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camarade qui revenait au pays pour se marier. Ce n'était point vengeance ni jalousie, comme vous êtes en train de le croire. C'était simplement et vilainement pour voler au camarade une petite somme que celui-ci destinait à monter son ménage.

Le coup fait, Simon eut bien le courage de dépouiller la victime et de lui voler encore ses habits: pièces à conviction dont il prenait soin de se munir ! Ces scélérats, si fins à combiner le crime, savent toujours mettre la justice sur la voie. Les pécheurs ne se montrent guère plus avisés.

Le meurtrier rentra en Suisse, d'où il venait. Pendant six mois il vécut de diverses industries misérables, tourmenté de ses remords, plein de terreurs le jour et la nuit; persécuté en même temps du désir fou de revenir aux lieux où il avait versé le sang. Il y revint. On l'arrêta sur l'endroit.

On fit paraître la fiancée du mort; elle reconnut les habits de celui qu'elle pleurait : elle les avait raccommodés de ses mains. A ce détail le coupable se rendit. Les juges dirent : « Qu'il soit pendu! »

Voilà l'inconvénient de n'être pas né Français. De l'autre côté de la frontière, les avocats et les jurés auraient bien trouvé quelque circonstance atténuante. Un avocat d'ici me l'attestait. « Mais, ajoutait-il, nous n'avons que

des juges! Ah! monsieur, soyez fier de votre jury. Ainsi fais-je.

Le condamné, cependant, ne murmurait ni contre son pays ni contre ses juges. Écoutez bien, s'il vous plaît. Ce méchant homme se mit à songer à la justice de Dieu. Il prit ses dispositions pour expier son crime et pour mourir noblement.

Lorsqu'on vint lui lire sa sentence il se mit à genoux, et il écouta dans cette posture, acquiesçant par une inclination de tête à chaque chef d'accusation. A la fin il dit d'une voix calme : « La justice des hommes a raison. >>

Averti la veille de l'exécution, il passa la nuit en prières. Le jour venu, il sollicita une grâce: c'était d'aller au supplice en pantalon blanc. Il avait autrefois révé qu'étant près de tomber dans un abîne un homme vêtu de blanc l'avait retenu.

On vint le lier. Le bourreau tremblait. Simon prit la corde, la baisa, se la passa autour du corps. Il baisa ensuite la main du bourreau. Sur la route il fit le chemin de la croix, paisible, regardant la terre.

Au pied de la potence il acheva ses prières. Ayant la corde au cou, il demanda la permission de parler. Il dit qu'ordinairement c'est par la faute des parents et de l'éducation que les hommes sont préparés au crime;

Que, pour lui, il ne pouvait point accuser son père et sa mère; que ses parents avaient au contraire rempli tous leurs devoirs, lui enseignant à craindre Dieu, mais qu'il s'était perdu dans les mauvaises compagnies.

Il exhorta les assistants à se souvenir de la leçon, les pères pour élever leurs enfants dans l'honneur, les jeunes gens pour se conserver chrétiens. « Et à présent, s'écria-t-il, que Dieu reçoive mon âme contrite et humiliée ! »

Voilà ce qui reste d'une enfance chrétienne, et ce que la religion peut retrouver dans un misérable condamné au dernier supplice. Au pied de l'échafaud il se relève. Qui pourrait lui garder un sentiment de mépris?

La bonne vieille comtesse de Larivière, qui passait sa vie dans les prisons au service des condamnés à mort, pleurait quand l'un d'eux obtenait sa grâce. « Le malheureux! disait-elle, il était si bien disposé! et voilà qu'il ira mourir au bagne, en bourgeois. »

V

LA MORT BOURGEOISE.

La longue expérience de la comtesse de Larivière lui

laissait des doutes sur la mort bourgeoise. Elle en souhaitait une autre a ses amis. « Ces bourgeois, disaitelle, sont trop contents d'eux-mêmes. Comme ils n'ont tué ou blessé que des âmes, comme ils n'ont, en général, que peu volé,

<< Ils demandent ce qu'ils ont donc fait qui les oblige à solliciter le pardon. Si on leur dit qu'ils sont tout de même des coquins, ils se fàchent; si on leur dit qu'ils vont mourir, ils ne le croient pas. Leur bon médecin va les tirer d'affaire, parole d'honneur! leurs bons parents craignent les restitutions et attestent qu'ils vont trèsbien; leurs bons amis admirent comme ils ont l'air gaillard.

<< Parlez-moi d'un franc scélérat dans son cachot, avec sa conscience bien chargée et son arrêt bien en règle. On lui dit qu'il n'a pas moins mérité l'enfer que la

corde, il l'avoue; on lui dit qu'il va mourir, il le sait; on lui dit que Dieu est clément, il le croit. Il se repent, il pleure, il espère; il fait une mort charmante.

« J'en ai vu, poursuivait la bonne femme, qui pouvaient espérer leur grâce et qui ne la voulaient point solliciter, de peur de perdre l'innocence reconquise, de perdre les lumières dont la bonté divine les éclairait. Oh! qu'ils avaient bien raison! Oh! que je les exhortais ferme à désirer la mort! Oh! que je voudrais partir comme ceux-là sont partis!

<< Ecoutez une petite pratique dont je me suis toujours bien trouvée. Quand vous entreprendrez la conversion de ces pauvres créatures, dites cinq Pater et cinq Ave pour obtenir l'assistance du bon larron. Voilà un grand saint, et le vrai patron des gens de sac et de corde, authentiques ou secrets.

« J'ai souvent médité sur le bon larron. Nous ne le connaissons pas assez. Voyez l'enseignement et la clémence de Notre-Seigneur. Le premier homme canonisé, le premier qui entre dans le ciel et qui s'assied à la droite du Père, c'est un chenapan. Faites semblant, après cela, d'ignorer pourquoi Jésus-Christ est venu!

<< Mais j'avoue que ce larron n'est pas de ceux qui peuvent passer pour avoir volé leur paradis. Il nous donne un beau modèle de foi et d'humilité. Pour l'humilité, il s'accuse, il se reconnaît coupable et justement puni, ce

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