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<«<ment, la remarquable évolution qui substitua à l'auto« rité collective de Γεκκλησία οι συναγωγή la direction des « πρεσβύτεροι οι ἐπίσκοποι (deux termes d'abord synonymes), «< et qui, parmi les пpesbútepo: ou iníszono, en mit un hors << de ligne pour être par excellence l'êmisoños ou inspecteur << des autres, commença de très bonne heure. Mais il n'est << pas croyable que, vers l'an 110 ou 115, ce mouvement fût aussi avancé que nous le voyons dans les épîtres ignatiennes.» (Renan, les Evangiles, préface, p. xvII.) La conclusion s'impose : puisque l'épiscopat n'existait pas au temps de S. Ignace, ces lettres, qui en sont le panégyrique, ne peuvent pas être de lui; elles ont été composées à l'époque, postérieure d'un demi-siècle, où l'épiscopat a été constitué, et mises sous son nom vénéré.

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Mais qu'est-ce qui prouve que l'épiscopat unitaire n'existait pas au temps de Trajan et d'Ignace? C'est là une idée à priori, une assertion gratuite. En calculant la durée probable de l'évolution de la hiérarchie, on s'est dit qu'il en devait être ainsi; mais on n'en sait rien d'une manière positive. Car les documents relatifs à l'épiscopat nous font défaut pour cette période, ou plutôt il n'y en a pas d'autres que les épîtres de S. Ignace. Nous devons régler nos conceptions historiques sur les documents, et non pas sacrifier les documents à des idées à priori, qui ne sont pas étayées sur des documents contraires. C'est une question de savoir si l'épiscopat existait ou n'existait pas au début du ire siècle. Rejeter les lettres ignatiennes parce qu'elles nous montrent l'épiscopat déjà constitué, c'est supposer prouvé ce qui est justement en cause. Jusqu'à découverte de documents opposés, nous devons donc admettre l'existence de l'épiscopat sur la foi des épîtres ignatiennes, et non pas repousser celles

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ci parce qu'elles contrarient une vue purement théorique. Tandis que les six lettres aux églises d'Asie sont un véritable dithyrambe à la gloire de l'épiscopat, l'épître aux Romains garde sur cette institution un silence presque complet : il n'y est pas une seule fois question de l'évêque de Rome, et, si S. Ignace ne s'y était pas une fois en passant désigné lui-même comme l'évêque de Syrie, elle ne contiendrait pas la moindre allusion à l'épiscopat. De ce contraste, Renan conclut à l'authenticité de l'épître aux Romains et à la supposition des six autres lettres qui, d'après lui, trahissent les préoccupations et la méthode d'un faussaire. « Le grand signe des «< écrits apocryphes, dit-il, c'est d'affecter une tendance; <«<le but que s'est proposé le faussaire en les composant s'y trahit toujours avec clarté. Ce caractère se remarque << au plus haut degré dans les épîtres attribués à S. Ignace, l'épître aux Romains toujours exceptée. L'au<< teur veut frapper un grand coup en faveur de la hiérar<< chie épiscopale; il veut accabler les hérétiques et les << schismatiques de son temps sous le poids d'une auto<< rité irréfragable. » (Les Evangiles, préface, p. xIx.)

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Il est certain que, au point de vue de l'épiscopat, le contraste entre l'épître aux Romains et les autres lettres est tout à fait frappant; nous sommes surpris, en particulier, de ne pas trouver dans la première une seule mention d'un évêque de Rome. Mais, dans l'épître de S. Clėment, écrite peu de temps avant la date présumée de la lettre aux Romains, comme dans le Pasteur d'Hermas, composé à Rome même quelques années après S. Ignace, nous constatons le même silence sur l'évêque de Rome, dont il n'est pas une seule fois question. C'est évidemment là un fait singulier au premier abord, mais dont l'expli

cation ne rentre pas dans le cadre du présent travail.

Il est également certain que, lorsqu'on passe de l'épître aux Romains aux autres épîtres, on éprouve quelque étonnement devant l'insistance, presque fatigante, avec laquelle Ignace prône la hiérarchie en général et l'épiscopat en particulier, et l'on ne peut se défendre, au premier moment, d'un mouvement de défiance.

Mais, s'il est relativement difficile d'expliquer le silence absolu d'Ignace sur l'évêque de Rome, il est facile de deviner pourquoi, dans sa lettre aux Romains, il s'abstient de ces exhortations à l'union et à la discipline, de ces panégyriques de la hiérarchie, qui forment le fond des autres épîtres.

Ces autres épîtres, en effet, sont adressées aux églises dans leur propre intérêt; c'est pour leur donner des conseils qu'Ignace leur écrit, et, dans ces temps troublés par l'hérésie et le schisme naissants, il ne connaît rien de plus pressant à leur recommander que l'union et l'obéissance de tous les fidèles à leurs chefs. C'est dans son propre intérêt, au contraire, qu'il écrit aux Romains et non pour leur donner des conseils. La seule exhortation qu'il leur adresse, et qui est le but unique de sa lettre, c'est de ne pas lui ravir, par leur charité intempestive, la palme du martyre.

Quant à l'insistance, très réelle, qu'Ignace met dans ses six autres épîtres à recommander la hiérarchie et l'épiscopat, elle s'explique très simplement par deux causes : 1o C'était l'époque où le schisme et l'hérésie commençaient à travailler l'Église; on était à l'aurore de cet orageux II° siècle, le plus fertile de tous en hérésies : Ignace sentait venir l'orage, et il ne voyait de salut que dans l'obéissance à la hiérarchie. C'était chez lui une

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idée fixe, qui l'obsédait. De là ses appels enflammés à l'union, ses exhortations réitérées à tous les fidèles de se serrer autour de leurs pasteurs. Quel est l'homme, profondément convaincu, et comme possédé par une idée, qui ne la répète sans cesse ? N'est-ce pas là l'histoire très naturelle de la delenda Carthago de Caton?

2o L'insistance et les répétitions faisaient d'ailleurs partie de sa manière d'écrire, de son tempérament littéraire. Dans son épître aux Romains, nous l'avons déjà dit, il n'y a guère qu'une idée : empêcher les Romains de lui ravir la couronne du martyre. Mais combien de fois n'exprime-t-il pas cette même idée sous des formes différentes! Est-il étonnant que, dans les autres épîtres, il revienne sans cesse sur la recommandation, capitale à ses yeux, de l'union à l'épiscopat?

Il n'y a donc rien, ni dans les doctrines d'Ignace sur l'épiscopat, ni dans l'extraordinaire insistance qu'il met à l'exalter, qui puisse infirmer le moins du monde l'authenticité de ses lettres. Ce plaidoyer en faveur de l'épiscopat, comme le fait remarquer Mgr Duchesne (Les Origines chrétiennes, leçons lithogr., p. 76), se comprend même beaucoup mieux au début du 11° siècle, au temps de saint Ignace, que cinquante ans plus tard, alors que l'épiscopat est établi partout sans conteste, et n'a plus besoin d'avocat.

3o Les hérésies.

Les deux principales erreurs combattues dans les lettres d'Ignace sont le Judeo-christianisme et le Docẻtisme.

Ce sont surtout les Magnésiens et les Philadelphiens qu'il met en garde contre les Judaïsants; quant au docé

tisme, il y fait de continuelles allusions dans toutes ses lettres, mais c'est dans celles qu'il adresse aux Éphésiens, aux Tralliens et aux Smyrniotes qu'il le prend plus particulièrement à partie. Il semble bien d'ailleurs que, dans l'esprit d'Ignace et sans doute aussi dans la réalité, ces deux erreurs ne fussent que les deux faces d'une seule et même hérésie, le Judeo-gnosticisme, et que ce fût la même catégorie de personnes qu'il visât dans les deux cas.

Le Judéo-christianisme, c'est-à-dire l'erreur qui consiste à mêler les rites et les pratiques du judaïsme avec la foi chrétienne, est contemporain des apôtres : ce fut la grande préoccupation de saint Paul. De la mention qu'en fait Ignace, impossible donc de tirer la moindre objection. contre l'ancienneté de ses lettres. C'est au contraire une preuve d'antiquité, puisque l'erreur des judaïsants fut la première des hérésies chrétiennes, qu'elle semble avoir eu son apogée du vivant même des apôtres, et que, à partir de l'an 70, elle alla toujours en diminuant, à mesure que le temps élargissait le fossé entre le judaïsme et le christianisme.

Le docétisme (de dozziv, sembler, paraître), est cette étrange doctrine d'après laquelle l'humanité de JésusChrist n'a été qu'une simple apparence, non une réalité. D'après le docétisme le plus radical, celui précisément qui est combattu dans les lettres ignatiennes comme d'ailleurs dans les épîtres johanniques, le corps de JésusChrist n'a été qu'un fantôme sans aucune réalité objective; par conséquent Jésus-Christ n'est pas réellement né, jamais il n'a réellement mangé ou bu, il n'a point réellement souffert, et n'a pu mourir bref, sa carrière terrestre et sa passion n'ont été qu'une pure fantasmagorie.

Or ce docétisme absolu semble avoir atteint son apo

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