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Le besoin de la civilisation se fit sentir en Russie bien avant Pierre I depuis deux cent cinquante ans cet empire ne cesse de réclamer un adoucissement au système mogol qui le régit. La Russie n'agréa un moment Basile Chouiski, en 1606, qu'en lui imposant la condition de ne punir personne ni confisquer de biens sans le jugement des boyards. Elle ne tira Michel Romanof de son monastère de Kostrama que parce qu'elle espérait que ce jeune homme, n'étant pas né pour la pourpre, serait plus fidèle que tout autre au serment qu'elle exigea de lui de ne faire aucune loi, de ne pas changer les anciennes, de ne point entrer en guerre ni faire la paix avec ses voisins de son propre chef'; serment qui n'a pas été complétement transgressé par ses deux successeurs immédiats, sous lesquels la monarchie russe demeura pondérée par de vrais États et par l'influence qu'avait conservée un clergé déjà débilé et non encore avili. Ce fut surtout Pierre le qui transforma l'autorité impériale en un despotisme qui n'a pas été sans donner à la Russie, avec de la gloire, la tranquillité et du pain en suffisance, mais une tranquillité qui ressemble à celle des tombeaux et un pain souvent trempé d'opprobre. A la mort de Pierre I, tout ce qu'il y avait dans le pays d'hommes distingués voulut le doter d'une constitution à peu près semblable à celle de la Suède. Ce parti, composé des plus grands noms de la Russie, crut toucher, sous Pierre II, à la réalisation de son rêve. C'est lui qui appela de Mittau la cruelle Anne en stipulant expressément qu'elle ne gouvernerait que conjointement avec le Conseil suprême. C'est ce parti, les curieux Mémoires de la princesse Dachkof en font foi, qui aida Catherine II à renverser Pierre III, s'imaginant que la chute de ce Holsteinois serait également celle du régime antinational qu'il représentait dans toute sa ridicule splendeur. C'est encore ce parti, dont les fautes ne trouveront pas, bien entendu, en nous des apologistes, qui complota pendant tout le règne de Paul I", et qui, caressé par un des fils de ce tyran bizarre, fut écrasé par l'autre; et il serait puéril de prétendre que ce parti, ou son évident héritier, n'est pas prêt à reparaître de nos jours. Toujours, l'oreille a pu recueillir au sein du mouvement des esprits en Russie des aspirations vers une ère plus analogue à son origine et à son génie. Jamais ces aspirations n'ont été plus vives, plus prononcées que sous le règne de l'empereur Alexandre I".

Chacune des paroles, chacun des actes de ce souverain, dit un

1 V. Strahlenberg, Description historique de l'empire russien, t. I, p. 82. 2 V. Notice historique sur les principales familles de la Russie, par le prince P. Dolgorouki, p. 34. On sait ce que coûta au courageux écrivain la note microscopique à laquelle nous renvoyons le lecteur.

des historiens qui l'ont le mieux jugé1, respiraient la bonté, le désir de se faire aimer, un libéralisme parfait, l'amour le plus vrai de l'hu-, manité. Quelques exemples entre mille le prouveront. La fermeté, s'allie à la justice dans la lettre qu'il adresse, en 1803, à une princesse Galitzin, lorsque, en invoquant le secours de l'Empereur en faveur de son mari, en butte aux poursuites de ses créanciers, elle osa lui rappeler qu'il n'y a pas de loi pour lui. « Me mettre au-dessus, de la loi, madame, lui répondit-il, je ne le voudrais pas, quand même je le pourrais; car, dans le monde entier, je n'admets pas de puis-, sance légitime qui ne découle des lois. Plus que qui que ce soit, au contraire, je me sens l'obligation de veiller à leur observation : dans les cas où il est permis à d'autres d'être indulgents, je ne puis être, moi, que juste. » Ce principe que la loi est supérieure à la volonté du souverain, il le proclama de nouveau en 1811, et il ne l'abjura jamais. Jamais aussi, dans ses discours, il ne démentit sa répugnance pour le pouvoir absolu. Ecrivant, en date du 15 janvier 1813, à son ancien ami, le prince Czartorisky, toujours préoccupé du sort de la Pologne, il flatta son sentiment national par les assurances qu'on va lire : « A mesure que les résultats militaires se développeront, vous verrez à quel point les intérêts de votre patrie me sont chers. Quant aux formes, les plus libérales sont celles que j'ai toujours préférées. » Il parla dans le même sens aux représentants de la nation polonaise réunis autour de sa personne, à l'ouverture de la diète, le 27 mars 1818 : « L'organisation qui était en vigueur dans votre pays, dit-il, a permis l'établissement immédiat de celle que je vous ai donnée, en mettant en pratique les principes de ces institutions libérales qui n'ont cessé de faire l'objet de ma sollicitude, et dont j'espère, avec l'aide de Dieu, étendre l'influence salutaire sur TOUTES les contrées que la Providence a confiées à mes soins. Vous m'avez ainsi offert les moyens de montrer à ma patrie ce que je prépare pour elle depuis longtemps, et ce qu'elle obtiendra lorsque les éléments d'une œuvre aussi importante auront atteint le développement nécessaire. » Enfin, à la noblesse livonienne qui venait d'affranchir ses serfs, en 1819, il dit : « Je suis bien aise de voir que vous avez rempli mon attente. Vous avez donné un exemple qui doit être imité. Vous avez agi dans l'esprit de notre siècle, et vous avez senti que les principes libéraux seuls peuvent fonder le bonheur des peuples. »

Incapable de leurrer ses peuples par de fallacieux programmes, l'empereur Alexandre voulait sérieusement fonder leur bonheur sur ces principes. Nous ne croyons pas nous tromper en jugeant les circonstances

Schnitzler, Histoire intime de la Russie sous les empereurs Alexandre et Nicolas, t. I, p. 49 et suiv.

favorables pour supplier respectueusement son auguste neveu de les mettre largement en pratique sans attendre aucune pression étrangère ou séditieuse. Le souffle libéral qui a pénétré en Russie ne pourra plus y être étouffé; après avoir émancipé une classe de la nation, on sera involontairement amené à la garantir tout entière de la tyrannie des autorités subalternes, de la rapacité des mercenaires, ainsi que des catastrophes de l'omnipotence. Bientôt aussi on sera conduit à promulguer une constitution et à reconnaître que l'absolutisme byzantin est à la monarchie chrétienne ce que la licence démagogique est à la liberté.

Prince AUGUSTIN GALITZIN.

DE LA NOMINATION

ET DE

L'INSTITUTION DES ÉVÈQUES

Il existe entre le Saint-Siége et le Piémont, il s'est même élevé entre le Saint-Siège et la France, des difficultés relatives à l'institution de plusieurs évêques.

Des difficultés analogues se sont présentées plusieurs fois dans l'histoire des derniers siècles: quand deux pouvoirs sont en prẻsence, ils ne parviennent pas toujours à se mettre immédiatement d'accord.

Mais, à l'occasion des difficultés pendantes, certains journaux, politiques officieux, théologiens suspects, ont essayé, les uns, de jeter sur les personnes des insinuations déplacées; les autres, de réclamer pour le pouvoir civil des prérogatives exorbitantes. Nous ne les suivrons point dans la première voie : nous regardons comme inconvenante toute discussion qui aurait trait aux personnes et nous écartons formellement toute allusion. Cela nous est facile, car nous ne faisons nulle difficulté d'avouer que, parmi les noms prononcés, il en est qui nous sont chers: nous aimons ceux que nous connaissons et nous respectons chrétiennement ceux que nous ne connaissons pas. Mais il y a autre chose ici. Si les noms propres sont hors de cause, il y va d'un principe de premier ordre : il y va de toute la religion, comme parlait Bossuet.

Il s'agit en effet d'un principe à jamais sacré, l'existence de Dieu

rendue présente au monde par la permanence visible et inviolée du Pou

voir spirituel.

Il s'agit d'un péril formidable et imminent la ruine morale de ce Pouvoir par les atteintes portées à son indépendance.

Il s'agit de savoir si Frédéric II n'a pas eu raison de dire : « Il suffit de faire tomber le temporel; le temporel tombé, le spirituel deviendra ce qu'il pourra, et nous aurons des églises nationales comme nous aurons des langues nationales1. >>

Voilà en effet ce qu'il y a au fond de la question. L'on voit donc qu'il n'y a pas sur la terre une question plus grave.

Nous disons que c'est là ce qu'il y a au fond de la question. Et en effet, quand l'épiscopat émane directement du prince, comme en Russie, quand l'Empereur nomme les évêques comme il nomme ses aides de camp, existe-t-il un pouvoir spirituel? Mais, si l'intervention du Pape n'était que nominale, si, comme le veut la presse officieuse de France, le Pape ne pouvait écarter de l'épiscopat l'élu du prince, où serait, pour les esprits sérieux, la différence?

Apparemment, cette thèse de la presse officieuse de France n'a point

été soulevée sans motif et sans dessein.

Quelle en est la valeur canonique et historique? Nous l'allons voir. Nous verrons aussi ce que l'on ose sur le spirituel quand on a abattu le temporel.

C'est là, en deux mots, tout le plan, toute la division de notre travail.

I

S'il

y a un principe incontestable, c'est qu'au spirituel l'Église ne relève que de Dieu : elle a toujours été autonome, comme la vérité dont elle est l'organe.

L'Église, en effet, est une société. Instituée de Dieu, elle doit avoir reçu d'en haut tout ce qui est nécessaire pour sa conservation : elle tient donc essentiellement de Dieu le pouvoir de régler la nomination de ses pasteurs; cela est simple comme le bon sens.

Écoutez le Concile de Trente :

<< Si quelqu'un dit que ceux qui n'ont point été légitimement envoyés par la puissance ecclésiastique et canonique, mais qui viennent

Paroles citées par M. le premier président Barthe à la séance du Sénat du

6 mars.

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