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De nombreuses tribus des régions de l'Orient rendent le même hommage à la patience et à la vigueur des chevaux.

Des races indiennes professent une sorte de culte pour l'éléphant. Les Tartares adorent le lama.

Sans aller si loin, ne voyons-nous pas notre grave voisin d'Angleterre se passionner pour ses chevaux de course, étudier leurs qualités, observer avec une vive sollicitude leur développement, et constater avec soin leur filiation dans son stud-book?

Ils méritent bien aussi d'être loués et aimés, les fidèles, les courageux chiens du Saint-Bernard! Comme les fines juments de l'Arabie, comme les plus agiles coursiers de l'Angleterre, ils doivent avoir leurs titres généalogiques; cependant on ne peut dire comment leur noble race s'est formée. Selon quelques naturalistes, ils proviennent du croisement d'un dogue anglais avec un chien d'arrêt espagnol; selon d'autres, du croisement d'un chien de berger bergamasque avec un chien danois, qu'un comte napolitain ramena du Nord. Pour moi, je ne voudrais point, si je le pouvais, rechercher leur origine; il me plait, au contraire, qu'elle soit si incertaine : il me semble que la Providence les a fait naître dans la sauvage montagne pour secourir les voyageurs, et il me semble qu'ils ont eux-mêmes l'intuition de leur devoir, le sentiment de leur utilité. A peine les petits commencent-ils à se mouvoir, qu'ils plongent leur museau dans la neige et la flairent comme s'ils y cherchaient quelque chose. Quand ils sont arrivés à leur entier développement, non-seulement, comme nous l'avons dit, ils accompagnent ou devancent le marronnier et le prêtre dans ses charitables excursions, mais ils entreprennent d'eux-mêmes de longues courses dans les ravins et les abimes. S'ils trouvent un homme gelé, ils retournent rapidement vers le cloitre, aboient de toutes leurs forces et ramènent les religieux vers l'endroit où ils ont fait leur découverte; quand ils passent près d'une avalanche récemment écroulée, ils la flairent pour s'assurer qu'elle ne recouvre personne, et, s'ils distinguent quelques traces humaines, ils les fouillent avec leurs ongles vigoureux jusqu'à ce qu'ils atteignent la victime qui est enfouie. S'ils ne peuvent y parvenir, ils vont à l'hospice chercher des auxiliaires.

On raconte des traits de leur sagacité que l'on ne pourrait croire, s'ils n'étaient attestés par des gens dignes de foi en voici un entre autres qui révèle chez ces animaux un instinct vraiment prodigieux. Un matin, des religieux, ayant fait leur descente accoutumée, remontaient vers le couvent par le sentier qu'ils avaient péniblement frayé. Les chiens pourtant couraient d'un autre côté, puis revenaient vers leurs maitres en jappant et en les tirant par leurs vêtements; les religieux les suivirent, et, quelques instants après, sur le chemin par

où ils voulaient passer, s'écroulait une avalanche dans laquelle ils eussent été infailliblement engloutis s'ils avaient persisté dans leur première résolution. Par quel flair, par quelle sorte de divination, ces chiens avaient-ils reconnu le danger menaçant? C'est un de ces problèmes d'histoire naturelle que la science ne peut expliquer.

Ces vaillants, ces intelligents chiens, ont leur héros, leur Alexandre; il s'appelait Barry et portait au col une médaille d'honneur, et il aurait eu le droit d'en porter quarante, car on a compté qu'il n'avait pas sauvé moins de quarante personnes. Un jour, dans une de ses ardeurs de sauvetage, il s'en va à l'aventure à travers la montagne, et trouve un enfant endormi dans la neige; alors il s'arrête, réchauffe et ravive peu à peu le pauvre petit en le léchant, puis se couche à quatre pattes devant lui et le tire doucement par le bras jusqu'à ce que l'enfant, obéissant machinalement à ce geste, à cette invitation, se place sur le dos du brave Barry, qui aussitôt se relève tout joyeux et rapporte en triomphe sa conquête au couvent.

Il y a quelques années, ces bonnes bêtes furent atteintes d'une maladie fort alarmante: les petits mouraient, les pères et les mères dépérissaient à vue d'œil. L'un d'eux, à qui sa vaillance avait fait donner le surnom de Mars, souffrait cruellement d'une pulmonie: on craignait de voir cette noble race s'éteindre. Grâce aux soins qui lui ont été prodigués, on est parvenu à la sauver, et j'ai eu le plaisir de voir courir autour de moi plusieurs beaux rejetons du bouillant Mars et du glorieux Barry. Quel malheur si ces précieux animaux manquaient à la maison du Saint-Bernard!

Mais non, rien ne doit lui manquer de ce qui excite un touchant intérêt, de ce qui étonne l'imagination, de ce qui édifie le cœur, de ce qui laisse une profonde impression dans l'âme!

Par une journée pour ainsi dire exceptionnelle dans cette haute région, une journée sans pluie, sans neige, sans orages, j'ai quitté à regret cette demeure où j'avais éprouvé de vives et religieuses émotions, ces vénérables chanoines qui m'avaient accueilli si fraternellement, ces domestiques si empressés à faire leur service et si polis, ces chiens même qui, dans leurs instants de repos, se laissent si doucement caresser, et que ma pensée ne peut séparer de la communauté humaine à laquelle ils sont si utiles!

Je me suis arrêté de nouveau près des corbeilles de roses des Alpes, et à la Cantine, et à l'auberge de Saint-Pierre, où ma gracieuse hôtesse se réjouissait de m'offrir, selon sa promesse, du pain frais de Martigny; de là mon cocher m'a conduit en quelques heures au bas de la montagne que nous avions gravie si lentement. A mesure que nous descendions, je voyais graduellement reparaître les diverses zones de végétation des collines et des vallons. Mais je ne cessais de songer aux

grandes montagnes, aux sombres défilés, au sublime désert du SaintBernard. L'alouette s'élevait dans les airs en chantant; la fauvette et la mésange gazouillaient sur les buissons, et, tandis qu'elles continuaient leurs joyeuses mélodies, j'entendais encore résonner à mon oreille les sifflements du vent autour des murs de la chapelle et la plaintive psalmodie du Dies iræ.

X. MARMIER.

LA

DIPLOMATIE FRANÇAISE EN 1860

I

A l'ouverture de la session du Sénat et du Corps législatif, l'Empereur a déclaré qu'il s'était « efforcé de prouver, dans ses relations avec les puissances étrangères, que la France désirait sincèrement la paix. » Puis, résumant les résultats de ces efforts, il a terminé son discours en disant que, « dans la pleine confiance de notre force comme de nos loyales intentions, » nous pouvions nous livrer « sans préoccupation exagérée au développement des germes de prospérité que la Providence a mis entre nos mains. >>

La publication de documents diplomatiques, préparée par M. le ministre des affaires étrangères, comme complément de la partie de l'Exposé de la situation de l'Empire relative à son département, le Blue Book soumis au parlement anglais, nous permettent d'apprécier, en laissant le plus souvent la parole aux documents officiels, les efforts de notre politique, son caractère, ses résultats, et par conséquent le degré de préoccupations qu'elle doit éveiller à l'endroit de l'a

venir.

Nous restreindrons toutefois cet examen aux affaires d'Italie, qui, à raison des principes et des intérêts qu'elles soulèvent, sont de beaucoup les plus graves.

La paix de Villafranca semblait avoir établi entre l'Autriche et la France une intimité qui promettait la constitution définitive de la fé

dération italienne par la rentrée dans leurs États des souverains dépossédés par la guerre.

A l'époque de la signature des préliminaires de Villafranca, l'empereur Napoléon, M. Thouvenel l'atteste, se livrait à l'espoir que l'organisation nouvelle de l'Italie pouvait se concilier avec la restauration des pouvoirs légitimes. C'est de cet espoir, qui, dans l'esprit de l'empereur François-Joseph, s'élevait à la hauteur d'une conviction, que s'inspirèrent les deux souverains en se tendant la main dans le but de mettre fin à l'effusion du sang. L'Empereur (d'Autriche) consentit à s'imposer un pénible sacrifice, à condition toutefois que les pouvoirs légitimes seraient réintégrés dans l'Italie centrale. Sa Majesté, dans l'intérêt du rétablissement de la paix, et dans l'espoir qu'elle serait consolidée et rendue féconde en résultats salutaires par une entente parfaite avec son adversaire de la veille, se décida à renoncer des droits et titres dont elle pouvait disposer; mais elle refusa positivement d'entrer dans des combinaisons qui auraient porté atteinte aux droits d'autrui et nommément à ceux des princes qui avaient foi dans son alliance.

Opposer une barrière à la marche de plus en plus envahissante de la révolution, en réintégrant les souverains dépossédés, et aller à la fois audevant des vœux de l'empereur des Français tendant à donner satisfaction aux aspirations du sentiment national, en unissant étroitement les gouvernements de la Péninsule par un lien fédératif, tel était le double but qui présida, tant aux actes de Villafranca et de Zurich, qu'à l'échange d'idées qui eut lieu, entre les deux cabinets, à Biarritz, surtout dans le but de concerter une marche uniforme pour assurer l'exécution de la partie politique des stipulations de la paix1. »

Cette politique était à la fois conforme aux intérêts et aux traditions de la France, et à ses engagements. Le rétablissement des souverains de l'Italie centrale rencontra, de la part des agents du gouvernement piémontais et des partisans de l'unité italienne, une opposition singulièrement téméraire alors qu'une armée française de cinquante mille hommes occupait encore la Lombardie, dont le sort n'avait pas été définitivement réglé par le traité de Zurich. Le ministère sarde montrait une confiance qui n'avait d'égale que la longanimité du cabinet français.

Une note insérée au Moniteur cut pour objet de rétablir le caractère des choses les plus simples, défigurées, suivant le journal officiel, par la passion et l'intrigue. Il y était dit que l'empereur d'Autriche avait « promis les plus larges concessions pour la Vénétie, admettant « pour son organisation future la position du Luxembourg vis-à-vis « de la Confédération germanique, mais mettant à ces concessions, « pour condition sine qua non, le retour des archiducs dans leurs

* Dépêche du comte de Rechberg au prince de Metternich (17 février 1860).

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