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SCENE IV.

OEDIPE, PHILOCTETE, ARASPE.

OEDIP E.

ARASPE, c'est donc là le prince Philoctete ?

PHILO CTET E.

Oui, c'est lui qu'en ces murs un fort aveugle jete,
Et que le ciel encor, à fa perte animé,

A fouffrir des affronts n'a point accoutumé.
Je fais de quels forfaits on veut noircir ma vie,
Seigneur, n'attendez pas que je m'en justifie;
J'ai pour vous trop d'eftime: et je ne pense pas
Que vous puiffiez defcendre à des foupçons fi bas.
Si fur les mêmes pas nous marchons l'un et l'autre,
Ma gloire d'affez près eft unie à la vôtre.
Théfée, Hercule et moi, nous vous avons montré
Le chemin de la gloire où vous êtes entré.
Ne déshonorez point par une calomnie
La fplendeur de ces noms où votre nom s'allie;
Et foutenez fur-tout, par un trait généreux,
L'honneur que vous avez d'être placé près d'eux.

OEDIP E.

Etre utile aux mortels, et fauver cet empire,
Voilà, Seigneur, voilà l'honneur feul où j'afpire,
Et ce que m'ont appris en ces extrémités
Les héros que j'admire et que vous imitez.
Certes je ne veux point vous imputer un crime:
Si le ciel m'eût laiffé le choix de la victime,
Je n'aurais immolé de victime que moi:

Mourir pour fon pays, c'eft le devoir d'un roi:
C'est un honneur trop grand pour le céder à d'autres.

J'aurais donné mes jours et défendu les vôtres,
J'aurais fauvé mon peuple une feconde fois;
Mais, Seigneur, je n'ai point la liberté du choix.
C'est un sang criminel que nous devons répandre:
Vous êtes accufé, fongez à vous défendre,
Paraiffez innocent; il me fera bien doux
D'honorer dans ma cour un héros tel que vous:
Et je me tiens heureux, s'il faut que je vous traite
Non comme un accufé, mais comme Philoctete.

PHILO CTE TE.

Je veux bien l'avouer; fur la foi de mon nom,
J'avais ofé me croire au-deffus du foupçon.
Cette main qu'on accuse, au défaut du tonnerre,
D'infames affaffins a délivré la terre;

Hercule à les dompter avait inftruit mon bras,
Seigneur, qui les punit, ne les imite pas.

OEDIP E.

Ah! je ne pense point qu'aux exploits confacrées
Vos mains par des forfaits fe foient déshonorées,
Seigneur, et fi Laïus elt tombé fous vos coups,
Sans doute avec honneur il expira fous vous;
Vous ne l'avez vaincu qu'en guerrier magnanime:
Je vous rends trop justice.

PHILO CTET E.

Eh! quel ferait mon crime? Si ce fer chez les morts eût fait tomber Laïus, Ce n'eût été pour moi qu'un triomphe de plus. Un roi pour ses fujets eft un dieu qu'on révère ; Pour Hercule et pour moi c'eft un homme ordinaire. J'ai défendu des rois: et vous devez fonger Que j'ai pu les combattre, ayant pu les venger.

OEDIPE.

Je connais Philoctete à ces illuftres marques:
Des guerriers comme vous font égaux aux monarques;

Je le fais cependant, Prince, n'en doutez pas,
Le vainqueur de Laïus eft digne du trépas;
Sa tête répondra des malheurs de l'empire,
Et vous....

PHIL OCTET E.

Ce n'est point moï: ce mot doit vous fuffire.
Seigneur, fi c'était moi, j'en ferais vanité;
En vous parlant ainfi je dois être écouté.
C'eft aux hommes communs, aux ames ordinaires
A fe juftifier par des moyens vulgaires;

Mais un prince, un guerrier, tel que vous, tel que moi,
Quand il a dit un mot, en eft cru fur fa foi.
Du meurtre de Laius Oedipe me foupçonne!
Ah! ce n'eft point à vous d'en accuser perfonne;
Son fceptre et fon épouse ont paffé dans vos bras;
C'est vous qui recueillez le fruit de fon trépas.
Ce n'eft pas moi, fur-tout, de qui l'heureuse audace
Difputa fa dépouille et demanda fa place.

Le trône eft un objet qui n'a pu me tenter;
Hercule à ce haut rang dédaignait de monter.
Toujours libre avec lui, fans fujets et fans maître,
J'ai fait des fouverains, et n'ai point voulu l'être.
Mais c'eft trop me défendre et trop m'humilier;
La vertu s'avilit à fe juftifier.

O E DI PE.

Votre vertu m'eft chère, et votre orgueil m'offense;
On vous jugera, Prince, et fi votre innocence
De l'équité des lois n'a rien à redouter;

Avec plus de fplendeur elle en doit éclater.

Demeurez parmi nous.

...

PHILO CTET E.

J'y refterai fans doute:

Il y va de ma gloire, et le ciel qui m'écouté

Ne me verra partir que vengé de l'affront
Dont vos foupçons honteux ont fait rongir mon front.

SCENE V.

OEDIPE, ARAS PE.

OEDIP E.

JE l'avouerai, j'ai peine à le croire coupable.

D'un cœur tel que le fien l'audace inébranlable
Ne fait point s'abaiffer à des déguisemens:
Le menfonge n'a point de fi hauts fentimens.
Je ne puis voir en lui cette baffeffe infame.
Je te dirai bien plus; je rougiffais dans l'ame
De me voir obligé d'accufer ce grand cœur:
Je me plaignais à moi de mon trop de rigueur.
Néceffité cruelle attachée à l'empire!

Dans le cœur des humains les rois ne peuvent lire,
Souvent fur l'innocence ils font tomber leurs coups,
Et nous fommes, Arafpe, injuftes malgré nous.
Mais que Phorbas eft lent pour mon impatience!
C'eft fur lui feul enfin que j'ai quelque efpérance;
Car les dieux irrités ne nous répondent plus;
Ils ont par leur filence expliqué leurs refus.

A RASP E.

Tandis que par vos foins vous pouvez tout apprendre,
Quel befoin que le ciel ici fe faffe entendre?

Ces dieux dont le pontife a promis le fecours,
Dans leurs temples, Seigneur, n'habitent pas toujours:
On ne voit point leur bras fi prodigue en miracles!
Ces antres, ces trépieds qui rendent leurs oracles,
Ces organes d'airain que nos maius ont formés,
Toujours d'un fouffle pur ne font pas animés.
Ne nous endormons point fur la foi de leurs prêtres;
An pied du fanctuaire il eft fouvent des traîtres,

Que nous afferviffant fous un pouvoir facré,
Font parler les deftins, les font taire à leur gré.
Voyez, examinez avec un foin extrême

Philoctete, Phorbas, et Jocafte elle-même.

Ne nous fions qu'à nous, voyons tout par nos yeux, Ce font là nos trépieds, nos oracles, nos dieux.

OEDIP E.

Serait-il dans le temple un cœur affez perfide?....
Non, fi le ciel enfin de nos deftins décide,

On ne le verra point mettre én d'indignes mains
Le dépôt précieux du falut des Thébains.
J. vais, je vais moi-même, accufant leur filence,
Par mes vœux redoublés fléchir leur inclémence.
Toi, fi pour me fervir tu montres quelque ardeur,
De Phorbas que j'attends cours hâter la lenteur:
Dans l'état déplorable où tu vois que nous fommes,
Je veux interroger et les dieux et les hommes.

Fin du fecond acte.

ACTE

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