Obrazy na stronie
PDF
ePub

qu'ilz estoyent charnelz. Ce que iamais n'ont osé dire les Celestins et Pelagiens, qui iadis tenoyent une mesme heresie que luy. Et quand les motz de Iesus Christ seront poisez, l'impudence de ce phantastique sera plus que notoire. Car il ne dit pas: Priez ainsi pour le present, mais: Vous prierez ainsi comme leur baillant une reigle perpetuelle. Brief, quiconque n'aura que faire de la remission de ses pechez, qu'il ne soit point disciple de Iesus Christ, et qu'il ne soit point membre de l'Eglise. Car tous Chrestiens [page 222] apres avoir en leur creance confessé l'Eglise catholique, adioustent qu'ilz croyent la remission des pechez, suyvant ce qui a esté dit par les Prophetes, que l'iniquité seroit pardonnée à tous les habitans de la vraye Hierusalem et spirituelle.

Mais ie vous pric, mes freres, de consyderer combien ce malheureux est effronté. Car en voulant soudre ce passage de sainct Iean: Si nous disons que nous n'avons point de peché, nous nous seduisons, et faisons Dieu menteur 1) (1 Iean 1, 7. 8. 10), il respond que cela est dit pour les charnelz. Or, une ligne au paravant, sainct Iean avoit dit: Si nous cheminons en lumiere, nous avons conionction ensemble. Que feroit on à une telle beste furieuse? Mais il replique que sainct Iean dit puis apres (5, 18): Que celui qui est nay de Dieu ne peche plus. Ie le confesse, mais c'est selon la mesure de sa regeneration; tellement que le peché ne regne plus en luy. Or, tous les enfans de Dieu savent bien, par experience, que ceste regeneration ne s'accomplist pas du premier iour: mais, au contraire, ilz y travaillent et ahannent, 2) disans avec sainct Paul: Nous n'y sommes point encore parvenuz (Phil. 3, 12). Quant à ce phantastique, il luy est bien aisé d'en caquetter comme à un clerc d'armes ), car il n'a iamais [page 223] gousté que c'est. Ie dy done que celuy qui est nay de Dieu ne peche point, d'autant qu'il n'est point adonné à peché, mais que son affection principale tend à servir à Dieu; suyvant ce que dit sainct Paul: Que le peché ne regne point en vostre corps mortel (Rom. 6, 12). Il seroit bien à desirer qu'il n'y habitast plus du tout: mais pour autant qu'il ne se peut faire en ce monde, il commande que la domination luy soit ostée, pour nous assubiettir à la iustice de Dieu. Pareillement, ce phantastique abuse de ce qui est dit au huitiesme des Romains (v. 1), assavoir, qu'il n'y a plus de damnation sur ceux qui sont en Iesus Christ, qui vivent selon l'Esprit, et non pas selon la chair.

1) Au lieu de: et faisons Dieu menteur, le traducteur met: et veritas in nobis non est, d'après le texte. De même plus bas, il ajoute: sicut ipse in luce est.

2) magnis laboribus contendunt.

3) quam scholasticis de bello, quod nunquam experti sunt.

En quoy on voit qu'il se moque de l'Escriture saincte, comme un meschant Epicurien. ') Car il s'ensuit tantost apres (v. 10), en sainct Paul, que le corps est mort à cause de peché. Et, parce qu'il dit qu'il n'y a plus de condamnation, il entend que leurs pechez ne leur sont plus imputez. Car malheur à celuy qui sera iugé selon sa iustice. Comme aussi sainct Iaques ne peut faire une menasse plus terrible que ceste là, d'estre iugé sans misericorde (Iaq. 2, 13). misericorde (Iaq. 2, 13). Ie confesse bien que, si nous sommes enfans de Dieu, le sainct Esprit doit avoir la conduite en nous, pour nous conformer à la volonté [page 224] de Dieu, en mortifiant toute rebellion de la chair; mais ce n'est pas à dire qu'il n'y demeure tousiours beaucoup d'infirmitez: en sorte que ceste sentence de sainct Augustin est touiours vraye: La iustice que les fideles ont en ce monde, consiste tousiours plus en la remission des pechez qu'en perfection de vertu.

Et à cela ne contrevient point ce qu'amene ce phrenetique: assavoir, que si iamais l'homme ne pouvoit estre delivré de peché, que sainct Paul n'exhorteroit pas si souvent les fideles à mortifier le vieil homme (Eph. 4, 22; Col. 3, 5), car il nous monstre le but auquel il convient tendre. Profitons donc et avançons nous tant qu'il sera possible, et ce sera beaucoup fait, quand nous en aurons approché à la fin de nostre vie. Autrement, ce seroit en vain que nostre vie seroit appellée course. Parquoy, mes freres, laissant les resveries de Satan, desquelles il s'efforce de vous aveugler par ce malheureux, tenez vous à la doctrine de l'Evangile, laquelle nous enseigne de profiter en penitence iusques à la mort.

Il a beau protester qu'il ne veut point donner licence de peché: car cela n'est que desguiser le nom par hypocrisie trop sotte: 2) d'autant que rien ne luy est peché, quand on [page 225] pense que Dieu fait tout. Telle est aussi la couverture qu'il prend de donner gloire à Dieu. Il est vray que c'est tout ce que nous devons cercher, que Dieu soit glorifié en tout et par tout. Mais quoy? Quand il enclost sa gloire en trois poinctz, c'est trop luy retrencher ses morceaux: ") car il dit que Dieu n'est blasphemé, sinon quand nous presumons de nostre sagesse, de nostre merite et de nostre franc arbitre. De là il s'ensuyvroit que le Pape ) ne blaspheme point quand il usurpe la iurisdiction sur les ames pour les condamner à sa poste. 5) Ce

[blocks in formation]

brouillon repliquera que cela est compris sous l'un des trois poinctz qu'il nomme. Mais est il plus sage que le sainct Esprit, pour changer sa langue? Car sainct Paul, notamment, remonstre que l'homme mortel usurpe l'office de Dieu et derogue à sa maiesté, quand il se fait iuge de ses prochains. Qui es tu, dit-il, qui entreprens de iuger ton frere (Rom. 14, 4)? Ne nous faut il pas tous comparoistre devant le Throne de Christ? Et sainct Iaques pareillement: Si tu iuges, dit il, sur la Loy, tu n'es plus observateur de la Loy, mais Iuge. Or, il y a un Legislateur qui peut sauver et damner (Iaq. 4, 11. 12). Ie vous prie, cest orgueil là ne merite il point d'estre noté à part, quand l'homme, qui n'est [page 226] qu'un vers de terre, 1) monte sur le siege de Dieu pour exercer sur les ames la iudicature qu'il se reserve à luy seul? D'autre costé, quand ce brouillon a bien gazouillé pour faire semblant de vouloir glorifier Dieu, le tout revient là, que nous recognoissions tout estre bien fait, d'autant que c'est Dieu qui fait tout: et que souz ce manteau toute abomination soit couverte, et que toute ordure soit trouvée de bonne odeur. Brief, que Dieu soit le maquereau des paillardz, 2) le recelleur des larrons et meurtriers: qui sont blasphemes si espovantables, que toute creature en doit trembler. Mais encore ne se contente il pas de defendre sa cause, mais prend la defense de Quintin, comme estant son advocat. S'il estoit question de reciter ce que tous Chrestiens doyvent detester en Quintin, ie n'en parleroye pas seulement par ouyr dire, mais de ce que i'en ay cogneu moy-mesme. Toutesfois, ie m'en deporte, et toucheray seulement un mot de sa mort, pour vous monstrer quel beau martyr c'est. Que l'occasion de sa prise ne fust qu'il solicitoit à paillardise d'honnestes femmes, comme un vieil cheval hennist après les iumens, c'est impudence de le nier, car toute la ville de Tournay") en est tesmoing. Estant pris, il [page 227] ne tint pas à luy qu'il n'echappast, selon ceste belle philosophie qu'ilz tiennent, qu'il est licite de se contrefaire et se transformer pour decevoir ceux qu'ilz appellent charnelz. Ainsi, il renonça tout, allegant qu'il estoit bon catholique à la mode Papale. En la fin, estant conveincu, tant par tesmoings que par mon Livre, 4) dont la iustice, ainsi qu'elle est malheureuse par de là, se servit: il demanda, pour le moins, de n'estre point executé par torment

[blocks in formation]

cruel, s'offrant à dire tout ce qu'on voudroit, comme il s'en acquitta bien. Car, estant venu sur l'eschafaut, à l'instigation des Caphardz, 1) il exhorta deux fois le peuple de se bien garder de lire la saincte Escriture, qu'il n'y avoit rien pire, ne plus pernicieux pour les simples gens. Quelle iniure donc est ce que fait cest effronté menteur aux sainctz martyrs de Iesus Christ, de mettre Quintin de leur reng et compagnie, lequel toute la ville de Tournay sait avoir esté puny, non seulement comme un putier d'une paillardise insatiable, mais comme si horrible blasphemateur que ie l'ay deschiffré. 2) Et cela, ie ne le dy point par hayne de l'homme, mais pource qu'il nous faut discerner entre le blanc et le noir, et sur tout quand il y a dangier d'estre seduitz par telz suppostz [page 228] de Satan.

Au reste, i'ay veu que ce gaudisseur se mesle de nous blasonner, 3) en nous imposant que nous taschons d'attirer icy) les riches pour en faire nostre profit, et cependant que nous reiettons les povres. A quoy ie ne respons, sinon que ie n'ay point eu double langue, comme ont eu les Libertins, pour tenir divers propos selon les personnes. Mais l'ay donné indifferemment à tous une franche response, comme la reigle de Dieu est commune tant aux grans qu'aux petitz. Quant à l'intention, le fait peut verifier quelle a esté. 5) La venue de beaucoup de povres m'a cousté, 6) la demeure encore plus. Il n'y a nul qui m'ait vallu un denier pour m'augmenter. Et de fait, si nous pourchassions de nous enrichir par ce moyen, ce seroit grande follie. Car les riches ne se peuvent pas icy transporter, qu'avec grand perte et diminution de leurs biens. Mais il est bien certain que ceux qui les flattent en leurs idolatries, leur faisant accroire qu'ilz peuvent là demeurer, se conformans avec le monde, le font pour escumer une partie de leur gresse, et leur vendent aussi bien ceste dispense et absolution, que iamais le Pape fit les siennes. Ie ne poursuy point ce propos d'avantage, pource que [page 229] la calumnie est trop evidente, et aussi que ce nous est une grand gloire d'estre abbayez par ces chiens.

Pour faire fin, mes freres, ie vous prie et admonneste au nom de Dieu, qu'il vous souvienne bien de ce que dit sainct Iean, assavoir, d'esprouver les espritz de peur d'estre destournez de la

[blocks in formation]

simplicité de l'Evangile par vaines sophisteries de ces resveurs, qui changent la clarté de l'Evangile en tenebres si obscures, qu'il n'y a qu'abysme et confusion en tout leur dire. Sur quoy, ie prieray nostre bon Dieu de vous avoir en sa garde, vous gouverner par son Esprit en toute sagesse et pru

dence, vous fortifier en toute vertu, et vous dedier à toute saincteté, afin que sa gloire reluise en vous comme il appartient. De Geneve, ce 20 d'Aoust 1547.

Vostre humble frere, Iean Calvin.

ACTA SYNODI TRIDENTINAE

CUM ANTIDOTO

PER

IOANN. CALVINUM.

1547.

« PoprzedniaDalej »