics, des moyens qu'en théorie on ne peut que louer; mais leur mise en pratique est-elle possible? Ne faudrait-il pas donner une sanction à ces prescriptions, et établir des pénalités; et comment appliquer ces peines sans pénétrer dans l'intérieur des manufactures, et sans soumettre la conduite des fabricants à une sorte d'inquisition? Comment refuser ses secours à des femmes, à des enfants mourant de besoin, parce que leur père aura été dépenser au cabaret l'argent qui était destiné à leur subsistance? Ne semble-t-il pas que c'est seulement à améliorer les mœurs qu'il faut s'attacher, et que c'est des sentiments humains des chefs de manufactures, excités par l'estime publique, par leur intérêt, qu'il faut attendre le soulagement de la classe si intéressante des ouvriers?

Je termine enfin ici, messieurs, ce rapport si étendu, et pendant lequel je n'ai eu d'espoir en votre patience qu'à cause de l'importance extrême du sujet. Heureux du moins si la faiblesse du talent de votre rapporteur ne nuit pas, dans votre esprit, au travail le plus important, peut-être, qui ait été soumis depuis votre réorganisation!

[1]

TABLEAU DES MENDIANTS

EXISTANTS

DANS LES DIVERS DÉPARTEMENTS DE LA FRANCE,

Gradué d'après le rapport du nombre des Mendiants à la population générale.

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