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mais en agissant qu'on apprend à aimer. Pour ces hommes pleins de questions, supérieurs en toute science, mais inférieurs dans l'amour du Christ, j'estime qu'ils ne sauraient comprendre le contenu de ce livre; à moins que laissant de côté la vaine ostentation du savoir, ils ne s'appliquent, dans un très profond renoncement, dans la prière et la méditation, à faire jaillir en eux l'étincelle divine qui, échauffant leur cœur et dissipant toute obscurité, les guidera par delà les choses du temps jusqu'au trône de la paix. Car par cela même pourtant qu'ils savent plus, ils sont plus aptes, ou ils le seraient, à aimer, s'ils se méprisaient véritablement eux-mêmes et avaient joie d'être méprisés par autrui 1. »

Si longues que soient déjà ces pages, nous ne résistons pas au désir de citer les dernières paroles qu'on nous ait conservées de Bonaventure. De même que l'Ange de l'Ecole allait bientôt, à FosseNeuve, terminer ses œuvres et sa vie par l'explication du divin Cantique, le Séraphin son émule et son frère exhalait avec ces mots de l'épithalame sacré la dernière note de ses chants : « Le roi Salomon s'est fait un trône en bois du Liban; les colonnes en sont d'argent, le siège en est d'or, les degrés tout de pourpre 2. Le siège d'or, ajoutait notre saint, est la sagesse contemplative: elle n'appartient qu'à quiconque possède aussi les colonnes d'argent, à savoir les vertus affermissant l'âme; les degrés de pourpre sont la charité par où l'on monte vers les hauteurs et l'on descend dans les vallées 3. >>

Conclusion digne de Bonaventure; fin d'un

1. Incend. amoris, Prologus. 2. Cant. III, 9-10. Illuminationes Ecclesiæ in Hexaemeron, sermo xxIII.

ouvrage sublime et pourtant inachevé, que déjà il n'avait pu rédiger lui-même ! « Hélas! hélas ! hélas! s'écrie plein de larmes le pieux disciple à qui nous devons ce dernier trésor, une dignité plus haute, et bientôt le départ de cette vie de notre seigneur et Maître ont arrêté la continuation de cette œuvre. » Et nous révélant d'une façon touchante les précautions prises par les fils pour ne rien laisser perdre des conférences que faisait le père : « Ce que je donne ici, déclare-t-il, est ce que j'ai pu d'une plume rapide dérober. tandis qu'il parlait. Deux autres avec moi pendant ce temps recueillaient des notes, mais leurs cahiers sont restés difficilement lisibles pour autrui; au lieu que quelques-uns des auditeurs ont pu relire mon exemplaire, et que le Maître luimême et beaucoup d'autres en ont fait usage, ce dont m'est due reconnaissance. Et maintenant, après bien des jours, la permission et le temps m'en étant accordés, j'ai revu ces notes, ayant toujours dans l'oreille et devant les yeux la voix et les gestes du Maître; je les ai mises en ordre, sans rien ajouter toutefois qu'il n'eût dit, sauf l'indication de quelques autorités '. >>

La dignité rappelée par le fidèle secrétaire est celle de cardinal évêque d'Albano, que Grégoire X, élu pour succéder à Clément IV après trois ans qu'avait duré le veuvage de l'Eglise, imposa en vertu de l'obéissance à notre Saint dont le crédit près du sacré Collège avait obtenu cette élection. Chargé de préparer les travaux du concile indiqué à Lyon pour le printemps de l'année 1274, il eut la joie d'assister à la réunion des deux Églises latine et grecque que plus que

1. Illuminationes Ecclesiæ in Hexaemeron, Additiones.

personne il avait procurée. Mais Dieu voulut lui épargner l'amertume de constater combien peu devait durer un rapprochement qui eût été le salut de cet Orient qu'il aimait, et où le nom de Bonaventure, transformé en celui d'Eutychius, gardait encore son ascendant, deux siècles plus tard, au temps du concile de Florence. Le 15 juillet de cette année 1274, en plein concile et sous la présidence du Pontife suprême, eurent lieu les plus solennelles funérailles que la terre eût jamais contemplées : J'ai grande douleur à ton sujet, mon frère Jonathas, s'écriait, devant l'Occident et l'Orient rassemblés dans une commune lamentation, le cardinal Pierre de Tarentaise, de l'Ordre de saint Dominique. Le séraphin avait rejeté son manteau de chair, et déployant ses ailes, après cinquante - trois ans donnés au monde, il rejoignait Thomas d'Aquin qui venait à peine de le précéder dans les cieux.

La brièveté insolite des deux seules Leçons propres consacrées à Bonaventure, est un peu compensée par leur élégante concision qui dit beaucoup en peu de mots.

ONAVENTURA, Balneo

B regii in Etruria natus,

ONAVENTURE naquit à Bagnorea en Toscane. Dans cum infans incidisset in son enfance étant tombé en vitæ periculum, mater danger de la vie, sa mère fit ejus vovit, si inde evasis- vou, s'il en échappait, de set, se eum Religioni bea- le consacrer à l'Ordre de ti Francisci dicaturam. saint François. En suite de Itaque adolescens in Or- quoi, devenu jeune homme, dinem Fratrum Mino-il fut sur sa demande admis rum adscribi voluit: ubi parmi les Frères Mineurs;

1. II Reg. 1, 26.

là, sous Alexandre de Ha- | Alexandro de Ales malès, il acquit bientôt une si gistro, ad eam doctrinæ parfaite science qu'au bout perfectionem brevi perde sept ans il interprétait venit, ut septimo post publiquement à Paris, aux anno libros Sententiaapplaudissements de tous, rum Parisiis publice sumles livres des Sentences qu'il ma cum laude sit interillustra par la suite d'admi-pretatus: quos etiam rables commentaires. Six præclaris postea comans après, élu à Rome Mi-mentariis illustravit. nistre Général de son Or- Post sex annos sui Ordidre, il remplit cette charge nis generalis Minister avec une telle renommée de Romæ factus, ea prudenprudence et de sainteté, tiæ ac sanctitatis laude qu'il devint l'objet de la ministerium gessit, ut in louange et de l'admiration omnium ore et admirauniverselles. tione esset.

IL
L écrivit beaucoup d'ou-
vrages, dans lesquels
unissant à la plus haute
science une égale ardeur de
piété, il émeut le lecteur en
l'instruisant. Touché de son
renom de sainteté et de sa-
gesse, Grégoire X le créa
cardinal évêque d'Albano.
Il fut appelé saint de son
vivant par le bienheureux
Thomas d'Aquin. Car celui-
ci l'ayant un jour trouvé
occupé à écrire la vie de
saint François : « Laissons,
dit-il, un saint travailler
pour un saint. » Il cessa de
vivre la veille des ides de
juillet, au concile de Lyon,
âgé de cinquante-trois ans.
Ses miracles furent nom-
breux. Le Souverain Pon-

Μ'

ULTA Scripsit, in quibus summam eruditionem cum pari pietatis ardore conjungens, lectorem docendo movet. Quem Gregorius Decimus, ejus sanctimoniæ et sapientiæ fama commotus, Cardinalem et Episcopum Albanensem creavit. Eumdem adhuc viventem beatus Thomas Aquinas sanctum appellavit. Cum enim vitam sancti Francisci scribentem comperisset : Sinamus, inquit, sanctum pro sancto laborare. Migravit e vita pridie idus julii, in Concilio Lugdunensi, quinquaginta tres annos na

tife Sixte IV l'a mis au nom-tus, multis editis mi

bre des Saints.

raculis. Quem Sixtus Quartus Pontifex Maximus retulit in Sanctorum

numerum.

ous êtes entré dans la joie de votre Seigneur ',

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ô Bonaventure; quelles ne doivent pas être maintenant vos délices puisque, selon la règle que vous avez rappelée, « autant quelqu'un aime Dieu ici-bas, autant là-haut il se réjouit en lui 2!» Si le grand saint Anselme, auquel vous empruntiez cette parole, ajoutait que l'amour se mesure à la connaissance 3, ô vous qui fûtes l'un des princes de la science sacrée en même temps que le Docteur de l'amour, montrez-nous qu'en effet toute lumière, dans l'ordre de grâce et dans celui de nature, n'a pour but que d'amener à aimer. En toute chose se cache Dieu ; et toutes les sciences ont son Christ pour centre ; et le fruit de chacune est d'édifier la foi, d'honorer Dieu, de régler les mœurs, de conduire à l'union divine par la charité sans laquelle toute notion reste vaine 6. Car, disiez-vous toutes ces sciences ont leurs règles certaines et infaillibles, qui descendent comme autant de rayons de la loi éternelle en notre âme ; et notre âme, entourée, pénétrée de tant de splendeurs, est par elle-même amenée, si elle n'est aveugle, à contempler cette lumière éternelle. Irradiation merveilleuse des montagnes de la patrie jusqu'aux plus lointaines vallées de l'exil! noblesse véritable du monde aux yeux de François votre séraphique père, et qui lui faisait appeler du nom de frères et de sœurs, comme vous le racontez, les moindres

7

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1. MATTH. XXV, 21. — 2. BONAV. De perfectione vitæ, ad Sorores, vIII. — 3. ANSELM. Proslogion, xxvI. - 4 BONAV. De reductione artium ad theologiam. 5. Illuminationes Eccl. 1.6. De reduct. artium ad theolog. — 7. Itinerarium mentis in Deum, III. 8. Psalm. LXXV, 5.

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