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Pendant qu'en autre lieu, sans femmes et sans bruict,
Sous pretexte d'affaire elle passe la nuict.
Et cependant, aveugle en ma peine enflammée,.
Ayant sceu tout cecy, je l'ay tousjours aymée.
Pauvre sot que je suis! ne devoy-je à l'instant
Laisser là ceste ingrate et son cœur inconstant?
Encor' serait-ce peu, si d'amour emportée,
Je n'avois à son teint et sa mine affettée
Leu de sa passion les signes evidans,

Que l'amour imprimoit en ses yeux trop ardans.
Mais qu'est-il de besoin d'en dire davantage?
Iray-je rafraichir sa honte et mon dommage ?
A quoy de ses discours diray-je le deffaut :
Comme pour me piper elle parle un peu haut,
Et comme bassement, à secretes volées,
Elle ouvre de son cœur les flames recelées ;
Puis, sa voix rehaussant en quelques mots joyeux,
Elle pense charmer les jaloux curieux,

Fait un conte du Roy, de la Reine et du Louvre ;
Quand, malgré que j'en aye, Amour me le découvre,
Me dechifre aussi-tost son discours indiscret,
(Hélas! rien aux jaloux ne peut estre secret ! )
Me fait veoir de ses traits l'amoureux artifice,
Et qu'aux soupçons d'amour trop simple est sa malice?
Ces heurtemens de pieds en feignant de s'asseoir,
Faire sentir ses gands, ses cheveux, son mouchoir,
Ces rencontres de mains, et mille autres caresses
Qu'usent à leurs amans les plus douces maistresses,
Que je tais par honneur, craignant qu'avecq' le sien
En un discours plus grand j'engageasse le mien ?

Cherche doncq'quelque sot,au tourment insensible,
Qui souffre ce qu'il m'est de souffrir impossible;
Car pour moy j'en suis las (ingrate) et je ne puis
Durer plus longuement en la peine où je suis.
Ma bouche incessamment aux plaintes est ouverte.

Tout ce que j'aperçoy semble jurer ma perte ;
Mes yeux tousjours pleurans, de tourment éveillez,
Depuis d'un bon sommeil ne se sont veuz sillez.
Mon esprit agité fait guerre à mes pensées;
Sans avoir reposé vingt nuicts se sont passées;
Je vais comme un lutin deça, delà courant,
Et ainsi que mon corps mon esprit est errant.
Mais tandis qu'en parlant du feu qui me surmonte
Je despeins en mes vers ma douleur et ta honte,
Amour dedans le cœur m'assaut si vivement,
Qu'avecque tout desdain je perds tout jugement.
Vous autres, que j'emploie à l'espier sans cesse,
Au logis, en visite, au sermon, à la messe,
Cognoissant que je suis amoureux et jaloux,
Pour flatter ma douleur que ne me mentez-vous ?
Ha! pourquoy m'estes vous à mon dam si fidelles?
Le porteur est fascheux de fascheuses nouvelles.
Defferez à l'ardeur de mon mal furieux,

Feignez de n'en rien voir, et vous fermez les yeux.
Si dans quelque maison sans femme elle s'arreste,
S'on luy fait au Palais quelque signe de teste,
S'elle rit à quelqu'un, s'elle appelle un valet,
S'elle baille en cachette ou reçoit un poullet;
Si dans quelque recoin quelque vieille incogneue,
Marmotant un Pater, luy parle et la salue,
Déguisez-en le fait, parlez-m'en autrement :
Trompant ma jalousie et vostre jugement,
Dites moy qu'elle est chaste et qu'elle en a la gloire,
Car bien qu'il ne soit vray, si ne le puis-je croire.
De contraires efforts mon esprit agité,

Douteux, s'en court de l'une à l'autre extremité.
La
rage de la hayne et l'amour me transporte;
Mais j'ay grand peur enfin que l'amour soit plus forte.
Surmontons par mespris ce desir indiscret;

Au moins, s'il ne se peut, l'aymeray-je à regret.

Le bœuf n'ayme le joug que toutesfois il traine;
Et, meslant sagement mon amour à la hayne,
Donnons luy ce que peut ou que doit recevoir
Son merite égallé justement au devoir.

En Conseiller d'estat de discours je m'abuse. Un amour violent aux raisons ne s'amuse. Ne sçay-je que son œil, ingrat à mon tourment, Me donnant ce desir m'osta le jugement? Que mon esprit blessé nul bien ne se propose; Qu'aveugle et sans raison, je confonds toute chose, Comme un homme insensé qui s'emporte au parler, Et dessigne avec l'œil mille chasteaux en l'air?

C'en est fait pour jamais, la chance en est jettée. D'un feu si violent mon âme est agittée,

Qu'il faut, bon-gré, mal-gré, laisser faire au destin;
Heureux si par la mort j'en puis estre à la fin,
Et si je puis, mourant en ceste frenesie,
Voir mourir mon amour avecq' ma jalousie!

Mais, Dieu! que me sert-il en pleurs me consommer,
Si la rigueur du Ciel me contrainct de l'aymer?
Où le Ciel nous incline, à quoy sert la menace ?
Sa beauté me rappelle où son deffaut me chasse:
Aymant et desdaignant par contraires efforts
Les façons de l'esprit et les beautez du corps.
Ainsi je ne puis vivre avec elle, et sans elle.
Ha! Dieu! que fusses-tu ou plus chaste, ou moins belle,
Ou pusses-tu connoistre et voir par mon trespas
Qu'avecque ta beauté ton humeur ne sied pas!
Mais si ta passion est si forte et si vive
Que des plaisirs des sens ta raison soit captive,
Que ton esprit blessé ne soit maistre de soy,
Je n'entends en cela te prescrire une loy,
Te pardonnant par moy ceste fureur extresme,
Ainsi comme par toy je l'excuse en moy-mesme.
Car nous sommes tous deux, en nostre passion,

Plus dignes de pitié que de punition.
Encor, en ce malheur où tu te precipites,
Doibs-tu par quelque soin t'obliger tes merites,
Cognoistre ta beauté, et qu'il te faut avoir,
Avecques ton amour, esgard à ton devoir.
Mais sans discretion tu vas à guerre ouverte,
Et, par sa vanité triomphant de ta perte,
Il montre tes faveurs, tout haut il en discourt,
Et ta honte et sa gloire entretiennent la Court.
Cependant, me jurant tu m'en dis des injures.
O Dieux ! qui sans pitié punissez les parjures,
Pardonnez à ma dame, ou changeant vos effects,
Vengez plustost sur moy les pechez qu'elle a faicts.

S'il est vray sans faveur que tu l'escoutes plaindre,
D'où vient pour son respect que l'on te voit contrain-
Que tu permets aux siens lire en tes passions, [dre?
De veiller jour et nuict dessus tes actions;
Que tousjours d'un vallet ta carrosse est suivie,
Qui rend, comme espion, compte exact de ta vie :
Que tu laisse un chacun pour plaire à ses soupçons,
Et que, parlant de Dieu, tu nous faits des leçons,
Nouvelle Magdelaine au desert convertie,
Et jurant que ta flamme est du tout amortie,
Tu pretends finement par ceste mauvaitié
Luy donner plus d'amour, à moy plus d'amitié ;
Et me cuidant tromper, tu voudrois faire accroire
Avecque faux serments que la neige fust noire.
Mais comme tes propos ton art est descouvert,
Et chacun en riant en parle à cœur ouvert,
Dont je creve de rage, et voyant qu'on te blasme,
Trop sensible en ton mal, de regret je me pasme,
Je me ronge le cœur, je n'ay point de repos.
Et voudrois estre sourd, pour l'estre à ces propos.
Je me hay de te voir ainsi mesestimée.
T'aymant si dignement, j'ayme ta renommée ;

faire;

Et si je suis jaloux, je le suis seulement
De ton honneur, et non de ton contentement.
Fay tout ce que tu fais, et plus s'il se peut.
Mais choisi pour le moins ceux qui se peuvent taire..
Quel besoin peut-il estre, insensée en amour,,
Ce que tu fais la nuict, qu'on le chante le jour;

Ce

que fait un tout seul, tout un chacun le scache, Et monstres enamour ce que le monde cache ?

Mais puisque le Destin à toy m'a sceu lier,
Et qu'oubliant ton mal je ne puis t'oublier,
Par ces plaisirs d'amour tout confits en delices,
Par tes apas, jadis à mes vœuz si propices,
Par ces pleurs que mes yeux et les tiens ont versez,
Par mes souspirs, au vent sans profit dispersez,
Par les Dieux, qu'en pleurant tessermens appellèrent,
Par tes yeux, qui l'esprit par les miens me volerent,
Et leurs feux si clairs et si beaux à mon cœur,
par
Excuse, par pitié, ma jalouse rancœur;:

Pardonne, par mes pleurs, au feu qui me commande:
Si mon peché fut grand, ma repentance est grande ;
Et voy dans le regret dont je suis consommé,
Que j'eusse moins failly si j'eusse moins aymé

AUTRE

AYMANT comme j'aymois, que ne devois-je craindre? Pouvois-je estre asseuré qu'elle se deust contraindre, Et que, changeant d'humeur au vent qui l'emportoit,

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