Obrazy na stronie
PDF
ePub

CREON.

Je dois prendre auffi les miennes.

OEDIPE.

O Thèbes! Thèbes!

CREON.

Il m'eft permis de crier auffi: Thèbes! Thèbes.

Jocafte vient pendant ce beau difcours, et le Choeur la prie d'emmener le roi; propofition trèsfage: car, après toutes les folies qu'Oedipe vient de faire, on ne ferait pas mal de l'enfermer. JOCAST E.

J'emmènerai mon mari, quand j'aurai appris la caufe de ce défordre.

[blocks in formation]

Oedipe et Créon ont eu ensemble des paroles fur des rapports fort incertains. On fe pique Jouvent fur des foupçons très-injuftes.

JOCAST E.

Cela eft-il venu de l'un et de l'autre?

[blocks in formation]

Quelles paroles ont-ils donc eues?

LE CHOEUR.

C'eft affez, Madame; les princes n'ont pas pouffe la chofe plus loin, et cela fuffit.

Effectivement, comme fi cela fuffifait, Jocafte n'en demande pas davantage au Choeur.

C'eft dans cette fcène qu'Oedipe raconte à Jecafte, qu'un jour, à table, un homme ivre lui reprocha qu'il était un fils fuppofé J'allai, continue-t-il, trouver le roi et la reine; je les interrogeai fur ma naissance; ils furent tous deux très-fâchés du reproche qu'on m'avait fait. Quoique je les aimaffe avec beaucoup de tendresse, cette injure, qui était devenue publique, ne. laiffa pas de me demeurer fur le cœur et de me donner des Joupçons. Je partis donc, à leur infçu, pour aller à Delphes: Apollon ne daigna pas répondre précisément à ma demande; mais il me dit les chofes les plus affreuses et les plus épouvantables dont on ait jamais oui parler; que j'épouferais infailliblement ma propre mère; que je ferais voir aux hommes une race malheureuse qui les remplirait d'horreur; et que je ferais le meurtrier de mon père.

Voilà encore la pièce finie. On avait prédit à Jocafte que fon fils tremperait fes mains dans le fang de Laius, et porterait fes crimes jufqu'au lit de fa mère. Elle avait fait expofer ce fils fur le mont Cithéron, et lui avait fait percer les talons (comme elle l'avoue dans cette même fcène); Oedipe porte encore les cicatrices de cette bleffure; il fait qu'on lui a reproché qu'il n'était point fils de Polybe tout cela n'eft-il pas pour Oedipe et pour Jocaffe une démonftration de leurs malheurs? et n'y a-t-il pas un aveuglement ridicule à en douter?

Je fais que Jocafte ne dit point dans cette fcène qu'elle dût un jour époufer fon fils; mais cela

même eft une nouvelle faute. Car, lorfqu'Oedipe dit à Jocafte: On m'a prédit que je fouillerais le lit de ma mère, et que mon père ferait massacré par mes mains, Jocafte doit répondre fur le cha mp, on en avait prédit autant à mon fils; ou du moins elle doit faire fentir au fpectateur qu'elle eft convaincue dans ce moment de fon malheur.

Tant d'ignorance dans Oedipe et dans Jocafte n'eft qu'un artifice groffier du poëte, qui, pour donner à fa pièce une jufte étendue, fait filer jufqu'au cinquième acte une reconnaiffance déjà manifeftée au fecond, et qui viole les règles du fens commun, pour ne point manquer en apparence à celles du théâtre.

Cette même faute fubfifte dans tout le cours de la pièce.

Cet Oedipe qui expliquait les énigmes, n'en tend pas les chofes les plus claires. Lorfque le Pasteur de Corinthe lui apporte la nouvelle de la mort de Polybe, et qu'il lui apprend que Polybe n'était pas fon père, qu'il a été exposé par un Thébain fur le mont Cithéron, que fes pieds avaient été percés et liés avec des courroies; Oedipe ne foupçonne rien encore. Il n'a d'autre crainte que d'être né d'une famille obfcure; et le Chaur, toujours préfent dans le cours de la pièce, ne prête aucune attention à tout ce qui aurait dû inftruire Oedipe de fa naiffance. Le Chaur, qu'on donne pour une affemblée de gens éclairés, montre auffi peu de pénétration qu'Oedipe; et dans le temps que les Thébains devraient être faifis de

pitié et d'horreur à la vue des malheurs dont ils font témoins, ils s'écrient: Si je puis juger de l'avenir, et fije ne me trompe dans mes conjectures; Cithéron, le jour de demain ne se passera pas que vous ne nous faffiez connaître la patrie etla mère d'Oedipe; & que nous ne menions des danfes en votre bonneur, pour vous rendre grâees du plaifir que vous aurez fait à nos princes. Et vous, Prince, duquel des dieux êtes-vous donc fils? Quelle Nymphe vous a eu de Pan, dieu des montagnes? Etes-vous le fruit des amours d'Apollon? car Apollon fe plaît auffi fur les mon.. tagnes. Eft-ce Mercure, ou Bacchus qui fe tient auffi fur les fommets des montagnes? etc.

Enfin celui qui a autrefois expofé Oedipe, arrive fur la fcène. Oedipe l'interroge fur fa naiflance. Curiofité que M. Dacier condamne après Plutarque, et qui me paraitrait la feule chofe raifonnable qu'Oedipe eût faite dans toute la pièce, fi cette jufte envie de fe connaitre n'était pas accompagnée d'une ignorance ridicule de lui-même.

Oedipe fait donc enfin tout fon fort au quatrième acte. Voilà donc encore la pièce finie.

M. Dacier, qui a traduit l'Oedipe de Sophocle, prétend que le fpectateur attend avec beaucoup d'impatience le parti que prendra Jocafte, et la manière dont Oedipe accomplira fur lui-même les malédictions qu'il a prononcées contre le meurtrier de Laius. J'avais été féduit là-deffus par le refpect que j'ai pour ce favant homme, et j'étais de fon fentiment lorfque je lus fa traduction. La repréfentation de ma pièce m'a bien détrompé : et j'ai

[ocr errors]

reconnu qu'on peut fans péril louer tant qu'on veut les poëtes Grecs, mais qu'il eft dangereux de les imiter.

J'avais pris dans Sophocle une partie du récit de la mort de Jocafte et de la catastrophe d'Oedipe. J'ai fenti que l'attention du spectateur diminuait avec fon plaifir au récit de cette catastrophe; les efprits remplis de terreur au moment de la reconnaiffance, n'écoutaient plus qu'avec dégoût la fin de la pièce. Peut-être que la médiocrité des vers én était la caufe; peut-être que le fpectateur, qui cette catastrophe eft connue, regrettait de n'entendre rien de nouveau; peut-être auffi que la terreur ayant été pouffée à fon comble, il était impoffible que le refte ne parût languiffant. Quoi qu'il en foit, je me fuis cru obligé de retrancher ce récit qui n'était pas de plus de quarante vers; et dans Sophocle il tient tout le cinquième acte. Il y a grande apparence qu'on ne doit point paffer à un ancien deux ou trois cents vers inutiles, lorfqu'on n'en paffe pas quarante à un moderne.

M. Dacier avertit dans fes notes que la pièce de Sophocle n'eft point finie au quatrième acte. N'eft-ce pas avouer qu'elle eft finie, que d'être obligé de prouver qu'elle ne l'eft pas ? On ne fe trouve pas dans la néceffité de faire de pareilles notes fur les tragédies de Corneille et de Racine; il n'y a que les Horaces qui auraient befoin d'un tel commentaire: mais le cinquième acte des Horaces n'en paraîtrait pas moins défectueux.

Je ne puis m'empêcher de parler ici d'un endroit du cinquième acte de Sophocle, que Longin a admiré et que Boileau a traduit.

« PoprzedniaDalej »