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Le courroux qui l'aigrit, le poifon qui l'enflamme; Il brûle pour Tullie.

ARON S.

Il l'aimerait!

MESSA LA.

Seigneur,

A peine ai-je arraché ce fecret de fon cœur ;

Il en rougit lui-même et cette ame inflexible N'ofe avouer quelle aime, et craint d'être sensible. Parmi les paffions dont il eft agité,

Sa plus grande fureur eft pour la liberté:

ARON S.

C'est donc des fentimens et du cœur d'un feul homme, Qu'aujourd'hui, malgré moi, dépend le fort de Rome! ( à Albin. )

Ne nous rebutons pas. Préparez-vous, Albin,
A vous rendre fur l'heure aux tentes de Tarquin.
( à Meffala.)

Entrons chez la princeffe. Un peu d'expérience
M'a pu du cœur humain donner quelque fcience:
Je lirai dans fon ame, et peut-être fes mains
Vont former l'heureux piége où j'attends les Romains.

Fin du premier acte.

A aa

ACTE II

SCENE PREMIERE.

(Le théâtre représente, ou eft fuppofé représenter un apparte. ment, du palais des Confuls. )

TITUS, MESSA LA.

NON,

MESSA LA.

ON, c'est trop offenfer ma fenfible amitié. Qui peut de fon fecret me cacher la moitié,

En dit trop et trop peu, m'offenfe et me foupçonne.

TITU S.

Va, mon cœur à ta foi tout entier s'abandonne;
Ne me reproche rien.

MESSA LA.

Quoi! vous dont la douleur

Du Sénat avec moi détefta la rigueur,

Qui verkiez dans mon fein ce grand fecret de Rome,
Ces plaintes d'un héros, ces larmes d'un grand homme!
Comment avez-vous pu dévorer fi long-temps

Une douleur plus tendre, et des maux plus touchans?
De vos feux devant moi vous étouffiez la flamme.
Quoi donc l'ambition qui domine en votre ame,
Eteignait-elle en vous de fi chers fentimens?
Le Sénat a-t-il fait vos plus cruels tourmens?
Le haiffez-vous plus que vous n'aimez Tullie?

TITUS.

Ah! j'aime avec tranfport: je hais avec furie:
Je fuis extrême en tout, je l'avoue, et mon cœur
Voudrait en tout fe vaincre, et connaît fon erreur.

MESSA LA.

Et pourquoi, de vos mains déchirant vos bleffures, Déguiser votre amour, et non pas vos injures?

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TITU S.

Que veux-tu, Meffala? J'ai, malgré mon courroux
Prodigué tout mon fang pour ce Sénat jaloux.
Tu le fais, ton courage eut part à ma victoire.
Je fentais du plaifir à parler de ma gloire,
Mon cœur, énorgueilli des fuccès de mon bras,
Trouvait de la grandeur à venger des ingrats;
On confie aifémént des malheurs qu'on furmonte:
Mais qu'il eft accablant de parler de fa honte !

MESSA L A.

Quelle eft donc cette honte, et ce grand repentir? Et de quels fentimens auriez-vous à rougir?

TITUS.

Je rougis de moi-même, et d'un feu téméraire,
Inutile, imprudent, à mon devoir contraire.

MESSA LA.

Quoi donc l'ambition, l'amour et fes fureurs,
Sont-ce des paffions indignes des grands cœurs?

TITUS.

L'ambition, l'amour, le dépit, tout m'accable;

De ce confeil de rois l'orgueil infupportable
Méprife ma jeuneffe, et me refufe un rang
Brigué par ma valeur, et payé par mon fang.
Au milieu du dépit dout mon ame eft faifie,
Je perds tout ce que j'aime, on m'enlève Tullie.
On te l'enlève, hélas! trop aveugle courroux!
Tu n'ofais y prétendre, et ton cœur eft jaloux.
Je l'avoûrai, ce feu, que j'avais fu contraindre,
S'irrite en s'échappant, et ne peut plus s'éteindre.
Ami, c'en était fait; elle partait: mon cœur
De fa funefte flamme allait être vainqueur:
Je rentrais dans mes droits: je fortais d'efclavage.
Le ciel a-t-il marqué ce terme à mon courage?

Moi le fils de Brutus, moi l'ennemi des rois,
C'eft du fang de Tarquin que j'attendrais des lois?
Elle refufe encor de m'en donner, l'ingrate!
Et par-tout dédaigné, par-tout ma honte éclate.
Le dépit, la vengeance, et la bonte, et l'amour,
De mes fens foulevés difpofent tour à tour.

MESSA LA.

Puis-je ici vous parler, mais avec confiance?
TITUS.

Toujours de tes confeils j'ai chéri la prudence.
Hé bien, fais-moi rougir de mes égaremens..

MESSA LA.

J'approuve et votre amour et vos reffentimens.
Faudra-t-il donc toujours que Titus autorife
Ce Sénat de tyrans, dont l'orgueil nous maîtrife?
Non; s'il vous faut rougir, rougiffez en ce jour
De votre patience, et non de votre amour.
Quoi! pour prix de vos feux, et de tant de vaillance,
Citoyen fans pouvoir, amant fans espérance,

Je vous verrais languir victime de l'Etat,
Oublié de Tullie, et bravé du Sénat ?

Ah! peut-être, Seigneur, un cœur tel que le vôtre
Aurait pu gagner l'une, et fe venger de l'autre.

TITUS.

De quoi viens-tu flatter mon efprit éperdu?
Moi, j'aurais pu fléchir fa haine ou fa vertu?
N'en parlons plus: tu vois les fatales barrières
Qu'elèvent entre nous nos devoirs et nos pères:
Sa haine déformais égale mon amour.

Elle va donc partir?

MESSA LA.

Oui, Seigneur, dès ce jour.

TITUS.

Je n'en murmure point. Le ciel lui rend justice ;

Il la fit pour régner.

MESSA LA.

Ah! ce ciel plus propice

Lui deftinait peut-être un Empire plus doux ;
Et fans ce fier Sénat, fans la guerre, fans vous.
Pardonnez; vous favez quel eft fon héritage?
Son frère ne vit plus, Rome était fon partage.
Je m'emporte, Seigneur: mais fi pour vous fervir,
Si pour vous rendre heureux il ne faut que périr;
Si mon fang..

TITUS.

Non, ami, mon devoir eft le maître. Non, crois-moi, l'homme eft libre au moment qu'il veut l'être..

Je l'avoue, il eft vrai, ce dangereux poifon

A pour quelques momens égaré ma raison;

Mais le cœur d'un foldat fait dompter la molleffe;
Et l'amour n'eft puiffant que par notre faibleffe.

MESSA LA.

Vous voyez des Tofcans venir l'ambaffadeur;
Cet honneur qu'il vous rend.

TITUS.

Ah! quel funefte honneur!

Que me veut-il? C'eft lui qui m'enlève Tullie; C'est lui qui met le comble au malheur de ma vie..

SCENE I I.

T IT US, A

ARON S.

RON S

APRES avoir en vain, près de votre Sénat,

Tenté ce que j'ai pu pour fauver cet Etat,
Souffrez qu'à la vertu rendant un jufte hommage,
J'admire en liberté le généreux courage,
Ce bras qui venge Rome, et foutient fon pays
Au bord du précipice où le Sénat l'a mis.

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