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SCENE 1 I I.

SOHEME, AM MO N.

SOHEM E.

Ou tendait ce difcours ? que veut-elle ? et pourquoi

Penfe-t-elle en mon cœur pénétrer mieux que moi ?
Qui? moi, que je foupire! et que, pour Mariamne,
Mon auftère amitié ne foit qu'un feu profane!
Aux faibleffes d'amour, moi, j'irai me livrer,
Lorfque de tant d'attraits je cours me féparer.

AMMO N.

Salome eft outragée, il faut tout craindre d'elle,
La jalousie éclaire, et l'amour fe décèle.

SOHEM E.

Non, d'un coupable amour je n'ai point les erreurs : La fecte dont je fuis forme en nous d'autres mœurs. Ces durs Efféniens, ftoiques de Judée,

Ont eu de la morale une plus noble idée.

Nos maîtres, les Romains, vainqueurs des nations.,
Commandent à la terre, et nous aux paffions.
Je n'ai point, grâce au ciel, à rougir de moi-même,
Le fang unit de près Mariamne et Sohême;

Je la voyais gémir fous un affreux pouvoir
J'ai voulu la fervir, j'ai rempli mon devoir.

AM MO N.

Je connais votre cœur et jufte et magnanime,
Il se plaît à venger la vertu qu'on opprime;
Puiffiez-vous écouter, dans cette affreufe cour,
Votre noble pitié plutôt que votre amour!

SOHEM E.:

Ah! faut-il donc l'aimer pour prendre fa défense ?, Qui n'aurait comme moi chéri fon innocence?

Quel cœur indifférent n'irait à fon fecours?

Et qui pour la fauver n'eût prodigué ses jours ?
Ami, mon cœur eft pur, et tu connais mon zèle ;
Je n'habitais ces lieux que pour veiller fur elle.
Quand Hérode partit incertain de fon fort,

Quand il chercha dans Rome ou le fceptre ou la mort;
Plein de fa paffion forcenée et jalouse,

Il tremblait qu'après lui fa malheureufe épouse,
Du trône defcendue, efclave des Romains,
Ne fût abandonnée à de moins dignes mains.
Il voulut qu'une tombe, à tous deux préparée,
Enfermât avce lui cette époufe adorée.
Phérore fut chargé du ministère affreux
D'immoler cet objet de fes horribles feux.
Phérore m'inftruifit de ces ordres coupables:
J'ai veillé fur des jours fi chers, fi déplorables:
Toujours armé, toujours prompt à la protéger,
Et fur-tout à fes yeux dérobant fon danger.
J'ai voulu la fervir fans lui caufer d'alarmes,
Ses malheurs me touchaient encor plus que fes charmes.
L'amour ne règne point fur mon cœur agité;

Il ne m'a point vaincu, c'est moi qui l'ai dompté :
Et plein du noble feu que fa vertu m'inspire,
J'ai voulu la venger, et non pas la féduire.
Enfin l'heureux Hérode a fléchi les Romains;
Le fceptre de Judée eft remis en fes mains;
Il revient triomphant fur ce fanglant théâtre ;
Il revole à l'objet dont il eft idolâtre,

Qu'il opprima fouvent, qu'il adora toujours;
Leurs défaftres communs ont terminé leur cours.
Un nouveau jour va luire à cette cour affreuse :
Je n'ai plus qu'à partir, Mariamne eft heureuse,

Je ne la verrai plus :

-

mais à d'autres attraits

Mon cœur, mon trifte cœur eft fermé pour jamais.

Tout hymen à mes yeux eft horrible et funefte;
Qui connaît Mariamne, abhorre tout le refte.
La retraite a pour moi des charines affez grands;
J'y vivrai vertueux, loin des yeux des tyrans :
Préférant mon partage au plus beau diadême,
Maître de ma fortune et maître de moi-même.

SCENE

IV.

SOHEME, ELISE, AM MON.

ELISE.

La mère de la reine, en proie à fes douleurs, Vous conjure, Sohême, au nom de tant de pleurs, De vous rendre près d'elle, et d'y calmer la crainte Dont pour fa fille encore elle a reçu l'atteinte.

SOHEM E.

Quelle horreur jetez-vous dans mon cœur étonné?

ELISE.

Elle a fu l'ordre affreux qu'Hérode avait donné.
Par les foins de Salome elle en eft informée.

SOHEM E.

Ainfi cette ennemie, au trouble accoutumée,
Par des troubles nouveaux penfe encor maintenir
Le pouvoir emprunté qu'elle veut retenir.
Quelle odieufe cour, et combien d'artifices!
On ne marche en ces lieux que fur des précipices.
Hélas! Alexandra, par des coups inouis,
Vit périr autrefois fon époux et fon fils;
Mariamne lui refte, elle tremble pour elle;
La crainte eft bien permise à l'amour maternelle.
Elife, je vous fuis, je marche fur vos pas.

Grand Dieu, qui prenez foin de ces triftes climats, De Mariamne encore écartez cet orage;

Confervez, protégez votre plus digne ouvrage!
Fin du premier acte.

ACT E I I.

SCENE

PREMIERE.

SALOME, MAZA EL.

MAZA E L.

Ce nouveau coup porté, ce terrible mystère

Dont vous faites inftruire et la fille et la mère,
Ce fecret révélé, cet ordre fi cruel

Eft déformais le fceau d'un divorce éternel.
Le roi ne croira point que pour votre ennemie,
Sa confiance en vous foit en effet trahie;
Il n'aura plus que vous dans fes perplexités
Pour adoucir les traits par vous-même portés.
Vous feule aurez fait naître et le calme et l'orage;
Divifez pour régner; c'eft-là votre partage.

SALOM E.

Que fert la politique où manque le pouvoir ?
Tous mes foins m'ont trahi, tout fait mon défespoir!
Le roi m'écrit: il veut, par fa lettre fatale,
Que fa fœur fe rabaiffe aux pieds de fa rivale.
J'efpérais de Sohême un noble ẹt fûr appui,
Hérode était le mien; tout me manque aujourd'huis,
Je vois crouler fur moi le fatal édifice

Que mes mains élevaient avec tant d'artifice.
Je vois qu'il eft des temps où tout l'effort humain
Tombe fous la fortune et fe débat en vain,
Où la prudence échoue, où l'art nuit à foi-même,
Et je fens ce pouvoir invincible et fuprême,
Qui fe joue à fon gré, dans nos climats voifins
De leurs fables mouvans comme de nos deftins.

MAZA EL.

Obéiffez au roi, cédez à la tempête;

Sous fes coups paffagers il faut courber la tête.
Le temps peut tout changer.

SALOM E.

Trop vains foulagemens!

Malheureux qui n'attend fon bonheur que du temps !
Sur l'avenir trompear tu veux que je m'appuie,
Et tu vois cependant les affronts que j'effuie!
MA ZA EL.

Sohême part au moins; votre jufte courroux
Ne craint plus Mariamne, et n'en eft plus jaloux.'

SALOM E.

Sa conduite, il eft vrai, paraît inconcevable;
Mais m'en trahit-il moins? en eft-il moins coupable?
Suis-je moins outragée? ai-je moins d'ennemis,
Et d'envieux fecrets, et de lâches amis?

Il faut que je combatte et ma chute prochaine,
Et cet affront fecret, et la publique haine.
Déjà, de Mariamne adorant la faveur,
Le peuple à ma difgrâce infulte avec fureur.
Je verrai tout plier fous fa grandeur nouvelle,
Et mes faibles honneurs éclipfés devant elle.
Mais c'eft peu que fa gloire irrite mon dépit;
Ma mort va fignaler ma chute et fon crédit.
Je ne me flatte point: je fais comme en fa place,
De tous mes ennemis je confondrais l'audace:
Ce n'est qu'en me perdant qu'elle pourra régner;
Et fon jufte courroux ne doit point m'épargner.
Cependant, ô contrainte! 6 comble d'infamie!
Il faut donc qu'à fes yeux ma fierté s'humilie!
Je viens avec refpect effuyer fes hauteurs,
Et la féliciter fur mes propres malheurs.

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