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Voulez-vous renverfer fes facrés fondemens?

Et contre votre ouvrage armez-vous mes enfans?
Ah! que Tibérinus, en fa lâche furie

Ait fervi nos tyrans, ait trahi sa patrie;

Le coup en eft affreux, le traître était mon fils.
Mais, Titus! un héros ! l'amour de son pays!
Qui dans ce même jour, heureux et plein de gloire
A vu par un triomphe honorer fa victoire !
Titus, qu'au capitole ont couronné mes mains!
L'espoir de ma vieilleffe, et celui des Romains!
Titus! Dieux!

SCENE V.

BRUTUS, VALERIU S, Suite, Licteurs.

VALERIUS.

Du Sénat la volonté fuprême

Eft que fur votre fils vous prononciez vous-même.

Moi?

Vous feul.

BRUTUS.

VALERIUS.

BRUTU S.

Et du refte en a-t-il ordonné?

VALERIUS.

Des conjurés, Seigneur, le refte est condamné;
Au moment où je parle, ils ont vécu peut-être.

BRUTUS.

Et du fort de mon fils le Sénat me rend maître?

VALERIU S.

Il croit à vos vertus devoir ce rare honneur.

BRUTUS.

O Patrie!

BRUTUS.

VALERIUS.

Au Sénat que dirai-je, Seigneur?

BRUT U S.

Que Brutus voit le prix de cette grâce infigne,

Qu'il ne la cherchait pas ... mais qu'il s'en rendra digne....
Mais mon fils s'eft rendu fans daigner résister ;
Il pourrait... pardonnez fi je cherche à douter;
C'était l'appui de Rome, et je fens que je l'aime,

VALERIUS.

Seigneur, Tullie ...

BRUTUS,

Hé bien..

VALERIU S.

Tullie au moment même,

N'a que trop confirmé ces foupçons odieux.

BRUTU S.

Comment, Seigneur?

VALERIU S.

A peine elle a revu ces lieux,

A peine elle aperçoit l'appareil des fupplices?.
Que fa main confommant ces triftes facrifices,
Elle tombe, elle expire, elle immole à nos lois
Ce refte infortuné de nos indignes rois.

Si l'on nous trahiffait, Seigneur, c'était pour elle.
Je refpecte en Brutus la douleur paternelle;
Mais tournant vers ces lieux fes yeux appefantis,
Tullie en expirant a nommé votre fils.

Juftes Dieux!

BRUT U S.

VALERIU S.

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C'est à vous à juger de fon crime,

Condamnez, épargnez, ou frappez la victime.
Rome doit approuver ce qu'aura fait Brutus.

Théâtre. Tome I.

E e

BRUT US.

Licteurs, que devant moi l'on amène Titus.

VALERIUS.

Plein de votre vertu, Seigneur, je me retire :
Mon efprit étonné vous plaint, et vous admire;
Et je vais au Sénat apprendre avec terreur
La grandeur de votre ame et de votre douleur,

SCENE VI.

BRUTUS, PROCULUS.

BRUTUS.

NON, plus j'y penfe encore, et moins je m'imagine,

Que mon fils des Romains ait tramé la ruine :
Pour fon père et pour Rome il avait trop d'amour;
On ne peut à ce point s'oublier en un jour.

Je ne le puis penfer, mon fils n'eft point coupable.
PROCUL U S.

Meffala qui forma ce complot déteftable,
Sous ee grand nom peut-être a voulu fe couvrir;
Peut-être on hait fa gloire, on cherche à la flétrir.

Plât au Ciel!

BRUTUS.

PROCULU S.

De vos fils c'eft le feul qui vous refte;

Qu'il foit coupable ou non de ce complot funefte,
Le Sénatindulgent vous remet fes deftins;

Ses jours font affurés, puifqu'ils font dans vos mains.
Vous faurez à l'Etat conferver ce grand homme ;

Vous êtes père enfin.

BRUTUS.

Je fuis Conful de Ronte

SCENE VII.

BRUTUS, PROCULUS, TITUS dans le fond du théâtre, avec des Licteurs.

PROCULUS.

LE Voici.

TITU S.

C'eft Brutus! ô douloureux momens

O terre, entr'ouvre toi fous mes pas chancelans!
Seigneur, fouffrez qu'un fils.

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BRUTU S.

Arrête, téméraire.

De deux fils que j'aimai les dieux m'avaient fait père; J'ai perdu l'un. Que dis-je ? ah! malheureux Titus! Parle ai-je encore un fils?

TITUS.

Non, vous n'en avez plus.

BRUTU S.

Réponds donc à ton Juge, opprobre de ma vie.
(il s'affied.)

Avais-tu réfolu d'opprimer ta patrie?
D'abandonner ton père au pouvoir absolu?
De trahir tes fermens?

TITUS.

Je n'ai rien réfolu.
Plein d'un mortel poifon dont l'horreur me dévore,
Je m'ignorais moi-même et je me cherche encore;
Mon cœur encor furpris de fon égarement,
Emporté loin de foi, fut coupable un moment ;
Ce moment m'a couvert d'une honte éternelle,
A mon pays que j'aime il m'a fait infidelle:

Mais ce moment paffé, mes remords infinis
Ont égalé mon crime, et vengé mon pays.
Prononcez mon arrêt. Rome, qui vous contemple,
A befoin de ma perte et veut un grand exemple.
Par mon jufte fupplice il faut épouvanter
Les Romains, s'il en eft qui puiffent m'imiter.
Ma mort fervira Rome autant qu'eût fait ma vie ;
Et ce fang en tout temps utile à fa patrie,
Dont je n'ai qu'aujourd'hui fouillé la pureté,
N'aura coulé jamais que pour la liberté.

BRUTU S.

Quoi! tant de perfidie avec tant de courage?
De crimes, de vertus, quel horrible affemblage!
Quoi! fous ces lauriers même, et parmi ces drapeaux,
Que ton fang à mes yeux rendait encor plus beaux,
Quel démon t'infpira cette horrible inconftance?

TITU S.

Toutes les paffions, la foif de la vengeance,
L'ambition, la haine, un inftant de fureur.

BRUTUS.

Achève, malheureux.

TITUS.

Une plus grande erreur,

Un feu qui de mes fens eft même encor le maître,
Qui fit tout mon forfait, qui l'augmente peut-être.
C'est trop vous offenfer par cet avcu honteux,
Inutile pour Rome, indigne de nous deux,
Mon malheur eft au comble, ainfi que ma furie ;
Terminez mes forfaits, mon défefpoir, ma vie,
Votre opprobre et le mien. Mais fi dans les combats
J'avais fuivi la trace où m'ont conduit vos pas,
Si je vous imitai, fi j'aimai ma patrie,

D'un remords affez grand fi ma faute est suivie,
(il fejette à genoux.)

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