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Digne de fa naiffance, et de qui la fureur

Remplira l'univers d'épouvante et d'horreur.
Sortons.

SCENE V.

OEDIPE, PHILOCTETE, JOCASTE.

OEDIP E.

CES

Es derniers mots me rendent immobile: Je ne fais où je fuis, ma fureur eft tranquile: Il me femble qu'un dieu defcendu parmi nous, Maître de mes transports enchaîne mon courroux: Et prêtant au pontife une force divine, Par fa terrible voix m'annonce ma ruine.

PHILOC TETE.

Si vous n'aviez, Seigneur, à craindre que des rois,
Philoctete avec vous combattrait sous vos lois ;
Mais un prêtre eft ici d'autant plus redoutable,
Qu'il vous perce à nos yeux par un trait refpectable.
Fortement appuyé fur des oracles vains,

Un pontife eft fouvent terrible aux fouverains,
Et dans fon zèle aveugle un peuple opiniâtre,
De fes liens facrés imbécille idolâtre,
Foulant par piété les plus faintes des lois,
Croit honorer les dieux en trahiffant fes rois;
Sur-tout, quand l'intérêt, père de la licence,
Vient de leur zèle impie enhardir l'infolence.

OEDIP E.

Ah! Seigneur, vos vertus redoublent mes douleurs; La grandeur de votre ame égale mes malheurs ; Accablé fous le poids du foin qui me dévore, Vouloir me foulager, c'eft m'accabler encore.

Quelle plaintive voix crie au fond de mon cœur ! Quel crime ai-je commis? Eft-il vrai, Dieu vengeur

JO CAST E.

Seigneur, c'en eft affez, ne parlons plus de crime;
A ce peuple expirant il faut une victime;
Il faut fauver l'Etat, et c'eft trop différer.
Epoufe de Laïus, c'eft à moi d'expirer;
C'eft à moi de chercher fur l'infernale rive
D'un malheureux époux l'ombre errante et plaintive:
De fes mânes fanglans j'appaiferai les cris;
J'irai.. Puiffent les dieux fatisfaits à ce prix,
Contens de mon trépas, n'en point exiger d'autre;
Et que mon fang verfé puiffe épargner le vôtre !

OEDIP E.

Vous mourir! vous, Madame! ah! n'est-ce point affez
De tant de maux affreux fur ma tête amaffés ?
Quittez, Reine, quittez ce langage terrible;
Le fort de votre époux eft déjà trop horrible,
Sans que de nouveaux traits venant me déchirer,
Vous me donniez encor votre mort à pleurer.
Suivez mes pas, rentrons; il faut que j'éclairciffe
Un foupçon que je forme avec trop de juftice.
Venez.

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ACTE I V.

SCENE

PREMIERE.

OEDIPE, JOCASTE.

OE DIP E.

NoN, quoi que vous dificz, mon ame inquiétéa

De foupçons importuns n'eft pas moins agitée.
Le Grand-Prêtre me gêne, et prêt à l'excufer,
Je commence en fecret moi-même à m'accufer.
Sur tout ce qu'il m'a dit, plein d'une horreur extrême.
Je me fuis en fecret interrogé moi-même,

Et mille événemens de mon ame effacés
Se font offerts en foule à mes efprits glacés.
Le paffé m'interdit, et le préfent m'accable,
Jelis dans l'avenir un fort épouvantable,
Et le crime par-tout femble fuivre mes pas.
JOCAST E.

Et quoi! votre vertu ne vous rallure pas?
N'êtes-vous pas enfin sûr de votre innocence?

OEDIP E.

On eft plus criminel quelquefois qu'on ne penfe.

JO CAST E.

Ah! d'un prêtre indifcret dédaignant les fureurs,
Ceffez de l'excufer par ces lâches terreurs.

OEDIP E.

Au nom du grand Laïus et du courroux célefte,
Quand Laïus entreprit ce voyage funeste,
Avait-il près de lui des gardes, des foldats?
JO CAST E.

Je vous l'ai déjà dit, un feul fuîvait fes pas.

Un feul homme ?

OEDIP E.

JOCAST E.

Ce roi, plus grand que fa fortune, Dédaignait comme vous une pompe importune: On ne voyait jamais marcher devant fon char D'un bataillon nombreux le faftueux rempart: Au milieu des fujets foumis à fa puiffance, Comme il était fans crainte, il marchait fans défense; Par l'amour de fon peuple il fe croyait gardé.

OEDIP E.

O Héros, par le ciel aux mortels accordé,
Des véritables rois exemple augufte et rare!
Oedipe a-t-il fur toi porté fa main barbare?
Dépeignez-moi du moins ce prince malheureux.
JO CAST E.

Puifque vous rappelez un fouvenir fâcheux;
Malgré le froid des ans, dans fa mâle vieilleffe,
Ses yeux brillaient encor du feu de la jeuneffe;
Son front, cicatrifé fous fes cheveux blanchis,
Imprimait le refpect aux mortels interdits;
Et fi j'ofe, Seigneur, dire ce que j'en penfe,
Laius eut avec vous affez de reffemblance;

Et je m'applaudiffais de retrouver en vous,
Ainfi que les vertus, les traits de mon époux.
Seigneur, qu'a ce difcours qui doive vous furprendre?

OEDIP E.

J'entrevois des malheurs que je ne puis comprendre:
Je crains que par les dieux le pontife inspiré
Sur mes deftins affreux ne foit trop éclairé.
Moi, j'aurais massacré! ... Dieux! ferait-il poffible?
ЈОСАЅT Е.

Cet organe des dieux eft-il donc infaillible?
Un ministère faint les attache aux autels:

Ils approchent des dieux; mais ils font des mortels.
Penfez-vous qu'en effet, au gré de leur demande,
Du vol de leurs oifeaux la vérité dépende?
Que fous un fer facré des taureaux gémiffans
Dévoilent l'avenir à leurs regards perçans,
Et que de leurs feftons ces victimes ornées
Des humains dans leurs flancs portent les deftinées ?
Non, non chercher ainfi l'obfcure vérité,

C'eft ufurper les droits de la Divinité.

Nos prêtres ne font point ce qu'un vain peuple penfe; Notre crédulité fait toute leur fcience.

OEDIP E.

Ah Dieux! s'il était vrai, quel ferait mon bonheur !
JOCAST E.

Seigneur, il eft trop vrai, croyez-en ma douleur.
Comme vous autrefois pour eux préoccupée,
Hélas! pour mon malheur je fuis bien détrompée,
Et le ciel me punit d'avoir trop écouté

D'un oracle impofteur la fauffe obfcurité.

Il m'en coûta mon fils. Oracles que j'abhorre, Sans vos ordres, fans vous, mon fils vivrait encore.

OEDIP E.

Votre fils! par quels coups l'avez-vous donc perdu?
Quel oracle fur vous les dieux ont-ils rendu ?
JO CAST E.

Apprenez, apprenez, dans ce péril extrême,
Ce que j'aurais voulu me cacher à moi-même-;
Et d'un oracle faux ne vous alarmez plus.
Seigneur, vous le favez, j'eus un fils de Laïus
Sur le fort de mon fils ma tendreffe inquiète
Confulta de nos dieux la fameuse interprète.
Quelle fureur, hélas! de vouloir arracher
Des fecrets, que le fort a voulu nous cacher!
Mais enfin j'étais mère, et pleine de faibleffe

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