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§ X I.

LA PRINCESSE D'ELIDE

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LES PLAISIRS DE L'ISLE ENCHANTÉE,

Repréfentée le 7 Mai 1664, à Versailles, à la grande fête que le Roi donna aux Reines.

Les fêtes que Louis XIV donna dans fa jeuneffe, méritent d'entrer dans l'hiftoire de ce Monarque, non-feulement par les magnificences fingulieres, mais encor par le bonheur qu'il eut d'avoir des hommes célèbres en tous genres, qui contribuaient en même tems à fes plaisirs, à la politeffe, & à la gloire de la nation. Ce fut à cette fête, connue fous le nom de l'e enchantée, que Moliere fit jouer la Princesse d'Elide, comédie - ballet en cinq actes. Il n'y a que le premier acte & la premiere fcène du fecond, qui foient en vers: Moliere, preffé par le tems, écrivit le refte en prose. Cette piece réuffit beaucoup dans une Cour qui ne refpirait que la joie, & qui au milieu de tant de plaisirs, ne pouvait critiquer avec févérité un ouvrage fait à la hâte pour embellir la fête.

On a depuis repréfenté la Princesse d'Elide à Paris; mais elle ne put avoir le même fuccès,

dépouillée de tous fes ornemens & des circonftances heureuses qui l'avaient foutenue. On joua la même année la comédie de la Mere coquette, du célebre Quinault; c'était prefque la feule bonne comédie qu'on eût vûe en France, hors les pieces de Moliere, & elle dût lui donner de Pémulation. Rarement les ouvrages faits pour des fêtes réuffiffent-ils au thèâtre de Paris. Ceux à qui la fête est donnée, font toujours indulgens: mais le public libre eft toujours févère. Le geare ferieux & galant n'était pas le génie de Moliere; & cette efpece de Poëme n'ayant ni le plaifant de la comédie, ni les grandes paffions de la tragédie, tombe prefque toujours dans l'infipidité. § XII.

LE MARIAGE FORCÉ,

Petite Piece en profe & en un acte, repréfentée au Louvre, le 24 Janvier 1664, & au théâtre du Palais-Royal le 15 Décembre de la même

année.

C'est une de ces petites Farces de Moliere, qu'il prit l'habitude de faire jouer après les pieces en cinq actes. Il y a dans celle-ci quelques fcènes tirées du théâtre Italien. On y remarque plus de bouffonnerie, que d'art & d'agrément. Elle fut

accompagnée au Louvre d'un petit ballet, où Louis XIV danfa.

§ XIII.

L'AMOUR MEDECIN,

Petite Comédie en un acte & en profe, repréfentée à Versailles le 15 Septembre 1665, & fur le théâtre du Palais-Royal le 22 du même mois.

L'Amour Medecin eft un impromptu, fait pour le Roi en cinq jours de tems: cependant cette petite piece eft d'un meilleur comique que le Mariage force. Elle fut accompagnée d'un prologue en mufique, qui eft l'une des premieres compofitions de Lully.

C'est le premier ouvrage dans lequel Moliere ait joué les Médecins. Ils étaient fort différens de ceux d'aujourd'hui ; ils allaient prefque toujours en robe & en rabat, & confultaient en latin.

Si les Médecins de notre tems ne connaissent pas mieux la nature, ils connaiffent mieux le monde, & favent que le grand art d'un Médecin eft l'art de plaire. Moliere peut avoir contribué à leur ôter leur pédanterie ; mais les mœurs du fiécle, qui ont changé en tout, y ont contribué davantage. L'efprit de raifon s'eft intro

!

duit dans toutes les fciences, & la politeffe dans toutes les conditions.

§ XIV.

DON JUAN OU LE FESTIN DE PIERRE,

Com die en profe & en cinq actes, représentée sur le théâtre du Palais-Royal, le 15 Février 1665.

L'original de la comédie bizarre du Feftin de Pierre eft de Trifo de Molina, Auteur Efpagnol. Il eft intitulé: El Combidado de Piedra, le Con vié de Pierre. Il fut joué enfuite en Italie, fous le titre de Convitato di Pietra. La troupe des Comédiens Italiens le joua à Paris, & on l'appella le Feftin de Pierre. Il eut un grand fuccès fur ce théâtre irrégulier; l'on ne fe révolta point contre le monftrueux affemblage de bouffonnerie & de religion, de plaifanterie & d'horreur ni contre les prodiges extravagans qui font le fujet de cette piece: une flatue qui marche & qui parle, & les flammes de l'enfer qui engloutiffent un debauché fur le théâtre d'Arlequin, ne fouleverent point les efprits, foit qu'en effet il y ait dans cette piece quelque intérèt, soit que le jeu des Comédiens l'embellit; foit plutôt que le peuple, à qui le Feftin de Pierre plaît

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beaucoup plus qu'aux honnêtes gens, aime cette efpece de merveilleux.

Villiers, Comédien de l'Hôtel de Bourgogne, mit le Feftin de Pierre en vers, & il eut quelque fuccès à ce théâtre. Moliere voulut auffi traiter ce bizarre fujet. L'empreffement d'enlever des fpectateurs à l'Hôtel de Bourgogne, fit qu'il fe contenta de donner en profe fa comédie : c'était une nouveauté inouie alors, qu'une piece de cinq actes en profe. On voit par-là combien l'habitude a de puiffance fur les hommes, & comme elle forme les différens goûts des nations. Il y a des pays où l'on n'a pas l'idée qu'une co→ médie puiffe réuffir en vers; les Français au contraire ne croyaient pas qu'on pût fupporter une longue comédie qui ne fut pas rimée. Ce préjugé fit donner la préférence à la piece de Vil liers fur celle de Moliere; & ce préjugé a duré fi long-tems, que Thomas Corneille en 1673, immédiatement après la mort de Moliere, mit fon Feftin de Pierre en vers: il eut alors un grand fuccès fur le théâtre de la rue Guenégaud, & c'eft de cette feule maniere qu'on le représente aujourd'hui.

A la premiere représentation du Feflin de Pierre de Moliere, il y avait une scène entre Don Juan & un Pauvre, Don Juan demandait à ce Pauvre,

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