Mais ajoutez au moins, que parmi tant de larmes, Malgré vous et Tullie, et ses pleurs, et ses charmes; Vainqueur encor de moi, libre, et toujours Romain, Je ne fuis point foumis par le fang de Tarquin; Que rien ne me furmonte, et que je jure encore Une guerre éternelle à ce fang que j'adore.
J'excufe la douleur où vos fens font plongés ; Je refpecte en partant vos triftes préjugés. Loin de vous accabler, avec vous je foupire: Elle en mourra, c'est tout ce que je peux vous dire. Adieu, Seigneur.
NON, je ne puis fouffris
Que des re mparts de Rome on la laiffe fortir: Je veux la retenir au péril de ma vie..
Je fuis loin de trahir ma patrie.
Rome l'emportera, je le fais; mais enfin Je ne puis féparer Tullie et mon deftin.
Je refpire, je vis, je périrai pour elle.
Prends pitié de mes maux, courons, et que ton zèle Soulève nos amis, raffemble nos foldats.
En dépit du Sénat, je retiendrai fes pas;
Je prétends que dans Rome elle refte en otage:
Dans quels foins votre amour vous engage! Et que prétendez-vous par ce coup dangereux, Que d'avouer fans fruit un amour malheureux ?
Hé bien, c'est au Sénat qu'il faut que je m'adresse. Va de ces rois de Rome adoucir la rudeffe ; Dis - leur que l'intérêt de l'Etat, de Brutus. Hélas! que je m'emporte en deffeins fuperflus.
Dans la jufte douleur où votre ame eft en proie, Il faut pour vous fervir. ...
Il faut que je lui parle. Elle paffe en ces lieux Elle entendra du moins mes éternels adieux.
L'ingrat me touche encore, et Brutus à mes yeux
Paraît un Dieu terrible armé contre nous deux.
J'aime, je crains, je pleure, et tout mon cœur s'égare.
Ah! dans ce jour affreux.
Je fais ce que je dois, et non ce que je veux ; Je n'ai plus de raifon, vous me l'avez ravie. Hé bien, guidez mes pas, gouvernez ma furie; Régnez donc en tyran fur mes sens éperdus ; Dictez, fi vous l'ofez, les crimes de Titus. Non, plutôt que je livre aux flammes, au carnage, Ces murs, ces citoyens qu'a fauvés mon courage, Qu'un père abandonné par un fils furieux, Sous le fer de Tarquin.
M'en préfervent les Dieux !
La nature te parle et fa voix m'eft trop chère,
Tu m'as trop bien appris à trembler pour un père; Raffure-toi; Brutus eft déformais le mien,
Tout mon fang eft à toi, qui te répond du fien; Notre amour, mon hymen, mes jours en font le gage; Je ferai dans tes mains, fa fille, fon otage. Peux-tu délibérer? Penfes-tu qu'en fecret Brutus te vitau trône avec tant de regret?
Il n'a point fur fon front placé le diadême;
Mais fous un autre nom n'eft-il pas foi lui-même ? Son règne eft d'une année, et bientôt ... mais hélas ! Que de faibles raifons, fi tu ne m'aimes pas !
Je ne dis plus qu'un mot. Je pars... et je t'adore.
Tu pleures, tu frémis, il en eft temps encore ; Achève, parle, ingrat! que te faut-il de plus?
Votre haine: elle manque au malheur de Titus.
Ah! c'eft trop effuyer tes indignės murmures, Tes vains engagemens, tes plaintes, tes injures; Je te rends ton amour dont le mien eft confus, Et tes trompeurs fermens, pires que tes refus. Je n'irai point chercher au fond de l'Italie Ces fatales grandeurs que je te facrifie ;
Et pleurer loin de Rome, entre les bras d'un roi, Cet amour malheureux que j'ai fenti pour toi. J'ai réglé mon deftin; Romain dont la rudeffe N'affecte de vertu que contre ta maîtresse, Héros pour m'accabler, timide à me servir; Incertain dans tes vœux, apprends à les remplir. Tu verras qu'une femme, à tes yeux méprisable, Dans fes projets au moins était inébranlable; Et par la fermeté dont ce cœur eft armé,
Titus, tu connaîtras comme il t'aurait aimé.
Au pied de ces murs même où régnaient mes ancêtres, De ces murs que ta main défend contre leurs maîtres, Ou tu m'ofes trahir, et m'outrager comme eux; Où ma foi fut féduite, où tu trompas mes feux, Je jure à tous les dieux qui vengent les parjures, Que mon bras, dans mon fang effaçant mes injures Plus jufte que le tien, mais moins irréfolu, Ingrat, va me punir de t'avoir mal connu ; Et je vais ....
Non, Madame, il faut vous fatisfaire. Je le veux, j'en frémis, et j'y cours pour vous plaire. D'autant plus malheureux, qué, dans ma passion,
Mon cœur n'a pour excufe aucune illufion; Que je ne goûte point dans mon défordre extrême, Le triste et vain plaifir de me tromper moi-même ; Que l'amour aux forfaits me force de voler; Que vous m'avez vaincu fans pouvoir m'aveugler; Et qu'encore indigné de l'ardeur qui m'anime, Je chéris la vertu, mais j'embraffe le crime. Haïffez-moi, fuyez, quittez un malheureux Qui meurt d'amour pour vous et détefte fes feux; Qui va s'unir à vous, fous ces affreux augures, Parmi les attentats, le meurtre et les parjures.
Vous infultez, Titus, à ma funefte ardeur; Vous fentez à quel point vous régnez dans mon cœur. Oui, je vis pour toi feul, oui, je te le confeffe ; Mais malgré ton amour, mais malgré ina faibleffe; Sois fûr que le trépas m'infpire moins d'effroi, Que la main d'un époux qui craindrait d'être à moi; Qui fe repentirait d'avoir fervi fon maître ; Que je fais Souverain; et qui rougit de l'être. Voici l'infant affreux qui va nous éloigner. Souviens-toi que je t'aime, et que tu peux régner. L'Ambaffadeur m'attend; confulte, délibère: Dans une heure avec moi tu reverras mon père. Je pars, et je reviens fous ces murs odieux, Pour y rentrer en Reine, ou périr à tes yeux.
Vous ne périrez point. Je vais. ...
En me fuivant plus loin, tu hafardes ta tête ; On peut te foupçonner: demeure, adieu, réfous D'être mon meurtrier, ou d'être mon époux.
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