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Il ne fe connaît plus.

HERO DE.

Quoi! Mariamne eft morte?
Ah! funefte raifon, pourquoi m'éclaires-tu?

Jour trifte, jour affreux, pourquoi m'es-tu rendu?
Lieux teints de ce beau fang que l'on vient de répandre,
Murs que j'ai relevés, Palais, tombez en cendre:
Cachez fous les débris de vos fuperbes tours
La place où Mariamne a vu trancher fes jours.
Quoi! Mariamne eft morte, et j'en fuis l'homicide!
Puniffez, déchirez en monftre parricide,

Armez-vous contre moi, Sujets qui la perdez,
Tonnez, écrafez-moi, Cieux qui la poffédez.

Fin du cinquième et dernier acte.

1

BRUTUS,

TRAGEDIE.

Représentée, pour la première fois, le 11 décembre 1730.

AVERTISSEMENT.

CETTE tragédie fut jouée pour la première fois en 1730. C'eft de toutes les pièces de l'auteur celle qui eut en France le moins de fuccès aux repréfentations; elle ne fut jouée que feize fois, et c'eft elle qui a été traduite en plus de langues, et que les nations étrangères aiment le mieux. Elle eft ici fort différente des premières éditions.

LA

ST

SUR

TRAGEDIE.

A

MYLORD BOLINGBROKE.

je dédie à un Anglais un ouvrage repréfenté à Paris, ce n'eft pas, Mylord, qu'il n'y ait aussi dans ma patrie des juges très-éclairés, et d'excellens efprits auxquels j'euffe pu rendre cet hommage; mais vous favez que la tragédie de Brutus eft née en Angleterre. Vous vous fouvenez que lorfque j'étais retiré à Wandsworth, chez mon ami M. Fakener, ce digne et vertueux citoyen, je m'occupai chez lui à écrire en profe anglaife le premier acte de cette pièce, à peu près tel qu'il eft aujourd'hui en vers français. Je vous en parlais quelquefois, et nous nous étonnions qu'aucun Anglais n'eût traité ce fujet qui, de tous, eft peut-être le plus convenable à votre théâtre. (a) Vous m'encouragiez à continuer un ouvrage fufceptible de fi grands fentimens. Souffrez donc que je vous préfente Brutus, quoiqu'écrit dans une autre langue, docte fermones utriufque lingua, à vous qui me donneriez des leçons de français auffi - bien que d'Anglais, à vous qui m'apprendriez du moins à rendre à ma langue cette force et cette énergie qu'inspire la noble liberté de penfer; car les fentimens vigoureux de

(a) Il y a un Brutus d'un auteur hommé Lée; mais c'eft un ouvrage ignoré, qu'on ne représente jamais à Londres.

l'ame paffent toujours dans le langage; et qui pense fortement, parle de même.

Je vous avoue, Mylord, qu'à mon retour d'Angleterre, où j'avais paffé près de deux années dans une étude continuelle de votre langue, je me trouvai embarraffé, lorfque je voulus composer une tragédie françaife. Je m'étais prefque accoutumé à penfer en anglais : je fentais que les termes de ma langue ne venaient plus fe préfenter à mon imagination avec la même abondance qu'auparavant; c'était comme un ruiffeau dont la fource avait été détournée: il me fallut du temps et de la peine pour le faire couler dans fon premier lit. Je compris bien alors que pour réuffir dans un art, il le faut cultiver toute fa vie.

Ce qui m'effraya le plus en rentrant dans cette carrière, ce fut la févérité de notre poéfie, et l'esclavage de la rime. Je regrettais cette heureuse liberté que vous avez d'écrire vos tragédies en vers non rimés ; d'alonger et fur-tout d'accourcir prefque tous vos mots; de faire enjamber les vers les uns fur les autres; et de créer dans le befoin des termes nouveaux qui font toujours adoptés chez vous, lorfqu'ils font fonores, intelligibles et néceffaires. Un poëte anglais, difais - je, eft un homme libre qui affervit fa langue à fon génie; le Français est un efclave de la rime, obligé de faire quelquefois quatre vers, pour exprimer une penfée qu'un Anglais peut rendre en une feule ligne. L'Anglais dit tout ce qu'il veut, le Français ne dit que ce qu'il peut; l'un court dans une carrière vaste, et l'autre marche avec des entraves dans un chemin gliffant et étroit.

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