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plaifanterie. Par exemple on appelle madrigal ces vers charmans de M. Ferrand.

Etre l'Amour quelquefois je defire,

Non pour regner
fur la terre & les cieux ;
Car je ne vaux regner que fur Themire,
Seule elle vaut les mortels & les Dieux;
Non pour avoir un bandeau fur les yeux;
Car de tout point Themire m'eft fidelle,
Mais feulement pour épuifer fur elle

Du dieu d'Amour & les traits & les feux.

L'épigramme ne doit pas être placée dans un plus haut rang que la chanson:

» L'épigramme plus libre, en fon tour plus borné,
» N'eft fouvent qu'un bon mot de deux rimes orné.

Mais je ne confeillerais à perfonne de s'adonner
à un genre qui peut apporter beaucoup de cha-
grin avec peu de gloire. Ce fut par là malheu-
reufement qu'un célèbre poëte de nos jours
commença à fe diftinguer. Il n'avait réuffi ni à
l'opéra ni au théâtre comique. Il fe dédomma-
gea d'abord par l'épigramme; & ce fut la fource
de toutes fes fautes & de tous fes malheurs.

La débauche, & la facilité qu'on trouve à rimer des contes libertins, n'entraînent que trop la jeuneffe; mais on en rougit dans un âge plus

mûr. Il faut tâcher de fe conduire à vingt ans,

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comme on fouhaiterait de s'être conduit quand on en aurait quarante. L'obscénité n'est jamais du goût des honnêtes gens. Je prendrai dans Rouffeau le modèle du genre qui doit plaire à tous les bons efprits, même aux plus rigides; c'est la paraphrase de totus mundus fabula eft.

Ce monde-ci n'eft qu'une œuvre comique,
Où chacun fait des rôles différens.

Là fur la fcène en habit dramatique,
Brillent Prélats, Miniftres, Conquérans,
Pour nous vil peuple affis aux derniers rangs],
Troupe futile, & des grands rebutée,
Par nous d'en-bas la piece eft écoutée :
Mais nous payons, utiles spectateurs ;
Et fi la piece eft mal représentée,

Pour notre argent nous fifions les Acteurs.

Il n'y a rien à reprendre dans cette jolie épi gramme, que peut-être ce vers:

Troupe futile, & des grands rebutée.

Il paraît de trop; il gâte la comparaison des fpectateurs & des comédiens ; car les comédiens font forts éloignés de méprifer le parterre.

Il y a quelques épigrammes héroïques, mais elles font en très-petit nombre dans notre langue. J'appelle épigrammes héroïques, celles qui préfentent à la fin une penfée ou une image forte

& fublime, en confervant pourtant dans les vers une naïveté convenable à ce genre. En voici une dans Marot. Elle eft peut-être la feule qui caractèrise bien ce que je dis :

Lorsque Maillard, juge d'enfer, menait
A Montfaucon Semblançay l'ame rendre,
A votre avis lequel des deux tenait

Meilleur maintien ? Pour vous le faire entendre,
Maillard femblait homme que mort va prendre;
Et Semblançay fut fi ferme vieillard,

Que l'on cuidait pour vrai qu'il ménât pendre
A Montfaucon le Lieutenant Maillard.

Voilà de toutes les épigrammes, dans le goût noble, celle à qui je donnerais la préférence.

CHAPITRE VI I.

De la Poëfie orientale; & de Sady, Poète Perfan.

LES beaux Arts n'étaient pas tombés dans l'Orient au XIVe fiécle; & puifque les poëfies du Perfan Sady, font encore aujourd'hui dans la bouche des Perfans, des Turcs, & des Arabes, il faut bien qu'elles ayent du mérite. Il était contemporain de Petrarque, & il a autant de réputation que lui. Il eft vrai qu'en général

le

le bon goût n'a guère été le partage des Orien taux. Leurs ouvrages reffemblent aux titres de leurs Souverains, dans lefquels il eft fouvent queftion du foleil & de la lune. L'efprit de fervitude parait naturellement empoulé, comme celui de la liberté eft nerveux, & celui de la vraie grandeur eft fimple. Les Orientaux n'ont point de délicateffe, parce que les femmes ne font point admises dans la fociété. Ils n'ont ni ordre ni méthode, parce que chacun s'abandonne à fon imagination dans la folitude où ils paffent une partie de leur vie, & que l'imagination par elle-même eft déréglée. Ils n'ont jamais connu la véritable éloquence telle que celle de Demofthene & de Ciceron. Qui aurait-on eu à perfuader en Orient? des efclaves. Cependant ils ont de beaux éclats de lumiere ; ils peignent avec la parole; & quoique les figures foient fouvent gigantefques & incohérentes, on y trouve du fublime. Vous aimerez peut-être à revoir ici ce paffage de Sady que j'avais traduit en vers blancs, & qui reffemble à quelques paffages des prophêtes Hébreux. C'eft une peinture de la grandeur de Dieu; lieu commun à la vérité, mais qui vous fera connaître le génie de la Perfe.

» Il fait diftin&tement ce qui ne fut jamais.

>> De ce qu'on n'entend point fon oreille eft remplie

» Prince, il n'a pas befoin qu'on le serve à genoux: Juge, il n'a pas befoin que fa loi foit écrite.

» De l'éternel burin de fa prévision

» Il a tracé nos traits dans le fein de nos meres.

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>> De l'aurore au couchant'il porte le foleil.

» Il feme de rubis les maffes des montagnes.

» Il prend deux goutes d'eau ; de l'une il fait un homme, » De l'autre il arrondit la perle au fond des mers, » L'Etre au fon de fa voix fut tiré du néant. » Qu'il parle, & dans l'inftant l'univers va rentrer >> Dans les immenfités de l'efpace, & du vuide; » Qu'il parle, & l'univers repaffe en un clin d'œil » Des abîmes du rien dans les plaines de l'être.

CHAPITRE VIII.

Poëtes Anglais.

NULLE Nation n'a traité sa morale en vers avec plus d'énergie & de profondeur que la Nation anglaife; c'est là, ce me femble, le plus grand mérite de fes poëtes.

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