met à même de lire dans un français d'une élégante simplicité et d'une clarté irréprochable ce que les maîtres les plus distingués ont écrit de nos jours en faveur de l'autorité divine des livres du Nouveau Testament. Nous n'avons point aujourd'hui à porter de jugement sur un livre que nous ne voulons qu'annoncer; mais, d'après ce qu'il nous a été donné d'en lire, ce livre n'a guère d'allemand que la science et l'érudition. Le P. de Valroger, qui ne prend d'autre titre que celui de traducteur et d'annotateur, nous paraît ici envelopper son travail propre sous un voile trop modeste. Persuadé du plaisir que nous ferons à nos lecteurs, laissons le père de Valroger lui-même exposer le but qu'il s'est proposé et les moyens qu'il a mis en œuvre. C'est à la critique et à l'exégèse qu'il appartient de justifier l'enseignement de l'Église sur l'authenticité, la véracité, l'intégrité de nos Livres saints, sur l'inspiration de leur ensemble et de leurs diverses parties, sur le degré de leur importance et sur leur sens véritable. Des critiques renommés attaquent, au nom de la science, ces livres que nous vénérons comme inspirés de Dieu; ils prétendent leur enlever toute valeur historique, et détruire ainsi, par une conséquence inévitable, leur autorité dogmatique et morale. Notre devoir est de confondre ces prétentions sacriléges; notre silence serait exploité par nos adversaires comme un aveu de notre défaite, et les, fidèles auraient le droit de dire que nous oublions leurs besoins avec nos, devoirs. On a fait sans doute une réputation exagérée et mensongère aux prétendus géants de la critique hétérodoxe; mais cette réputation, n'étant pas facile à vérifier, est imposante et formidable au point de vue de la foule. Ce sont de grands fantômes, j'en conviens; mais, dans l'obscurité des horizons. lointains où ils se meuvent, ils suffisent pour inquiéter beaucoup d'âmes sincères. Ces âmes troublées auraient besoin, pour se rassurer, de sentir autour d'elles un large et profond mouvement de science orthodoxe. Vainement leur dirons-nous que les systèmes de ces critiques sont des fantaisies. d'érudit, des hypothèses complétement arbitraires, et que, loin d'avoir le mérite de la solidité, ils n'ont pas même toujours celui de la nouveauté : une foule d'esprits honnêtes et très-cultivés persisteront à considérer ces systèmes comme des découvertes inattendues et des objections irréfutables. Il ne suffit pas de savoir, pour notre compte personnel, que nos anciens apologistes, nos commentateurs orthodoxes, nous fournissent des armes suffisantes contre ces nouveaux ennemis; notre tâche est de le persuader å un siècle qui croit tout le contraire, et qui s'estime bien supérieur à tous les siècles passés, en fait de critique et d'exégèse comme de physique ou d'industrie. Si nous ne prouvons pas notre compétence, on refusera de nous croire et l'on attribuera notre sécurité à l'ignorance ou à l'entêtement. Nous pourrions, je le sais, renvoyer à nos détracteurs injure pour injure; nous pourrions leur dire, non sans fondement, que si nous méprisons la critique rationaliste de l'Allemagne sans l'avoir étudiée, eux l'admirent, en général, sans la connaître. Mais rétorquer n'est pas répondre, et outra→ ger n'est pas le moyen de convaincre, obe On cherche souvent à se persuader que ces lourds sophistes, chargés. d'hébreu et de grec, sont trop ennuyeux pour être lus; que, n'étant pas lus, ils ne sauraient être dangereux, et qu'ainsi la frivolité du public français nous dispense d'engager contre eux une discussion fastidieuse. Mais, tout au contraire, ces sophistes sont d'autant plus dangereux, qu'on a plus de peine à les lire et à se rendre un compte exact de leurs objections. Moins ils trouvent de lecteurs attentifs et patients, plus ils comptent d'admirateurs fanatiques. L'ennui qu'ils inspirent est précisément ce qui protége et conserve la renommée de solidité et de profondeur qu'on a su leur faire. Or c'est le fantôme de cette renommée qui obsède aujourd'hui une foule d'esprits, confirmant les uns dans le scepticisme, et troublant les autres dans la foi. Voyez, par exemple, la Vie de Jésus du docteur Strauss. Elle a, je crois, trouvé en France très-peu de lecteurs', bien que l'habile traduction de M. Littré soit arrivée en dix-huit ans à une seconde édition. Ce serait néanmoins une grave erreur de s'imaginer qu'une réimpression de Voltaire, ou de Rousseau, eût mieux servi la cause du scepticisme en France. Pour s'emparer du gouvernement de l'opinion, les ennemis du christianisme avaient besoin, il y a cent ans, de la verve satirique d'un Voltaire, de l'éloquence passionnée et fiévreuse d'un Rousseau. Comme ils ont seulement aujourd'hui à conserver leur empire, il leur suffit d'être obscurs. Empêcher leurs disciples de douter de leurs doutes, voilà désormais tout ce qu'ils ont à faire. Or quel moyen d'y parvenir, sinon d'avoir de gros livres indéchiffrables, comme celui de Strauss, de les vanter tous les jours par les mille voix de la presse périodique, et d'y renvoyer fièrement les esprits superficiels ? Quoi qu'on fasse pour entretenir le prestige exercé longtemps par les œuvres du dix-huitième siècle, on ne saurait y réussir. Ce prestige subsiste pour la génération qui s'en va; il ne peut plus exister pour les générations nouvelles. La plupart des jeunes hommes qui ont recueilli l'héritage des encyclopédistes ne sont, il est vrai, guère moins frivoles, guère moins passionnés que leurs pères; mais ils sentent le besoin de persuader au public et de se persuader à eux-mêmes qu'ils ne sont ni l'un ni l'autre. Il leur faut des ouvrages nouveaux, qui aient les apparences d'une solidité impartiale. Le livre de Strauss est un de ces ouvrages qui rassurent la conscience de nos C'est hors de France, dit-on, et surtout en Russie, que la traduction de M. Littré a été vendue. Parmi les curieux qui l'ont achetée, combien en est-il qui aient eu la patience de la lire en entier ? sceptiques. On le lit peu, mais on le tient pour irrefutable. Les rationalistes, même les plus curieux ou les plus inquiets, se contentent ordinairement de le placer dans leur bibliothèque, après l'avoir feuilleté; mais ils s'imaginent avoir, dans ce trés or fermé, la justification de leurs doutes. Ils accordent sans peine que la discussion du savant exégète est pesante et compliquée, que son pyrrhonisme est exagéré et son dogmatisme un peu ridicule; mais ils se flattent de posséder dans cette puissante compilation une masse de difficultés, dont la critique orthodoxe ne triomphera jamais complétement. Il importe de leur enlever cette fatale confiance. Le scepticisme des hommes frivoles ne peut nous être sans doute complétement imputė; mais quelle serait notre excuse, si les hommes sérieux pouvaient rejeter sur nous la formidable responsabilité de leur scepticisme? Des livres pareils au traité de M. Wallon sur la Croyance due à l'Évangile1 sont tout à fait appropriés aux besoins de ces hommes sérieux; mais un seul ne suffit pas; le savant et modeste académicien qui nous a donné un si bon exemple le sent comme moi, j'en suis sûr. Contre les progrès du scepticisine, qui nous envahit, il ne faut rien moins, encore une fois, qu'un vaste et long mouvement d'études bibliques au sein du clergé. Contribuer, pour une humble part, à ce mouvement nécessaire, voilà le désir qui m'a soutenu dans l'aride travail dont je donne ici le résultat. Depuis la ruine de nos vieilles institutions et par le concours de mille causes diverses, les grandes études, qui furent autrefois l'honneur et la force de notre Église, nous sont devenues malheureusement presque impossibles. Mais, Dieu aidant, l'Église a coutume de faire l'impossible, quand sa mission le demande. J'espère donc que nous verrons, malgré des obstacles sans nombre, renaître parmi nous ces grandes études. Cette renaissance d'ailleurs est déjà commencée, même en ce qui concerne les sciences bibliques, moins cultivées chez nous que d'autres sciences religieuses. Les écrits de M. Glaire2 en ont été pour le public un premier symptôme; mais le public ne sait pas tout ce qu'il y a de science cachée dans l'ombre de nos séminaires. Pour en juger, il faudrait, par exemple, avoir suivi, au séminaire Saint-Sulpice, les doctes leçons de M. Garnier, ou de M. Lehir. Le plus habile de nos adversaires a puisé dans cette source inconnue du monde la meilleure partie de ses connaissances philologiques. Le progrès des études relatives à l'Écriture est, j'en conviens, peu sensible chez nous ; néanmoins les publications récentes de MM. Meignan, Bargès, Crelier, Bo 11 vol. in-8°, 1858. M. Wallon a publié en outre en deux volumes un excellent résumé de l'Ancien et du Nouveau Testament, à l'usage des familles chrétiennes, et une traduction des saints Évangiles, extraite des œuvres de Bossuet. Nous devons joindre à ces livres trop peu répandus l'Histoire de N. S. J. C., par M. Foisset, ouvrage non moins utile à répandre. Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, 6 vol. in-12. Les Livres saints vengés, 2 vol. in-8. Le Pentateuque avec une traduction et des notes philologiques. — Grammaire hébraïque, etc. din, Bertrand, etc. ', prouvent qu'au fond ce progrès continue, et donne lieu d'espérer qu'il va prendre bientôt un essor nouveau. Nous devons toutefois le reconnaître les savants d'outre-Rhin ont aujourd'hui, en ces matières, un avantage évident sur nous ils ont continué, avec une ardeur croissante et une patience infatigable, l'étude des sciences bibliques interrompue chez nous par la tempête révolutionnaire qui détruisit, à la fin du dernier siècle, nos ordres religieux et nos vieilles universités. Avant de songer à les surpasser, nous devons étudier avec soin et passer au crible ce qu'ils ont fait depuis soixante ans. C'est à ce travail d'analyse éclectique que j'ai voulu contribuer en publiant ce manuel. On nous oppose sans cesse les résultats prétendus de la science allemande ; il nous importe de bien connaître et de montrer ses résultats véritables... Après avoir consacré de longues années à étudier l'histoire générale de la religion et de la philosophie, j'avais amassé des matériaux volumineux pour une introduction historique et critique aux livres de l'Ancien Testament. Des raisons décisives m'ont déterminé à publier d'abord une introduction au Nouveau Testament. Dans un temps de scepticisme comme le nôtre, il m'a semblé opportun d'appliquer aux sciences bibliques la méthode la plus conforme aux exigences d'une critique scrupuleuse. Cette méthode, du reste, n'est pas une nouveauté. Le savant Huet l'a suivie dans sa Démonstration évangélique. Je n'irai pas jusqu'à dire avec l'abbé Rohrbacher, que c'est là un trait de génie; mais c'est au moins, à mon avis, une preuve de sagacité. Il est en effet rationnel de procéder du plus connu au moins connu, du plus facile au plus difficile, surtout quand l'étude des questions claires fournit les moyens de bien résoudre les questions obscures, et peut dispenser d'études plus longues, plus compliquées. Or, sans nul doute, l'examen critique du Nouveau Testament est plus facile que celui de l'Ancien ; il y prépare, et, quand le temps manque, il peut en dispenser... L'horizon de nos Écritures est éclairé partout d'une lumière suffisante, pour l'esprit qui cherche la vérité avec amour; mais tous ses points ne brillent pas d'une évidence égale. Heureuse l'âme qui le contemple du foyer lumineux de l'Église catholique! Elle peut sans crainte et sans fatigue plonger ses regards dans toutes les profondeurs de cet immense horizon. 1 Les Prophéties messianiques, 1 vol. in-8, par M. l'abbé Meignan; M. Renan et le Cantique des Cantiques, in-8, par le même. Les Psaumes traduits sur l'hébreu, avec un commentaire, par M. l'abbé Crelier, t. I, 1858; le Livre de Job vengé, etc., par le même, in-8, 1860, etc. Je dois signaler aussi comme un heureux symptôme de renaissance divers articles insérés dans les savantes Études de théologie, de philosophie et d'histoire, que dirigent habilement les PP. Daniel et Gagarin. L'ordre illustre qui donna autrefois à l'Église un Maldonat, un Corneille Lapierre, et qui possède encore des érudits comme le P. Patrizzi, n'a pas oublié ses glorieuses traditions, et saura les faire revivre dans notre pays. * Il est profondément regrettable qu'à propos du Pentateuque il ait prétendu retrou Résumé d'une science dont les détails sont presque innombrables, le recueil que j'offre au public n'est pas fait pour être lu rapidement, mais pour être étudié avec persévérance, ou pour être consulté sur des questions spéciales. Il s'adresse aux hommes sérieux et instruits, qui veulent connaitre exactement l'histoire et les résultats des études critiques, dont les textes sacrés du Nouveau Testament sont l'objet depuis dix-huit siècles. Beaucoup de ces hommes sont réduits, faute de loisir, à étudier seulement, dans cette longue histoire, les questions les plus importantes. Chaque page de ce Manuel ayant un titre qui la résume, tout lecteur peut aisément y trouver les données dont il a besoin... Parmi les maîtres de la critique sacrée que l'Allemagne a produits récemment, j'ai cherché, non les plus brillants, mais les plus sages; puis j'ai tâché de leur emprunter la partie la plus nette et la plus solide de leurs écrits, sans leur dérober jamais, pour me l'attribuer, l'honneur que méritent leurs savants travaux. J'ai traduit, mais j'ai choisi. Je ne pouvais en aucune façon renoncer à la mesure d'indépendance qu'exigeaient ma conscience et mon but...' L'Introduction aux Livres du Nouveau Testament publiée en 1852, par le Dr Reithmayr, professeur de théologie à l'université de Munich, occupe dans nos deux volumes le premier rang et la plus large place. Parmi les ouvrages du même genre qui ont récemment paru, aucun, ce me semble, ne possède au même degré les qualités qui importent le plus en ces matières ; je trouve même cette Introduction supérieure, pour le fond, à celle qu'a publiée en 1852, le D' Adalbert Maier, professeur à l'université de Fribourg en Brisgau; ouvrage d'ailleurs très-estimable, auquel j'ai fait plusieurs fois des emprunts. Toutefois une traduction littérale et complète n'aurait eu, j'en suis sûr, aucune chance de réussir. J'ai donc demandé au savant et respectable maître que j'avais choisi la liberté dont j'avais besoin pour le succès et l'utilité de mon entreprise. Il a bien voulu me l'accorder dans une lettre inspirée par une modestie admirable. J'ai usé de sa permission dans la mesure qui m'a semblé rigoureusement nécessaire; mais j'ai fait de mon 'mieux pour n'en abuser jamais. 1 Je dois, en terminant, remercier Mgr Darboy et M. Lehir des encouragements et des bons conseils qu'ils m'ont donnés sans cesse, durant le travail très-long, très-minutieux, et sous plus d'un rapport contraire à mes goûts, dont j'apporte ici le résultat bien imparfait encore. Le public remarquera facilement les défauts de mon œuvre ; mais quant aux soins et aux fatigues que j'ai dû m'imposer, pour la faire telle qu'elle est, il ne peut pas les soupçonner. Ces labeurs souterrains sont nécessaires pour la solidité et la défense de l'édifice spirituel que nous avons mission de conserver. On se ver l'histoire de Moïse dans tous les mythes païens. Il a compromis par ce paradoxe Tautorité de son livre, qui contient d'ailleurs des parties très-solides. |