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» que l'or; ils n'ont garde de fe loger dans une

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petite maison, ni auffi dans un palais qui ex» cite l'envie. «<

Voici à peu près, me dit l'homme que je cite comment j'aurais voulu traduire ces vers:

Heureufe médiocrité

Préfide à mes defirs, préfide à ma fortune;
Ecarte loin de moi l'affreufe pauvreté,

Et d'un fort trop brillant la fplendeur importune.

Il eft certain qu'on ne devrait traduire les poëtes qu'en vers. Le contraire n'a été foutenu que par ceux qui n'ayant pas le talent, tâchent de le décrier; vain & malheureux artifice d'un orgueil impuiffant. J'avoue qu'il n'y a qu'un grand poëte qui foit capable d'un tel travail ; & voilà ce que nous n'avons pas encor trouvé.

Nous n'avons que quelques petits morceaux épars çà & là dans des recueils, mais ces effais nous font voir au moins qu'avec du tems, de la peine & du génie, on peut parmi nous traduire heureusement les poëtes en vers. Il faudrait avoir continuellement préfent à l'efprit cette belle traduction que Boileau a faite d'un endroit d'Homere:

L'Enfer s'émeut au bruit de Neptune ca furie,
Pluton fort de fon trône, il pálit, il s'écrie ;

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Il a peur que ce Dieu, dans cet affreux séjour
D'un coup de fon trident ne faffe entrer le jour.

Mais qu'il ferait difficile de traduire ainsi tout
Homere.

» J'eus toujours pour fufpects les dons des ennemis.

MEDEE de Corneille, acte IV, fcène IV.

Ce vers eft la traduction de ce beau vers de Virgile:

Timeo Danaos & dona ferentes.

Et Virgile lui même a pris ce vers d'Homere mot à mot. Quand on imite de tels vers qui font devenus proverbes, il faut tâcher que nos imitations deviennent auffi proverbes dans notre langue. On n'y peut réuffir que par des mots harmonieux, aifés à retenir. Pour fufpects les dons, eft trop rude; on doit éviter les confonnes qui fe heurtent. C'est le mêlange heureux des voyelles & des confonnes, qui fait le charme de la verfification.

On trouve dans la Médée de Seneque ce beau

vers:

Si judicas, cognofce; fi regnas, jube.

N'es-tu que Roi? commande. Es-tu juge examine.
M. DE VOLTAIRE,

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CHAPITRE III.

Comparaifons poétiques.

LES comparaifons ne paraissent à leur place que dans le poëme épique & dans l'ode. C'est là qu'un grand poëte peut déployer toutes les richeffes de l'imagination, & donner aux objets qu'il peint un nouveau prix par la reffemblance d'autres objets. C'eft multiplier aux yeux des lecteurs les images qu'on lui préfente. Mais il ne faut pas que ces figures foient trop prodiguées. C'est alors une intempérance vicieuse, qui marque trop d'envie de paraître, & qui dégoûte & laffe le lecteur. On aime à s'arrêter dans une promenade pour y cueillir des fleurs; mais on ne veut pas fe baiffer à tout moment pour en ramaffer.

Les comparaisons font fréquentes dans Homere. Elles font pour la plupart fort fimples, & ne font relevées que par la richeffe de la diction. L'auteur du Télémaque, venu dans un tems plus rafiné, & écrivant pour des efprits plus exercés, devait, à ce que je crois, chercher à embellir fon ouvrage par des comparaifons moins communes.. On ne voit chez lui que des princes com

parés à des bergers, à des taureaux, à des lions, à des loups avides de carnage. En un mot, fes comparaifons font triviales ; & comme elles ne font pas ornées par le charme de la poësie, elles dégenerent en langueur.

Les comparaifons dans le Taffe font bien plus ingénieuses. Telle eft, par exemple, celle d'Armide, qui fe prépare à parler à fon amant, & qui étudie fon difcours pour le toucher, avec un muficien qui prélude avant de chanter un air attendriffant. Cette comparaifon qui ne fera pas placée en peignant une autre qu'une magicienne artificieuse, est là tout-à-fait juste. Il y a dans le Taffe peu de ces comparaisons nouvelles. De tous les poëmes épiques, la Henriade eft celui où l'on en voit davantage :

Il éleve fa voix, on murmure, on s'empreffe ;
On l'entoure, on l'écoute, & le tumulte ceffe:
Ainfi dans un vaiffeau qu'ont agité les flots,
Quand les vents appaifes ne troublent plus les eaux,
On n'entend que le bruit de la proue écumante,
Qui fend d'un cours heureux la vague obéiffante.
Tel paraillait Potier, dictant fes jufte loix,
Et la confufion fe taifait à fa voix.

Rien encor de plus neuf que cette comparaifon d'un combat de d'Aumale & de Turenne :

On fe plait à les voir s'obferver & fe craindre,

S'avancer, s'arrêter, fe mefurer, s'atteindre.
Le fer étincelant, avec art détourné,

Par de feints mouvemens trompe l'œil étonné
Telle on voit du Soleil la lumiere éclatante,
Brifer les traits de feu dans l'onde transparente,
Et fe rompant encor par des chemins divers,
De ce cristal mouvant repaffer dans les airs.

Voilà comme un poëte peut faire fervir la nature à embellir fon ouvrage, & comme la science la plus épineufe devient entre fes mains un ornement; mais j'avoue que je fuis plus transporté encor de ces comparaifons moins recherchées & plus frappantes, prifes des plus grands objets de la nature :

Sur les pas des deux chefs alors en même tems
On voit des deux partis voler les combattans;
Ainfi lorfque des monts féparés par Alcide,
Les Aquilons fougueux fondent d'un vol rapide,
Soudain les flots émus des deux profondes mers
D'un choc impétueux s'élancent dans les airs.
La terre au loin gémit, le jour fuit, le ciel gronde,
Et l'Afriquain tremblant craint la chûte du monde.

Voici une comparaison qui me plaît davantage, parce qu'elle renferme à la fois deux objets comparés à deux autres objets. C'est dans une épître fur l'Envie. Il s'agit des gens de lettres qui fe déchirent mutuellement par des fatyres,

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