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& de ceux qui plus dignes de ce nom, ne font occupés que du progrès de l'art, qui aiment jufqu'à leurs rivaux & qui les encouragent.

C'eft ainfi que la terre avec plaifir rassemble
Ces chènes, ces fapins qui s'élevent ensemble.
Un fuc toujours égal eft préparé pour eux;

Leur pied touche aux enfers, leur cîme eft dans les cieux;
Leur tronc inébranlable, & leur pompeufe tête,
Réfifte, en le touchant, aux coups de la tempête.
Ils vivent l'un par l'autre; ils triomphent du tems,
Tandis que fous leur ombre on voit de vils ferpens
Se livrer en fifiant des guerres intestines,
Et de leur fang impur arrofer leurs racines.

Il y a très-peu de comparaisons dans ce goût; il n'eft rien de plus rare que de rencontrer dans la nature un affemblage de phénomènes qui reffemble à d'autres, & qui produise en même-tems de belles images.

Il y a de très-belles comparaifons dans Milton; mais leur principal mérite vient de la néceffité où il eft de comparer les objets étonnans & gigantefques qu'il représente aux objets plus naturels & plus petits qui nous font familiers. Par exemple, en faifant marcher Satan, qui eft d'une taille énorme, il le fait appuyer fur une lance, & il compare cette lance à un mât d'un grand navire ; au lieu que nous comparons le

canon à la foudre, il compare le tonnerre à notre artillerie. Ainfi toutes les fois qu'il parle du ciel & de l'enfer, il prend fes fimilitudes fur la terre. Son fujet l'entraînait naturellement à des comparaifons qui font toutes d'une espece oppofée à l'efpece ordinaire; car nous tâchons autant qu'il eft en nous, de comparer les choses à des objets plus relevés qu'elles ; & il eft, comme j'ai dit, forcé à une maniere contraire.

Un vice impardonnable dans les comparaifons, & toutefois trop ordinaire, est le manque de jufteffe. Il n'y a pas long-tems que j'entendis à un opéra un morceau qui me parut furprenant :

Comme un Zéphir qui caresse
Une fleur fans s'arrêter,
Une volage maîtreffe

S'empreffe de nous quitter.

Affurément des careffes conftantes, & fans s'ar rêter, faites à la même fleur, font le symbole de la fidélité & ne ressemblent en rien à une maîtreffe volage. L'auteur a été emporté par l'idée du zéphir, qui d'ordinaire fert de comparaison aux inconstances; mais il le peint ici, fans y penfer, comme le modèle des fentimens les plus fidèles : & à la honte du fiecle, ces abfurdités

paffent à la faveur de la mufique. Concluons que toute comparaison doit être juste, agréable, & ajouter à son objet, en le rendant plus fenfible.

CHAPITRE IV.
§ I.

De la Satyre.

Si je fuivais mon goût, je ne parlerais de la fatyre que pour en infpirer quelque horreur, & pour armer la vertu contre ce genre dangereux d'écrire. La fatyre eft prefque toujours injufte, & c'est là fon moindre défaut. Son principal mérite, qui amorce le lecteur, eft la hardieffe qu'elle prend de nommer les personnages qu'elle tourne en ridicule. Bien moins retenue que la comédie, elle n'en a pas les difficultés & les agrémens. Otez les noms de Cotin, de Chapelain, de Quinault, &un petit nombre de vers heureux, que reftera-t-il aux fatyres de Boileau? Mais le MiSantrope, le Tartuffe, qui font des fatyres encor plus fortes, fe foutiennent fans ce triste avantage d'immoler des particuliers à la rifée publique. Quand je dis que la fatyre eft injufte, je n'en veux pour preuve que les ouvrages de Boileau.

Il veut dans une de fes premieres fatyres élever la tragédie d'Alexandre de Racine, aux dépens de l'Aftrate de Quinault; deux pieces affez médiocres qui ne font pas fans quelques beautés. Il dit :

» Je ne fais pas pourquoi l'on vante l'Alexandre, >> Ce n'eft qu'un glorieux qui ne dit rien de tendre. » Les héros chez Quinault, parlent bien autrement, » Et jufqu'à je vous hais, tout s'y dit tendrement.

Il n'y a rien de plus contraire à la vérité que ce jugement de Boileau. L'Alexandre de Racine eft très-loin d'être fi glorieux. C'est, au contraire, un doucereux qui prétend n'avoir porté la guerre aux Indes que pour y adorer Cléophile. Et fi on peut appliquer à quelque piece de théâtre ce

vers,

Et jufqu'à je vous hais, tout s'y dit tendrement.

C'eft affurément à l'Andromaque de Racine, dans laquelle Pyrrhus idolâtre Andromaque, en lui difant des chofes très-dures; mais loin que ce foit un défaut dans la peinture d'une paffion de dire tendrement, je vous hais; c'est au contraire, une très-grande beauté. Rien ne caractérise fi bien l'amour, que les mouvemens violens d'un cœur, qui croit être parvenu à concevoir de la

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haine pour un objet qu'il aime avec fureur; & c'eft en quoi Quinault a fouvent réuffi ; comme quand il fait dire à Armide;

Que je le hais, que fon mépris m'outrage!

Ce tourment eft fi naturel, qu'il eft devenu très

commun.

§. II.

DESPRE AUX.

Nicolas Boileau Defpréaux de l'Académie, né au village de Crone auprès de Paris en 1636. Il effaya du Bareau, & enfuite de la Sorbonne. Dégoûté de ces deux chicanes, il ne fe livra qu'à fon talent, & devint l'honneur de la France. On a tant commenté fes ouvrages qu'un éloge ferait ici fuperflu. Il mourut en 1711.

Defpréaux s'élevait au niveau des Corneilles, des Racines, des Molieres, fes contemporains, non point par fes premieres fatyres; car les regards de la postérité ne s'arrêteront pas fur les embarras de Paris, & fur les noms des Caffaignes, & des Corins ; mais il inftruifait cette poftérité, par les belles épîtres, & furtout par

fon

art poëtique, où Corneille eût trouvé beaucoup à apprendre.

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