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Qui redouble ma honte, et nous pèfe à tous deux.
Voilà donc le fecret dont vous vouliez m'inftruire?
ARTEMIRE.

Eh! Que me fervira, Seigneur, de vous le dire?
J'ignore, en vous parlant, fi la main qui me perd
Dans ce projet affreux vous trahit ou vous fert:
J'ignore fi vous-même, en poursuivant ma vie,
N'avez point de Pallante armé la calomnie;
Hélas! après deux ans de haine et de malheurs,
Souffrez quelques foupçons qu'excufent vos rigueurs.
Mon cœur même en fecret refufe de les croire;
Vous me déshonorez, et j'aime votre gloire;
Je ne confondrai point Pallante et mon époux;
Je vous refpecte encore en mourant par vos coups.
Je vous plains d'écouter le monftre qui m'accufe,
Et quand vous m'opprimez, c'eft moi qui vous excufe.
Mais fi vous appreniez que Pallante aujourd'hui
M'offrait contre vous-même un criminel appui,
Que Ménas à mes pieds, craignant votre justice,
D'un heureux fcélérat infortuné complice,
Au nom de ce perfide implorait. ... mais, hélas!
Vous détournez les yeux, et ne m'écoutez pas.

CASSANDR E.

Non, je n'écoute point vos lâches impoftures;
Ceffez: n'empruntez point le fecours des parjures.
C'eft bien affez pour moi de tous vos attentats;
Par de nouveaux forfaits ne les défendez pas.
Auffi bien s'en eft fait, votre perte eft certaine;
Toute plainte eft frivole, et toute excufe eft vaine.

ARTE MIRE.

Hélas! voilà mon cœur, il ne craint point vos coups;
Faites couler mon fang, barbare, il eft à vous.
Mais l'hymen dont le nœud nous unit l'un à l'autre,
Tout malheureux qu'il eft, joint mon honneur au vôtre;

Pourquoi

Pourquoi d'un tel affront voulez-vous vous couvrir? Laiffez-moi chez les morts defcendre fans rougir. Croyez que pour Ménas une flamme adultère. . . .

CASSANDRE.

Si Ménas m'a trahi, Ménas a dû vous plaire.
Votre cœur m'eft connu mieux que vous ne pensez ;
Ce n'eft pas d'aujourd'hui que vous me haïffez.

ARTE MIRE.

Eh bien! connaiffez donc mon ame toute entière:
Ne cherchez point ailleurs une trifte lumière;
De tous mes attentats je vais vous informer.
Oui, Caffandre, il eft vrai, je n'ai pu vous aimer;
Je vous le dis fans feinte, et cet aveu fincère
Doit peu vous étonner, et doit peu vous déplaire.
Et quel droit en effet aviez-vous sur un cœur
Qui ne voyait en vous que fon perfécuteur?
Vous, qui de tous les miens ennemi sanguinaire,
Avez jufqu'en mes bras affaffiné mon père ;
Vous que je n'ai jamais abordé fans effroi;
Vous dont j'ai vu le bras toujours levé fur moi;
Vous, tyran foupçonneux, dont l'affreuse injuftice
M'a conduite au trépas de fupplice en fupplice.
Je n'ai jamais de vous reçu d'autres bienfaits;
Vous le favez, Caffandre, apprenez mes forfaits.
Avant qu'un nœud fatal à vos lois m'eût foumife,
Pour un autre que vous mon ame était éprise.
J'étouffai dans vos bras un amour trop puiffant;
Je le combats encore, et même en ce moment:
Ne vous en flattez point, ce n'eft pas pour vous plaire.
Vous êtes mon époux, votre gloire m'eft chère,
Mon devoir me fuffit, et ce cœur innocent

Vous a gardé fa foi, même en vous haïffant.
J'ai fait plus: ce matin, à la mort condamnée,
J'ai pu briser les nœuds d'un funefte hyménée;

Théâtre. Tome I.

P

Je tenais dans mes mains l'Empire et votre fort;
Si j'avais dit un mot, on vous donnait la mort.
Vos peuples indignés allaient me reconnaître ;
Tout m'en follicitait; je l'aurais dû peut-être ;
Du moins, par votre exemple inftruite aux attentats,
J'ai pu rompre des lois que vous ne gardez pas :
J'ai voulu cependant respecter votre vie.
Je n'ai confidéré ni votre barbarie,

Ni mes périls préfens ni mes périls passés ;
J'ai fauvé mon époux; vous vivez, c'est affez.
Le temps qui perce enfin la nuit la plus obfcure,
Peut-être éclaircira cette horrible aventure;
Et vos yeux recevant une trifte clarté
Verront trop tard un jour luire la vérité.

Vous connaîtrez alors tous les maux que vous faites
Et vous en frémirez, tout tyran que vous êtes.

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Caffandre perfifte dans fa prévention, et laiffe la reine feule avec fa confidente.

ARTEM IR E.

Avec quel artifice, avec quelles noirceurs
Pallante a fu tramer ce long tiffu d'horreurs !
Non, je ne reviens point de ma furprise extrême.
Quoi! Ménas à mes yeux maffacré par lui-même,
Vingt conjurés mourans qui n'accufent que moi;
Ah! c'en eft trop, Céphife, et je pardonne au roi.
Hélas! le roi, féduit par ce lâche artifice,
Semble me condamner lui-même avec juftice.

CEPHI S E.

Implorez Philotas, à qui votre vertu

Dès long-temps....

ARTE MIRE.

Juftes Dieux ! quel nom prononces-tu ?

Hélas! voilà le comble à mon fort déplorable;
Philotas m'abandonne et fuit une coupable;

Il détefte fa flamme et mes faibles attraits;

Et pour moi tous les cœurs font fermés désormais.

CEP HIS E.

Pouvez-vous foupçonner qu'un cœur qui vous adore....

ARTEMIRE.

Si Philotas m'aimait, s'il m'eftimait encore,
Il me verrait, Céphife, au péril de fes jours.
De ma trifte retraite il connaît les détours;
L'amour l'y conduirait, il viendrait m'y défendre.
Il viendrait y braver le courroux de Caffandre.
Je ne demande point ces preuves de fa foi ;
Qu'il me croie innocente, et c'eft affez pour moi.

CEP HIS E.

G

Ah! Madame, fouffrez que je coure lui dire....

ARTE MIRE

Va, ma chère Céphife, et devant que j'expire,
Dis-lui, s'il en eft temps, qu'il ofe encor me voir;
Peins-lui mes fentimens, peins-lui mon défefpoir.
Si fon cœur obftiné rebute ta prière,

S'il refufe à mes pleurs cette grâce dernière,
Retourne fans tarder dans ces funeftes lieux,
Tu recevras mon ame et mes derniers adieux.
Conferve après ma mort une amitié fi tendre;
Dans tes fidelles mains daigne amaffer ma cendre;
Remets à Philotas ces reftes malheureux,
Seuls gages d'un amour trop fatal à tous deux.
Eclaircis à fes yeux ma douloureuse hiftoire;
Peut-être après ma mort il pourra mieux t'en croire.
Dis-lui que,
fans regret defcendant chez les morts,
Si j'ai pu dans la tombe emporter des remords,
Combattant en fecret le feu qui me dévore,
Je ne me reprochais que de l'aimer encore.

V.

PHILOTAS

АСТЕ

HILOTAS vient amené par Céphife. L'impofture de Pallante l'a féduit.

ARTEMIRE.

Philotas Eft-ce vous qui me traitez ainfi ?
Mon époux me condamne, et vous, Seigneur, auffi?
Je pardonne à Caffandre une erreur excusable;
Nourri dans les forfaits, il m'en a cru capable;
Il m'avait offenfée, il devait me hair;

Il me cherchait un crime afin de m'en punir.
Mais vous, qui, près de moi soupirant dans l'Epire,
Avez lu tant de fois dans le cœur d'Artémire;
Vous, de qui la vertu mérita tous mes foins;
Vous, qui m'aimiez, hélas! qui le difiez du moins;
C'est vous qui, redoublant ma honte et mon injure,
Du monstre qui m'accufe, écoutez l'imposture?
Barbare! vos foupçons manquaient à mon malheur.
Ah! lorfque de Pallante éprouvant la fureur,
Combattant malgré moi ma flamme et vos alarmes,
Mon cœur défefpéré résistait à vos larmes,

Et trop faible, en effet, contre un charme fi doux,
Cherchait dans le trépas des armes contre vous;
Hélas ! qui m'aurait dit, que dans cette journée,
Ma vertu par vous-même eût été foupçonnée ?
J'ai cru mieux vous connaître, et n'ai pas dû penfer
Qu'entre Pallante et moi vous puffiez balancer.
Pardonnez-moi, grands Dieux, qui m'avez condamnée!
De l'univers entier je meurs abandonnée;

Ma mort, dans le tombeau cachant la vérité,
Fera paffer ma honte à la postérité.

Toutefois, dans l'horreur d'un fi cruel fupplice,
Si du moins Philotas m'avait rendu juftice;

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