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« Non, dit ce père, l'humilité n'est point, comme se l'imaginent les aveugles partisans du siècle, une petitesse d'esprit. Ce n'est point bassesse de cœur que de fouler aux pieds des honneurs périssables, et de mettre la gloire dans la privation des choses qui servent de matière à l'orgueil. Rien n'est plus généreux que ce mépris des biens temporels, ni plus digne de ces grandes âmes qui ne cherchent la faveur d'aucune créature, quelque puissante qu'elle soit, n'ambitionnent que celle du Créateur qui sait si avantageusement reconnoître l'humilité de ses vrais serviteurs, que de s'approcher de lui c'est s'élever, le craindre c'est se réjouir, le servir c'est régner: Cui servire regnare est (1). »

« Heureuse humilité! qui, selon l'expression de saint Ambroise, fait que notre propre bonheur ne nous enfle point d'orgueil, et que la félicité des autres ne nous brûle point d'envie. Nec felicitas aut inflat propria, aut urit aliena (2). »

« L'humilité se montre d'abord dans les devoirs ordinaires de la vie commune; et c'est là qu'éclatent ses bons effets et sa vertu. Rien ne forme une plus belle société, rien ne forme une plus douce union entre des frères, comme sont les chrétiens, que quand on aime à obéir lorsqu'on est né pour l'obéissance, et quand on ne se complaît pas à commander lorsqu'on est né pour le commandement; quand le pauvre n'a pas de peine à préférer le riche à lui, et que le riche est bien aise que

(1) Montargon, Dict. apost., tom. 11, pag. 631.
(2) Molinier, Scrm. chois,, tom. 111, pag. 631.

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le pauvre lui soit égal; quand les grands du monde ne s'élèvent pas de l'éclat de leur dignité ou de l'ancienneté de leur maison, et que les petits ne nourrissent pas leur vanité de la participation d'une nature commune; quand on n'estime pas davantage les grands biens que les bonnes mœurs; quand la puisances des impies armée n'est pas en plus grande considération que la justice des bons dépouillée du faste et des honneurs de la terre. Dans cet état plein d'équité et de modestie, auquel préside l'humilité, on voit la puissance de cette vertu pour unir les hommes ensemble par l'amour. Par le moyen de cette vertu, on entretient dans la pratique des devoirs de la vie commune la société civile: Societas humana connectitur. Je dis plus, on se concilie même la miséricorde divine: Et divina clementia conciliatur (1). ».

<<< Il est raisonnable et de toute justice que, dans les choses divines, la foi passe avant la raison, pour ne point paroître demander compte à Dieu comme à un homme: Consentaneum igitur et justum est, ut in rebus divinis rationem præveniat fides, ne tanquàm ab homine ita a Deo rationem exigere videamur (2). »

(1) Montargon, Dietionn, apost., tom. II, pag. 668, 669. (2) Le même, ibid., pag. 668. Cité comme étant pris du commen taire apocryphe de saint Ambroise sur les Épîtres de saint Paul.

§ III.

CHOIX DE LETTRES DE S. AMBROISE*.

I. AMBRQISE, ÉVÊQUE, au glorieux et religiEUX
EMPEREUR VALENTINIEN (1).

Par la même raison que tout ce qu'il y a d'hommes Page 824. soumis à l'empire romain, reconnoissent votre puissance et obéissent à vos lois, vous, prince, soumis comme vous l'êtes à l'empire du Tout-Puissant, vous obéissez à ses saintes lois. Il y auroit peu à compter sur le salut, si vous n'employiez vos efforts pour que chacun de vos sujets reconnoisse et serve le vrai dieu, le dieu des chrétiens, qui seul régit l'univers. Point d'autre dieu que lui; lui seul est digne de tous les hommages: Les dieux des nations, nous disent nos livres Ps. xcv. 5. saints, ne sont que des démons. Pour le servir ce vrai Dieu, et le servir avec le zèle affectueux qu'il réclame, nul déguisement, point de transaction légitime; l'esprit de la religion et le dévouement légitime qu'il impose n'en admettent point. Toujours, du moins, ne permet-il aucune sorte de consentement donné au

* Tom. 11, part. II, pag. 752 et suiv., édit. bénédict.

(1) Symmaque, sénateur et préfet de Rome, avoit surpris du sénat un décret en forme de requête adressée aux empereurs, par laquelle on demandoit le rétablissement de l'autel de la Victoire, ainsi que des reve nus et droits honorifiques dont les vestales et les prêtres idolâtres avoient joui' sous les princes païens. La requête fut présentée à Valentinien, dans son conseil, avant que les évêques eussent pu en être seulement informés. Du moment où la chose transpira, saint Ambroise se hâta d'écrire à l'empereur.

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culte des fausses divinités, et à de profanes cérémonies. On ne sauroit tromper Dieu, dont l'œil perçant lit au fond des cœurs..

Obligé, comme vous l'êtes par votre profession d'empereur très-chrétien, de donner au vrai Dieu le témoi gnage de votre foi, par les marques publiques de votre déférence à sa loi, de votre empressement à en écarter tout ce qui lui est contraire, je m'étonne que quelques personnes aient pu concevoir l'espérance d'obtenir de votre autorité le rétablissement d'autels consacrés aux idoles, sous le prétexte que l'état devoit subvenir aux dépenses d'un culte profane; que vous étiez donc tenu de rendre ce qui avoit été depuis long-temps confisqué et adjugé au fisc: ce qui seroit, de votre part, moins une restitution qu'une offrande volontaire.

Ils se plaignent de ce qu'ils ont perdu, ces mêmes. hommes qui jamais n'ont épargné le sang des chrétiens,, et n'ont pas respecté même les édifices consacrés à leur religion! Ils demandent des priviléges, eux qui, sous Julien, nous refusèrent jusqu'au droit imprescriptible de parler et d'enseigner : il leur faut de ces priviléges, dont plus d'une fois les chrétiens ont été dupes ; qu'ils surent bien se faire donner par leurs artificieuses manœuvres, grâces à l'imprudence des princes, ou à la nécessité des circonstances. Et, parce que tous ceux qui gouvernent ne savent pas également faire respecter leur autorité; on a vu des princes chrétiens tomber ici dans de graves méprises.

On ne les auroit pas dépouillés de ces priviléges, il faudroit le faire aujourd'hui. Mais puisque, depuis plusieurs règnes, et dans toute l'étendue de l'empire,

il n'en est plus maintenant question; que particulièrement à Rome, votre auguste frère Gratien, de glorieuse mémoire, les a abolis par un principe de religion des plus respectables, pouvez-vous abroger par de nouvelles ordonnances ce qui a été si sagement établi, et vous mettre en opposition avec votre frère ? On regarde comme sacré ce qu'il a réglé pour les affaires civiles; et ce qui l'a été pour la religion, on n'en tient nul compte!

On cherche, prince, à se prévaloir de votre jeunesse. Si c'est un païen qui a formé un semblable vou, permettrez-vous que ses artifices vous engagent dans sa superstition? L'ardeur même qu'il témoigneroit en faveur de sa fausse religion, est pour vous une leçon qui vous apprendroit avec quel zèle vous devez maintenir la vôtre. On vous dira qu'il faut déférer aux opinions de personnages distingués par le rang qu'ils occupent : je serai le premier à en dire autant; mais Dieu avant tout. Qu'il s'agit de discipline militaire, on voudroit consulter les gens du métier: ici qu'il s'agit de religion, prenez conseil de Dieu. On ne fait tort à personne, en faisant passer le Tout-Puissant avant tout le reste. Il a, lui aussi, sa discipline. Vous ne contraignez personne à adorer ce qu'il ne veut pas ; vous avez droit assurément à la même liberté. Il faut bien que l'on consente à ne pas arracher à l'empereur, ce que l'on trouveroit mauvais que lui-même entreprît d'arracher de vive force. Les païens eux-mêmes n'aiment pas qu'on les violente dans les secrètes affections de leur conscience. Chacun doit être libre de croire comme bon lui semble. Mais je suppose que, parmi ceux qui

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