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Que les reins, par despit, me servoient de gouttière ;
Et du haut des maisons tomboit un tel degout,
Que les chiens alterez pouvoient boire debout.
Alors, me remettant sur ma philosophie,
Je trouve qu'en ce monde il est sot qui se fie
Et se laisse conduire; et quant aux courtisans,
Qui, doucets et gentils, font tant les suffisans,
Je trouve, les mettant en mesme patenostre,
Que le plus sot d'entr'eux est aussi sot qu'un autre.
Mais pource qu'estant là je n'estois dans le grain,
Aussi que mon manteau la nuict craint le serain,
Voyant que mon logis estoit loin, et peut estre
Qu'il pourroit en chemin changer d'air et de maistre,
Pour éviter la pluye, à l'abry de l'auvent
J'allois doublant le pas comme un qui fend le vent,
Quand, bronchant lourdement en un mauvais pas-
Le ciel me fist jouer un autre personnage :
[sage
Car heurtant une porte, en pensant m'accoter,
Ainsi qu'elle obeyt, je vins à culbuter,

Et, s'ouvrant à mon heurt, je tombay sur le ventre.
On demande que c'est : je me relève, j'entre,
Et, voyant que le chien n'aboyoit point la nuict,
Que les verroux graissez ne faisoient aucun bruit,
Qu'on me rioit au nez, et qu'une chambrière
Vouloit monstrer ensemble et cacher la lumière :
Je suis, je le voy bien... Je parle. L'on respond, [fond,
Où, sans Fleurs de bien dire ou d'autre art plus pro-
Nous tombasmes d'accord. Le monde je contemple,
Et me trouve en un lieu de fort mauvais exemple.
Toutesfois il falloit, en ce plaisant malheur,
Mettre pour me sauver en danger mon honneur.

Puis donc que je suis là, et qu'il est près d'une heure,
N'esperant pour ce jour de fortune meilleure,
Je vous laisse en repos jusques à quelques jours,

Que, sans parler Phœbus, je feray le discours
De mon giste, où pensant reposer à mon aise,
Je tombé
par mal-heur de la poisle en la braise.

FIN.

SATYRE XI

Suite.

VOYEZ que c'est du monde et des choses humaines!

Tousjours à nouveaux maux naissent nouvelles peines,
Et ne m'ont les destins, à mon dam trop constans,
Jamais après la pluye envoyé le beau temps.
Estant né pour souffrir, ce qui me reconforte,
C'est que sans murmurer la douleur je suporte;
Et tire ce bon-heur du malheur où je suis,
Que je fais en riant bon visage aux ennuis;
Que, le Ciel affrontant, je nazarde la lune,

Et

voy sans me troubler l'une et l'autre fortune. Pour lors bien m'en vallut: car contre ces assauts, Qui font, lorsque j'y pense, encor que je tressauts, Pétrarque et son remède y perdant sa rondache, En eust de marisson ploré comme une vache.

Outre que de l'object la puissance s'esmeut, Moy qui n'ay pas le nez d'estre Jean qui ne peut, Il n'est mal dont le sens la nature resveille, Qui, ribaut, ne me prist ailleurs que par l'oreille. Entré doncq' que je fus en ce logis d'honneur, Pour faire que d'abord on me traitte en seigneur, Et me rendre en amour d'autant plus agreable, La bourse desliant, je mis pièce sur table, Et, guarissant leur mal du premier appareil, Je fis dans un escu reluire le soleil.

De nuict dessus leur front la joye estincelante Monstroit en son midy que l'âme estoit contente. Dès lors pour me servir chacun se tenoit prest, [c'est!>> Et murmuroient tout bas : « L'honneste homme que

Toutes à qui mieux mieux s'efforçoient de me plaire.
L'on ailume du feu, dont j'avois bien affaire.
Je m'aproche, me sieds, et m'aidant au besoin,
Ja tout apprivoisé je mangeois sur le poin,
Quand au flamber du feu, trois vieilles rechignées
Vinrent à pas contez comme des airignées ;
Chacune sur le cul au foyer s'accropit,

Et sembloient, se plaignant, marmoter par despit.
L'une, comme un fantosme, affreusement hardie,
Sembloit faire l'entrée en quelque tragedie,
L'autre, une Egyptienne, en qui les rides font
Contre-escarpes, rampards et fossez sur le front;
L'autre, qui de soy-mesme estoit diminutive,
Ressembloit, transparente, une lanterne vive
Dont quelque paticier amuse les enfans,
Où des oisons bridez, guenuches, elefans,
Chiens, chats, lièvres, renards, et mainte estrange
Courent l'une après l'autre : ainsi dedans sa teste
Voyoit-on clairement au travers de ses os
Ce dont sa fantasie animoit ses propos :

Le regret du passé, du present la misère,

La

[beste

peur de l'advenir, et tout ce qu'elle espère
Des biens que l'hypocondre en ses vapeurs promet,
Quand l'humeur ou le vin luy barbouillent l'armet.
L'une se plaint des reins, et l'autre d'un côtaire;
L'autre du mal de dents, et comme, en grand mys-
Avec trois brins de sauge, une figue d'antan, [tère,
Un va-t'en si tu peux; un si tu peux va-t'en,

Escrit en peau d'oignon, entouroit sa maschoire :
Et toutes, pour garir, se reforçoient de boire.

Or j'ignore en quel champ d'honneur et de vertu
Ou dessous quels drapeaux elles ont combatu;
Si c'estoit mal de sainct ou de fièvre-quartaine,
Mais je sçay bien qu'il n'est soldat ny capitaine,
Soit de gens de cheval ou soit de gens de pié,

Qui dans la Charité soit plus estropié.
Bien que maistre Denis, sçavant en la sculture,
Fist il avec son art quinaude la nature,

Ou comme Michel l'Ange eust il le diable au corps,
Si ne pourroit-il faire avec tous ses efforts
De ces trois corps tronquez une figure entière,
Manquant à cet effect, non l'art, mais la matière.
En tout elles n'avoient seulement que deux
yeux,
Encores bien fletris, rouges et chassieux;
Que la moitié d'un nez, que quatre dents en bouche,
Qui, durant qu'il fait vent, branlent sans qu'on les tou-
Pour le reste, il estoit comme il plaisoit à Dieu. [che.
En elles la santé n'avoit ny feu ny lieu,
Et chacune à par-soy representoit l'idole,
Des fièvres, de la peste et de l'orde verolle.

A ce piteux spectacle, il faut dire le vray,
J'eus une telle horreur que, tant que je vivray
Je croiray qu'il n'est rien au monde qui garisse
Un homme vicieux comme son propre vice.

Toute chose depuis me fut à contre-cœur ;
Bien que d'un cabinet sortist un petit cœur,
Avec son chapperon, sa mine de poupée,
Disant : « J'ay si grand peur de ces hommes d'espée,
Que si je n'eusse veu qu'estiez un financier,
Je me fusse plustost laissé crucifier

Que de mettre le nez où je n'ay rien affaire.
Jean, mon mary, Monsieur, il est apotiquaire.
Sur tout, vive l'amour, et bran pour les sergens !
Ardez, voire, c'est-mon je me congnois en gens.
Vous estes, je voy bien, grand abbateur de quilles,
Mais au reste honneste homme, et payez bien les filles.
Cognoissez-vous?... mais non, je n'ose le nommer.
Ma foy, c'est un brave homme, et bien digne d'aymer.
Il sent tousjours si bon! Mais quoy! vous l'iriez dire...>
Cependant, de despit, il semble qu'on me tire

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