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Se nourrit par la haine et croît par le mépris.
Vous avez vu cent fois ce monarque inflexible
Dépofer à fes pieds fa majefté terrible,

Et chercher dans fes yeux irrités ou diftraits
Quelques regards plus doux qu'il ne trouvait jamais.
Vous l'avez vu frémir, foupirer et fe plaindre;
La flatter, l'irriter, la menacer, la craindre;
Cruel dans fon amour, foumis dans fes fureurs ;
Efclave en fon palais, héros par-tout ailleurs.
Que dis-je! en puniffant une ingrate famille,
Fumant du fang du père, il adorait la fille :
Le fer encor fanglant, et que vous excitiez,
Etait levé sur elle et tombait à ses pieds.
MAZA E L.

Mais fongez que dans Rome, éloigné de sa vüe,
Sa chaîne de fi loin femble s'être rompue.

SALOM E.

Croyez-moi, fon retour en refferre les nœuds,
Et les trompeurs appas font toujours dangereux,

MA ZA EL.

Oui, mais cette ame altière à foi-même inhumaine,
Toujours de fon époux a recherché la haine:
Elle l'irritera par de nouveaux dédains,

Et vous rendra les traits qui tombent de vos mains.
La paix n'habite point entre deux caractères
Que le ciel a formés l'un à l'autre contraires.
Hérode en tous les temps fombre, chagrin, jaloux,
Contre fon amour même aura befoin de vous.

SALOM E.

Mariamne l'emporte, et je fuis confondue.

MAZA E L.

Au trône d'Afcalon vous êtes attendues
Une retraite illuftre, une nouvelle cour,
Un hymen préparé par les mains de l'amour
Théâtre. Tom. I.

R

Vous mettront aifément à l'abri des tempêtes
Qui pourraient dans Solime éclater fur nos têtes.
Sohême eft d'Afcalon paifible fouverain,
Reconnu, protégé par le peuple romain;
Indépendant d'Hérode, et cher à fa province;
Il fait penfer en fage et gouverner en prince:
Je n'aperçois pour vous que des deftins meilleurs;
Vous gouvernez Hérode, ou vous régnez ailleurs.

SALO M E.

Ah! connais mon malheur et mon ignominie:
Mariamne en tout temps empoisonne ma vie;
Elle m'enlève tout, rang, dignités, crédit,
Et pour elle en un mot, Sohême me trahit.

MAZA E L.

Lui! qui pour cet hymen attendait votre frère!
Lui, dont l'efprit rigide et la fageffe auftère
Parut tant mépriser ces folles paffions
De nos vains courtifans vaines illufions !
Au roi fon allié ferait-il cette offenfe?

SALOM E.

Croyez qu'avec la reine il eft d'intelligence.

MAZA EL.

Le fang et l'amitié les uniffent tous deux;
Mais je n'ai jamais vu. . . .

SALOM E.

Vous n'avez pas mes yeux!

Sur mon malheur nouveau je fuis trop éclairée :
De ce trompeur hymen la pompe différée,
Les froideurs de Sohême et fes difcours glacés,
M'ont expliqué ma honte et m'ont inftruite affez.

MAZA E L.

Vous penfez en effet qu'une femme févère,

Qui pleure encor ici fon aïeul et son frère,

Et dont l'efprit hautain, qu'aigriffent fes malheurs,

Se nourrit d'amertume et vit dans les douleurs,
Recherche imprudemment le funefte avantage
D'enlever un amant qui fous vos lois s'engage!
L'amour eft-il connu de fon fuperbe cœur?

SALOM E.

Elle l'infpire au moins, et c'eft-là mon malheur.

MAZA EL.

Ne vous trompez-vous point? Cette ame impérieuse,
Par excès de fierté femble être vertueufe:
A vivre fans reproche elle a mis fon orgueil.

SALOM E.

Cet orgueil fi vanté trouve enfin son écueil.
Que m'importe, après tout, que fon ame hardie,
De mon parjure amant flatte la perfidie ;
Ou qu'exerçant fur lui fon dédaigneux pouvoir,
Elle ait fait mes tourmens fans même le vouloir ?
Qu'elle chériffe ou non le bien qu'elle m'enlève;
Je le perds, il fuffit; fa fierté s'en élève ;

Ma honte fait fa gloire; elle a dans mes douleurs,
Le plaifir infultant de jouir de mes pleurs.
Enfin c'est trop languir dans cette indigne gêné;
Je veux voir à quel point on mérite ma haine.
Sohême vient: allez, món fort va s'éclaircir.

SCENE II.

SALOME, SO HE ME, AM MO N.

APPROCHEZ

SALOM E.

PPROCHEZ; votre cœur n'eft point né pour trahia Et le mien n'eft pas fait pour fouffrir qu'on l'abuse. Le roi revient enfin: vous n'avez plus d'excufe. Ne confultez ici que vos feuls intérêts, Et ne me cachez plus vos fentimens secrets.

Parlez je ne crains point l'aveu d'une inconftance,
Dont je mépriserais la vaine et faible offense.

Je ne fais point defcendre à des transports jaloux,
Ni rougir d'un affront dont la honte eft pour vous.

SOHEME.

Il faut donc m'expliquer, il faut donc vous apprendre
Ce que votre fierté ne craindra point d'entendre.
J'ai beaucoup, je l'avoue, à me plaindre du roi,
Il a voulu, Madame, étendre jusqu'à moi
Le pouvoir que Céfar lui laiffe en Palestine;
En m'accordant fa fœur il cherchait ma ruine:
Au rang de fes vaffaux il ofait me compter.
J'ai foutenu mes droits, il n'a pu l'emporter.
J'ai trouvé comme lui des amis près d'Augufte:
Je ne crains point Hérode, et l'empereur eft jufte.
Mais je ne puis fouffrir (je le dis hautement)
L'alliance d'un roi dont je fuis mécontent.
D'ailleurs vous connaiffez cette cour orageufe;
Sa famille avec lui fut toujours malheureuse;
De tout ce qui l'approche il craint des trahifons:
Son cœur de toutes parts eft ouvert aux foupçons.
Au frère de la reine il en coûta la vie;

De plus d'un attentat cette mort fut fuivie.
Mariamne a vécu, dans ce trifte féjour,
Entre la barbarie et les tranfports d'amour;
Tantôt fous le couteau, tantôt idolâtrée,
Toujours baignant de pleurs une couche abhorrée;
Craignant et fon époux, et de vils délateurs
De leur malheureux roi lâches adulateurs.

SALOM E.

Vous parlez beaucoup d'elle!

SOHEM E.

Ignorez-vous, Princeffe

Que fon fang eft le mien, que fon fort m'intéreffe ?

Je ne l'ignore pas.

SALOM E.

SOHEM E.

Apprenez encor plus:

J'ai craint long-temps pour elle, et je ne tremble plus.
Hérode chérira le fang qui la fit naître,

Ill'a promis, du moins, à l'empereur fon maître.
Pour moi, loin d'une cour, objet de mon courroux
J'abandonne Solime, et votre frère et vous;
Je pars. Ne penfez pas qu'une nouvelle chaîne
Me dérobe à la vôtre et loin de vous m'entraine;
Je renonce à la fois à ce prince, à fa
A tout engagement, et fur-tout à l'amour.
Epargnez le reproche à mon efprit fincère :-

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Quand je ne m'en fais point, nul n'a droit de m'en faire.

SALOM E.

Non, n'attendez de moi ni courroux ni dépit ;
J'en favais beaucoup plus que vous n'en avez dit.
Cette cour, il eft vrai, Seigneur, a vu des crimes;
Il en eft quelquefois où des cœurs magnanimes
Par le malheur des temps fe laiffent emporter;
Que la vertu répare, et qu'il faut refpecter.
Il en eft de plus bas, et de qui la faibleffe
Se pare arrogamment du nom de la fageffe.'
Vous m'entendez peut-être? En vain vous déguisez
Pour qui je fuis trahie, et qui vous féduisez;
Votre fauffe vertu ne m'a jamais trompée.
De votre changement mon ame eft peu frappée ;
Mais fi de ce palais, qui vous femble odieux,
Les orages paffés ont indigné vos yeux;
Craignez d'en exciter qui vous fuivraient peut-être,
Jufqu'aux faibles Etats dont vous êtes le maître.
(elle fort.

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