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Si mes yeux occupés à pleurer ma misère,
Ne voyaient dans le roi que l'affaffin d'un père,
Si j'écoutais fon crime et mon cœur irrité,
Caffandre périrait: il l'a trop mérité.

Mais il eft mon époux quoiqu'indigne de l'être ;
Le ciel qui me pourfuit me l'a donné pour maître :
Je connais mon devoir et fais ce que je dois
Aux nœuds infortunés qui l'uniffent à moi.

Qu'à fon gré, dans mon fang il éteigne fa rage;
Des dieux, par lui bravés, il eft pour moi l'image;
Je n'accepterai point le bras que vous m'offrez :
Il peut trancher mes jours, les fiens me font facrés ;
Et j'aime mieux, Seigneur, dans mon fort déplorable,
Mourir par fes forfaits que de vivre coupable.

PALLANT E.

Il faut fans balancer m'époufer ou périr:
Je ne puis rien de plus: c'eft à vous à choisir.

ARTEM IR E.

Mon choix eft fait; fuivez ce que le roi vous mande;
Il ordonne ma mort, et je vous la demande.
Elle finit, Seigneur, un éternel ennui,
Et c'eft l'unique bien que j'ai reçu de lui.

PALLANT E.

Mais, Madame, fongez..

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ARTEMIRE.

Non, laiffez-moi, Pallante.

Je ne fuis point à plaindre, et je meurs innocente
Artémire à vos coups ne veut point échapper.
J'accepte votre main, mais e'eft pour me frapper.
(elie fort.)

Pallante eft furieux de ne pouvoir recueillir le fruit des foupçons jaloux qu'il a femés dans le cœur de Calandre. Cependant il ne défef

père pas de vaincre la réfistance de la reine; il s'enhardit dans le projet d'affaffiner le roi: Son trône, fes tréfors en feront le falaire;

Le crime eft approuvé quand il eft néceffaire. Il a befoin d'un complice; il croit ne pouvoir mieux choir que Ménas fon parent et fon ami qu'il voit paraître. Il lui demande s'il fe fent affez de courage pour tenter une grande entreprise. Ménas répond que douter de fon zèle et de fon amitié, c'est lui faire la plus grave injure. Pallante alors lui confie l'amour dont il brûle pour la reine. Ménas n'en est point étonné; mais il repréfente à Pallante que la vertu d'Artémire est égale à sa beauté. Pallante ne regarde la vertu des femmes que comme une adroite hypocrifie :

Voilà qu'elle eft fouvent la vertu d'une femme,
L'honneur peint dans fes yeux,femble être dans fon ame;
Mais de ce faux honneur les dehors faftueux
Ne fervent qu'à couvrir la honte de fes feux.
Au feul amant chéri prodiguant fa tendreffe
Pour tout autre elle n'a qu'une austère rudeffe;
Et l'amant rebuté prend fouvent pour vertu
Les fiers dédains d'un cœur qu'un autre a corrompu.

Il développe fes projets à Ménas qui lui promet de ne pas le trahir; mais qui refufe d'être complice de fes crimes. Pallante, resté feul, ne regarde plus Ménas que comme un confident dangereux dont il doit prévenir l'indifcrétion.

ACTE I I.

PALLANTE

ANTE fait de nouveaux efforts auprès d'Artémire: il lui dit que la mort de Caffandre eft réfolue, que tout eft difpofé pour lui arracher le trône et la vie. Artémire répond:

Oui, vous pouvez verfer le fang de votre roi;
Mais je vous avertis de commencer par moi.
Dans quelqu'extrémité que Caffandre me jette,
Artémire eft encor fa femme et fa fujette.
J'irai parer les coups que l'on veut lui porter,
Et lui conferveraí le jour qu'il veut m'ôter.

Pallante fort: Artémire reste avec Céphife qui lui apprend que Philotas n'est point mort, qu'il va reparaître; elle lui confeille de ménager Pallante, de gagner du temps, afin de redevenir maîtreffe de fa deftinée; elle lui reproche d'avoir trop bravé le favori du roi.

Madame, jufque-là deviez-vous l'irriter?

ARTEMIRE.

Ah! je hâtais les coups que l'on veut me porter;
Céphife, avec plaifir aigriffant fa colère,
Moi-même je preffais le trépas qu'il diffère.
Je rends grâces aux dieux dont le cruel fecours
Quand Philotas revient, va terminer mes jours.
Hélas! de mon époux armant la main fanglante,
Du moins ils ont voulu que je meure innocente.

CEPH IS E.

Quand vous pouvez régner, vous périffez ainfi ?

ARTEMIRE.

Philotas eft vivant: Philotas eft ici:

Malheureufe

Malheureufe! comment foutiendras-tu fa vue?
Toi, qui, de tant d'amour fi long-temps prévenue,
Après tant de fermens, as reçu dans tes bras
Le cruel affaffin de ton cher Philotas !

Toi, que brûle en fecret une flamme infidelle,
Innocente autrefois, aujourd'hui criminelle.
Hélas! j'étais aimée, et j'ai rompu les nœuds
De l'amour le plus tendre et le plus vertueux.
J'ai trahi mon amant. Pour qui? pour un perfide,'
De mon père et de moi meurtrier parricide.
A l'afpect de nos dieux je lui promis ma foi
Et l'empire d'un cœur qui n'était plus à moi;
Et mon ame, attachée au ferment qui me lie,
Lui doit encor fa foi, quand il m'ôte la vie.

Non: c'eft trop de tourmens, de trouble et de remords;
Emportons, s'il fe peut, ma vertu chez les morts,
Tandis que fur mon cœur, qu'un tendre amour déchire,
Ma timide raifon garde encor quelqu'empire.

CEP HIS E.

Vous vous perdez vous feule, et tout veut vous fervir.

ARTE MIRE.

Je connais ma faibleffe, et je dois m'en punir.

CEP HIS E.

Madame, penfez-vous qu'il vous chériffe encore?

ARTEMIRE.

Il doit me détefter, Céphife, et je l'adore.
Son retour, fon nom feul, ce nom cher à mon cœur
D'un feu trop mal éteint a ranimé l'ardeur.

Ma mort qu'en même temps Pallante a prononcée,
N'a pas du moindre trouble occupé ma pensée;
Je n'y fongeais pas même et mon ame en ce jour
N'a de tous fes malheurs fenti que fon amour.

:

A quelle honte, ô Dieux! m'avez-vous fait defcendre! Ingrate à Philotas, infidelle à Caffandre,

Théatre. Tome I.

Mon cœur empoifonné d'un amour dangereux

Fut toujours criminel, et toujours malheureux.
Que leurs reffentimens, que leurs haines s'uniffent ;
Tous deux font offenfés, que tous deux me puniffent;
Qu'ils viennent fe baigner dans mon fang odieux.

CEPH IS E.

Madame, un étranger s'avance dans ces lieux.

A R TEMIR E.

Si c'eft un affaffin que Pallante m'envoie,
Céphife, il peut entrer; je l'attends avec joie.
O mort! avec plaifir je paffe dans tes bras. . .
Céphife, foutiens-moi: grands Dieux, c'eft Philotas!

...

Philotas adreffe des reproches à Artémire fur ce qu'elle lui a manqué de foi en paffant dans les bras de Caffandre, et lui rappelle l'amour dont ils ont brûlé l'un pour l'autre. Artémire lui répond:

Vous pouvez étaler aux yeux d'une infidelle

La haine et le mépris que vous avez pour elle.
Accablez-moi des noms réfervés aux ingrats,
Je les ai mérités, je ne m'en plaindrai pas.
Si pourtant Philotas, à travers fa colère,
Daignait fe fouvenir combien je lui fus chère,
Quoiqu'indigne du jour et de tant d'amitié,
J'ofe efpérer encore un refte de pitié.
N'dutragez point une ame affez infortunée :
Le fort qui vous pourfuit ne m'a point épargnée
Il me haïffait trop pour me donner à vous,

Je ne m'excufe point: je fais mon injustice.
Dans mon crime, Seigneur, j'ai trouvé mon fupplice.
Ne me reprochez plus votre amour outragé;
Plaignez-moi bien plutôt, vous êtes trop vengé.

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