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D'ARTE MIRE,

TRAGEDI E.

ACTE

ARTEMIRE,

PREMIER.

RTEMIRE, en proie à la plus vive douleur, ne cache point à Céphife les tourmens 'que lui fait éprouver l'humeur foupçonneufe et la cruauté de Caffandre fon mari, que la guerre a éloigné d'elle, et dont le retour la fait trembler.

ARTEMIRE.

Oui, tous ces conquérans raffemblés fur ce bord,
Soldats fous Alexandre et reis après fa mort, (a)
Fatigués de forfaits et laffés de la guerre,
Ont rendu le repos qu'ils ôtaient à la terre.
Je rends grâce, Céphife, à cette heureuse paix
Qui, brisant tes liens, te rend à mes fouhaits.
Hélas! que cette paix, que la Grèce refpire,
Eft un bien peu connu de la trifte Artémire!
Caffandre... à ce nom feul, la douleur et l'effroi
De mon cœur alarmé s'emparent malgré moi.

(4) Ce vers eft devenu proverbe. On lit dans Olympie: Jurez-moi feulement, foldats du roi mon père, Rois après fon trépas......

Vainqueur des Locriens, Caffandre va paraître
Efclave en mon palais, j'attends ici mon maître:
Pardonne, je n'ai pu le nommer mon époux.
Eh! comment lui donner encore un nom fi doux!
Il ne l'a que trop bien oublié, le barbare.

Elle rappelle à Céphife les principaux événemens de fa vie.

Il te fouvient de la trifte journée
Qui ravit Alexandre à l'Afie étonnée.

La terre, en frémiffant, vit après fon trépas
Ses chefs impatiens partager fes Etats;

Et jaloux l'un de l'autre en leur avide rage,
Déchirant à l'envi ce fuperbe héritage,

Divifés d'intérêts et pour le crime unis, (a)
Affaffiner fa mère, et fa veuve et fon fils.

Ce font là les honneurs qu'on rendit à fa cendre.
Je ne veux point, Céphife, injufte envers Caffandre,
Accufer un époux de toutes ces horreurs ;

Un intérêt plus tendre a fait couler mes pleurs:
Ses mains ont immolé de plus chères victimes,
Et je n'ai pas befoin de lui chercher des crimes. (b)
Du prix de tant de fang cependant il jouit;
Innocent ou coupable il en eut tout le fruit,
Il régna: d'Alexandre il occupa la place.
La Grèce épouvantée approuva fon audace
Et fes rivaux foumis lui demandant des lois,
Il fut le chef des Grecs et le tyran des rois.
Pour mon malheur alors attiré dans l'Epire,
Il me vit; il m'offrit fon cœur et fon empire.
Antinous mon père, infenfible à mes pleurs,

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(a) M. de Voltaire a depuis employé ce vers dans Mérope. (b) Ce vers fe trouve dans la Henriade, chant II.

Accepta malgré moi ces funeftes honneurs.

Je me plaignis en vain de fa contrainte austère,
En me tyrannifant il crut agir en père;

Il pensait affurer ma gloire et mon bonheur.
A peine il jouiffait de fa fatale erreur,
Il la connut bientôt: le foupçonneux Caffandre
Devint fon ennemi dès qu'il devint fon gendre.
Ne me demande point quels divers intérêts,
Quels troubles, quels complots, quels mouvemens fecrets,
Dans cette cour trompeuse excitant les orages,
Ont de Lariffe en feu défolé les rivages?
Enfin dans ce palais, théâtre des revers,
Mon père infortuné se vit chargé de fers.
Hélas! il n'eut ici que mes pleurs pour défenfe.
C'eft là que de nos dieux atteftant la vengeance,
D'un vainqueur homicide embraffant les genoux,
Je me jetai tremblante au-devant de fes coups.
Le cruel repouffant fon époufe éplorée....
O crime! ô fouvenir dont je fuis déchirée!

Céphife! en ces lieux même, où tes difcours flatteurs
Du trône où tu me vois me vantent les douceurs,
Dans ces funeftes lieux témoins de ma misère,
Mon époux à mes yeux a maffacré mon père.
Son trépas fut pour moi le plus grand des malheurs.

Mais il n'eft pas le feul; et mon ame attendrie
Doit à ton amitié l'hiftoire de ma vie.

Céphife, on ne fait point quel coup ce fut pour moi,
Lorfqu'au tyran des Grecs on engagea ma foi;
Le jeune Philotis, avant cet hyménée,
Prétendait à mon fort unir fa destinée.

Ses charmes, fes vertus avaient touché mon cœur ;
Je l'aimais, je l'avoue, et ma fatale ardeur
Formant d'un doux hymen l'efpérance flatteufe,

Artémire fans lui ne pouvait être heurenfe.
Tu vois couler mes pleurs à ce feul fouvenir
Je puis à ce héros les donner fans rougir;
Je ne m'en défends point: je les dois à fa cendre.

Il n'eft plus !

CEP HIS E.

ARTEMIRE.

Il mourut de la main de Caffandre; Et lorfque je voulais le rejoindre au tombeau, Céphife, on m'ordonna d'époufer fon bourreau.

CEPH IS E.

Et vous pûtes former cet hymen exécrable!

ARTEMIR E.

J'étais jeune, et mon père était inexorable;
D'un refus odieux je tremblais de m'armer:
Enfin fans fon aveu je rougiffais d'aimer.
Que veux-tu ? j'obéis Pardonne
Pardonne à cet hymen où me força mon père.

Hélas! il en reçut le cruel châtiment,

ombre trop chère,

Et je pleure à la fois mon père et mon amant.

Cependant elle doit refpecter le nœud qui l'unit à Caffandre.

Hélas! c'eft là mon défefpoir.

Je fais que contre lui l'amour et la nature
Excitent dans mon cœur un éternel murmure.
Tout ce que j'adorais eft tombé fous fes coups,
Céphife, cependant Caffandre eft mon époux.
Sa parricide main, toujours prompte à me nuire,
A fouillé nos liens et n'a pu les détruire.
Peut-être ai-je en fecret le droit de le haïr,
Mais en le haïffant je lui dois obéir.

Céphife lui parle de fa grandeur : Vous régnez, lui dit-elle,

4

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Quel malheur en régnant ne peut être adouci ?

ARTEMIRE.

Céphife! moi, régner! moi, commander ici !
Tu connais mal Caffandre: il me laiffe en partage
Sur ce trône fanglant la honte et l'esclavage.
Son favori Pallante eft ici le feul roi ;

C'est un second tyran qui m'impose la loi.

Que dis-je? tous ces rois, courtisans de Pallante, Flattant indignement fon audace infolente,

Auprès de mon époux implorent fon appui,

Et leurs fronts couronnés s'abaiffent devant lui.

Pallante arrive et fait retirer Céphife; il préfente à la reine une lettre de Caffandre. Cette lettre eft adreffée à Pallante. Artémire lit:

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De tout ce que j'ai fait ma voix doit vous inftruire: Je reviens triomphant au fein de mon pays;

Et voulant me venger de tous mes ennemis,

J'attends de votre main la tête d'Artémire.,, Ainfi dont mon deftin fe confomme aujourd'hui! Je n'attendais pas moins d'un époux tel que lui. Pallante, c'eft à vous qu'il demande ma tête ; Vous êtes maître ici, votre victime eft prête.

Pallante, depuis long-temps amoureux de la reine, veut l'engager à fe fouftraire à la mort en s'uniffant à lui. Il lui propofe de l'affranchir de la tyrannie de Caffandre en affaffinant le tyran, et de s'emparer du trône. Artémire lui répond:

Vous me connaiffez mal, et mon ame eft surprise
Bien moins de mon trépas que de votre entreprife.
Permettez qu'Artémire en ces derniers momens
Vous découvre fon cœur et fes vrais fentimens.

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