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fur le théâtre d'Athènes; premièrement parce que leurs tragédies n'ayant roulé d'abord que fur des fujets terribles, l'efprit des fpectateurs était plié à ce genre de fpectacles; fecondement parce que les femmes menaient une vie beaucoup plus retirée que les nôtres; et qu'ainfi, le langage de l'amour n'étant pas comme aujourd'hui le fujet de toutes les conversations, les poëtes en étaient moins invités à traiter cette paffion, qui de toutes eft la plus difficile à représenter, par les ménagemens délicats qu'elle demande. Une troisième raifon qui me paraît affez forte, c'eft que l'on n'avait point de comédiennes. Les rôles des femmes étaient joués par des hommes mafqués; il femble que l'amour eût été ridicule dans leur bouche.

C'est tout le contraire à Londres et à Paris; et il faut avouer que les auteurs n'auraient guère entendu leurs intérêts, ni connu leur auditoire, s'ils n'avaient jamais fait parler les Oldfields, ou les Duclos et les Le Couvreurs, que d'ambition et de politique.

Le mal eft que l'amour n'eft fouvent chez nos héros de théâtre que de la galanterie, et que chez les vôtres il dégénère quelquefois en débauche. Dans notre Alcibiade, pièce très-fuivie mais faiblement écrite, et ainfi peu eftimée, on a admiré long-temps ces mauvais vers que récitait d'un ton féduifant l'Esopus (c) du dernier fiècle.

Ah! lorfque pénétré d'un amour véritable,
Et gémiffant aux pieds d'un objet adorable,
(c) Le comédien Baron.

J'ai connu dans fes yeux timides ou diftraits,
Que mes foins de fon cœur ont pu troubler la paix,
Que par l'aveu fecret d'une ardeur mutuelle,
La mienne a pris encore une force nouvelle:
Dans ces momens fi doux, j'ai cent fois éprouvé
Qu'un mortel peut goûter un bonheur achevé.

Dans votre Venife fauvée, le vieux Renaud veut violer la femme de Jaffier, et elle s'en plaint en termes affez indécens, jufqu'à dire qu'il eft venu à elle un'button'd, déboutonné.

Pour que l'amour foit digne du théâtre tragique, il faut qu'il foit le noeud néceffaire de la pièce, et non qu'il foit amené par force, pour remplir le vide de vos tragédies et des nôtres qui font toutes trop longues; il faut que ce foit une paffion véritablement tragique, regardée comme une faibleffe, et combattue par des remords. Il faut ou que l'amour conduife aux malheurs et aux crimes, pour faire voir combien il eft dangereux; ou que la vertu en triomphe, pour montrer qu'il n'eft pas invincible: fans cela ce n'eft plus qu'un amour d'églogue ou de comédie..

C'eft à vous, Mylord, à décider fi j'ai rempli quelques-unes de ces conditions; mais que vos amis daignent fur-tout ne point juger du génie et du goût de notre nation par ce discours, et par cette tragédie que je vous envoie Je fuis peut-être un de ceux qui cultivent les lettres en France avec moins de fuccès; et fi les fentimens que je foumets ici à votre cenfure, font défapprouvés, c'eft à moi feul qu'en appartient le blâme.

PERSONNAGES.

JUNIUS-BRUTUS,

VALERIUS-PUBLICOLA,

TITUS, fils de Brutus.

TULLIE, fille de Tarquin.

ALGINE, confidente de Tullie.
ARONS, ambaffadeur de Porfenna.

MESSALA, ami de Titus.

PROCULUS, tribun militaire.

ALBIN, confident d'Arons.

Sénateurs.

Licteurs.

La fcène eft à Rome.

confuls.

TRAGEDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

BRUTUS, LES

SENATEURS.

Le théatre représente une partie de la maison des Confuls, Sur le mont Farpeïen; le temple du Capitole Se voit dans le fond, Les Sénateurs font assemblés entre le temple et la maison, devant l'autel de Mars. Brutus et Valerius-Publicola, Confuls, préfident à cette affemblée: · les Sénateurs font rangés en demi-cercle. Des Licteurs avec leurs faisceaux font debout derrière les Sénateurs.

DESTRUCTE

BRUT U S.

ESTRUCTEURS des tyrans, vous qui n'avez pour rois Que les dieux de Numa, vos vertus et nos lois; Enfin notre ennemi commence à nous connaître. Ce fuperbe Tofcan qui ne parlait qu'en maître, Porfenna, de Tarquin ce formidable appui, Ce tyran, protecteur d'un tyran comme lui, Qui couvre de fon camp les rivages du Tibre, Refpecte le Sénat et craint un peuple libre. Aujourd'hui, devant vous abaiffant fa hauteur, 11 demande à traiter par un ambassadeur.. Arons qu'il nous députe, en ce moment s'avance; Aux Sénateurs de Rome il demande audience: Il attend dans ce temple, et c'eft à vous de votr S'il le faut refufer, s'il le faut recevoir.

B

VAER I US-PUBLICOL A.
Quoi qu'il vienne annoncer, quoi qu'on puiffe en attendre,
Il le faut à fon roi renvoyer fans l'entendre:
Tel eft mon fentiment. Rome ne traite plus
Avec fes ennemis, que quand ils font vaincus.
Votre fils, il eft vrai, vengeur de fa patrie,
A deux fois repouffé le tyran d'Etrurie;
Je fais tout ce qu'on doit à fes vaillantes mains;
Je fais qu'à votre exemple il fauva les Romains;
Mais ce n'eft point affez: Rome affiégée encore,
Voit dans les champs voifins ces tyrans qu'elle abhorre.
Que Tarquin fatisfaffe aux ordres du Sénat,
Exilé par nos lois, qu'il forte de l'Etat;

De fon coupable afpect qu'il purge nos frontières ;
Et nous pourrons enfuite écouter fes prières.
Ce nom d'ambaffadeur a paru vous frapper;
Tarquin n'a pu vous vaincre, il cherche à vous tromper.
L'ambaffadeur d'un roi m'eft toujours redoutable;
Ce n'eft qu'un'ennemi, fous un titre honorable;
Qui vient, rempli d'orgueil ou de dextérité,
Infulter ou trahir avec impunité.

Rome! n'écoute point leur féduifant langage,
Tout art t'eft étranger; combattre eft ton partage:
Confonds tes ennemis de ta gloire irrités;
Tombe, ou punis les rois; ce font-là tes traités.

BRUT U S.

Rome fait à quel point fa liberté m'est chère:
Mais, plein du même efprit, mon fentiment diffère.
Je vois cette ambaffade, au nom des fouverains,
Comme un premier hommage aux citoyens romains.
Accoutumons des rois la fierté defpotique

A traiter en égale avec la république;
Attendant que du ciel rempliffant les décrets,
Quelque jour avec elle ils traitent en fujets.

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