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Ceux qui fe plaisent à étudier l'esprit humain doivent favoir que les ennemis de l'auteur, pour faire tomber la pièce, infinuèrent que les meilleurs morceaux étaient dangereux, et qu'il fallait les retrancher; ils eurent la malignité de faire regarder ces vers comme une allufion à la religion, qui rend le peuple plus docile. Il est évident que par ce paffage on ne peut entendre que les fciences des Chinois, méprifées alors des Tartares. On a repréfenté cette pièce en Italie, il y en a trois traductions, et les inquifiteurs ne fe font jamais avifés de retrancher cette tirade.

La même difficulté fut faite en France à la tragédie de Mahomet; on suscita contr'elle une perfécution violente; on fit défendre les représentations: ainfi le fanatifme voulait anéantir la peinture du fanatifme. Rome vengea l'auteur. Le pape Benoît XIV protégea la pièce; elle lui fut dédiée; des académiciens la représentèrent dans plufieurs villes d'Italie et à Rome même.

Il faut avouer qu'il n'y a point de pays au monde où les gens de lettres aient été plus maltraités qu'en France: on ne leur rend justice que bien tard.

La tragédie de Tancrède eft défigurée d'un bout à l'autre d'une manière encore plus barbare.

Dans les éditions de France, il n'y a prefque pas une fcène où il ne fe trouve des vers qui péchent également contre la langue, l'harmonie et les règles du théâtre. Le libraire de Paris. eft d'autant plus inexcufable, qu'il pouvait confulter notre édition à laquelle il devait fe conformer.

Les éditeurs de Paris ont porté la négligence jufqu'à répéter les mêmes vers dans plufieurs fcènes d'Adélaïde du Guefclin. Nous trouvons dans leur édition, à la fcène feptième du fe cond acte, ces vers qui n'ont pas de fens:

Gardez d'être réduit au hafard dangereux
Que les chefs de l'Etat ne trahiffent leurs vœux,

Il y a dans notre édition:

Tous les chefs de l'Etat, laffés de ces ravages, Cherchent un port tranquille après tant de naufrages, Gardez d'être réduit au hafard dangereux

De vous voir ou trahir, ou prévenir par eux.

Ces vers font dans les règles de la fyntaxe la plus exacte. Ceux qu'on a fubftitués dans l'édition de Paris font de vrais folécifmes, et n'ont aucun fens. Gardez d'être réduit au hasard que les chefs de l'Etat ne trabiffent leurs vœux. De quels vœux s'agit-il? Que veut dire Etre réduit au bafard qu'un autre ne trahiffe fes vœux? On s'imagine qu'il n'y a qu'à faire des vers qui

riment, que le public ne s'aperçoit pas s'ils font bons ou mauvais, et que la rapidité de la déclamation fait difparaître les défauts du ftyle; mais les connaiffeurs remarquent ces fautes, et ils font bleffés des barbarifmes innombrables qui défigurent prefque toutes nos tragédies. C'eft un devoir indifpenfable de parler purement fa langue.

Nous avons fouvent entendu dire à l'auteur, que la langue était trop négligée au théâtre, et que c'eft là que les règles du langage doivent être obfervées avec le plus de fcrupule; parce que les étrangers y viennent apprendre le français. If difait que ce qui avait nui le plus aux belles-lettres était le fuccès de plufieurs pièces, qui, à la faveur de quelques beautés, ont fait oublier qu'elles étaient écrites dans un style barbare. On fait que Boileau, en mourant, fe plaignait de cette horrible décadence. Les élo. ges prodigués à cette barbarie ont achevé de corrompre le goût.

A

Les comédiens croient que les lois de l'art d'écrire, l'élégance, l'harmonie, la pureté de la langue, font des chofes inutiles; ils coupent, ils retranchent, ils tranfpofent tout à leur plaifir, pour fe ménager des fituations qui les faffent

valoir. Ils fubftituent à des paffages néceffaires des vers ineptes et ridicules, ils en chargent leurs manufcrits; et c'eft fur ces manufcrits que des libraires ignorans impriment des chofes qu'ils n'entendent point.

L'extrême abondance des ouvrages dramatiques a dégradé l'art au lieu de le perfectionner; et les amateurs des lettres, accablés fous l'immenfité des volumes, n'ont pas eu même le temps de diftinguer fi ces ouvrages imprimés font corrects ou non.

Les nôtres du moins le feront: et nous pouvons affurer les étrangers qui attendent notre édition, qu'ils n'y trouveront rien qui offenfe une langue devenue leurs délices et l'objet conftant de leurs études.

DES EDITEURS

SUR

L'OEDIPE.

L'AUTEUR compofa cette pièce à l'âge de dix-neuf ans. Elle fut jouée en 1718, quarantecinq fois de fuite. Ce fut le fieur Dufresne, célèbre acteur, de l'âge de l'auteur, qui joua le rôle d'Oedipe. La demoiselle Defmares, trèsgrande actrice, joua celui de Jocafte, et quitta le théâtre quelque temps après. On a rétabli dans cette édition le rôle de Philoctete, tel qu'il fut joué à la première représentation.

La pièce fut imprimée pour la première fois en 1718. M. de la Motte approuva la tragédie d'Oedipe. On trouve dans fon approbation cette phrafe remarquable: Le public, à la représentation de cette pièce, s'eft promis un digne fucceffeur de Corneille et de Racine; et je crois qu'à la lecture il ne rabattra rien de fes pré

tentions.

L'abbé de Chaulieu fit une mauvaise épigramme contre cette approbation: il difait que l'on connaiffait la Motte pour un mauvais auteur, mais non pour un faux prophète. C'est

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