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Je vous répondrai que l'Inquifition entend raillerie en Italie, elle fait bien que des plaifanteries en vers ne peuvent faire de mal: vous en allez juger par cette petite traduction très-libre d'un morceau du chant vingt-troifiéme. Il s'agit d'un damné de la connoiffance de l'auteur. Le damné parle ainfi.

Je m'appellais le Comte de Guidon;
Je fus fur terre & foldat & poltron;
Puis m'enrollai fous Saint François d'Aflife;
Afin qu'un jour le bout de fon cordon
Me donnât place en la célefte Eglife;
Et j'y ferais fans ce Pape Félon,
Qui m'ordonna de fervir fa feintife,
Et me rendit aux griffes du démon.
Voici le fait. Quand j'étais fur la terre
Vers Rimini je fis long-tems la guerre,
Moins, je l'avoue, en héros, qu'en fripon.
L'art de fourber me fit un grand renom.
Mais quand mon chef cut porté poil grifon,
Tems de retraite où convient la fageffe,
Le repentir vint ronger ma vieillesse,
Et j'eus recours à la confession.
O repentir tardif & peu durable!
Le bon faint Pere en ce tems guerroyait,
Non le Soudan, non le Turc intraitable,
Mais les Chrétiens qu'en yrai Turc il pillait,
Or fans respect pour thiare & tonfure,
Pour faint François, fon froe, & fa ceinture;

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Frere, dit-il, il me convient d'avoir
Incellamment Prénefte en mon pouvoir.
Confeille-moi, cherche fous ton capuce
Quelque beau tour, quelqne gentille aftuce,
Pour ajouter en bref à mes états,

Ce qui me tente & ne m'appartient pas.
J'ai les deux clefs du Ciel en ma puiflance;
De Celeftin la dévote imprudence
S'en fervit mal, & moi je fais ouvrir
Et refermer le Ciel à mon plaifir.
Si tu me fers, ce Ciel eft con partage.
Je le fervis, & trop bien, dont j'enrage.
Il eut Prénefte, & la mort me faifit.
Lors devers moi faint François defcendit,
Comptant au Ciel amener ma bon ame;
Mais Belzébut vint en pofte, & lui dit:
Monfieur d'Affife, arrêtez; je reclame
Ce confeiller du faint Pere, il eft mien;
Bon faint François, que chacun ait le fien
Lors tout penaut le bonhomme d'Affife
M'abandonnait au grand diable d'enfer.
Je lui criai, Monfieur de Lucifer,
Je fuis un faint, voyez ma robe grife;
Je fuis abfous par le chef de l'Eglife.
J'aurai toujours, répondit le démon,
Un grand respect pour l'abfolution:
On eft lavé de fes vieilles fottifes,
Pourvu qu'après autres ne foient commifes
J'ai fait fouvent cette diftinction
A tes pareils, & grace à l'Italie,
Le diable fait de la théologie,

Il dit, & rit, je ne repliquai rien

A Belzebut; il raifonnait trop bien.

Lors il m'empoigne, & d'un bras roide & ferme,
Il applique fur ma trifte épiderme

Vingt coups de fouet, dont bien fort il me cuit;
ue Dien le rende à Boniface huit!

§ II.

PETRAR QUE.

Après le Dante, Petraque né en 1304 dans Arezzo, patrie de Gui Aretin, mit dans la langue italienne plus de pureté, avec toute la douceur dont elle était fufceptible. On trouve dans ces deux Poëtes & furtout dans Petrarque ungrand nombre de ces traits femblables à ces beaux ouvrages des anciens qui ont à la fois la force de l'antiquité, & la fraîcheur du moderne. S'il y a de la témérité à l'imiter, vous la pardonnerez au défir de vous faire connaître autant que je le peux le genre dans lequel il écrivait. Voici à-peuprès le commencement de fa belle ode à la Fon taine de Vauclufe, ode irréguliere à la vérité, & qu'il compofa en vers blancs fans fe géner par la rime, mais qu'on eftime plus que fes vers rimés.

» Claire fontaine, onde aimable, onde pure,
» Qù la beauté qui consume mon cœur,

Seule beauté qui foit dans la nature,
» Des feux du jour evitait la chaleur.
» Arbre heureux dont le feuillage
» Agité par les zéphirs,

» La couvrit de fon ombrage,

>> Qui me rappelles mes foupirs,

» En rappellant fon image:

» Ornemens de ces bords, & filles du matin,

» Vous dont je suis jaloux, vous moins brillantes qu'elles, » Fleurs qu'elle embelliffait quand vous touchiez fon fein; » Rollignols dont la voix eft moins douce & moins belle, » Air devenu plus pur, adorable féjour,

» Immortalife par ses charmes,

Lieux dangereux & chers, où de fes tendres armes » L'amour a bleffé tous mes fens;

» Ecoutez mes derniers accens,

» Recevez mes dernieres larmes.

Ces pieces qu'on appelle Canzoni font regardées comme fes chefs d'œuvres. Ses autres ouvrages lui firent moins d'honneur; il immortalifa la Fontaine de Vauclufe, Laure & lui-même, S'il n'avait point aimé, il ferait beaucoup moins. connu. Quelque imparfaite que foit cette imitation, elle fait entrevoir la diftance immenfe qui était alors entre les Italiens & toutes les autres nations. J'ai mieux aimé vous donner quelque légere idée du génie de Petrarque, de cette douceur & de cette moleffe élégante qui

fait font caractère, que de vous répéter ce que tant d'autres ont dit des honneurs qu'on lui offrit à Paris, de ceux qu'il reçut à Rome, de ce triomphe au capitole en 1341, célébre hommage que l'étonnement de fon fiécle payait à fon génie alors unique, furpaffé depuis par l'Ariofte & par le Tale. Mais je ne pafferai pas fous filence que fa famille avait été bannie de Tofcane & dépouillée de fes biens, pendant les diffentions des Guelfes & des Gibelins, & que les Florentins Jui députérent Bocace, pour le prier de venir honorer fa Patrie de fa préfence, & y joüir de la reftitution de fon patrimoine. La Grece dans fes plus beaux jours ne montra jamais plus de goût & plus d'eftime pour les talens.

CHAPITRE X.

Poëtes Français.

§ I.

ADAM BILLA UT.

ADAM Billaut connu fous le nom de maître Adam, Menuifier de Nevers. Il ne faut pas oublier ces homme fingulier, qui fans aucune

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