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On eft obligé de dire (& c'eft principalement aux Etrangers qu'on le dit) que le stile de cette piéce eft faible & négligé, & que furtout il y a beaucoup de fautes contre la langue. Non-feulement il se trouve dans les ouvrages de cet admirable `auteur, des vices de construction, mais auffi plufieurs mots impropres & furannés. Trois des plus grands auteurs du fiécle de Louis XIV, Moliere, la Fontaine & Corneille, ne doivent être lus qu'avec précaution par rapport au langage. Il faut que ceux qui apprennent notre langue dans les écrits des auteurs célebres, y discernent ces petites fautes, & qu'ils ne les prennent pas pour des autorités.

Au refte, l'Étourdi eut plus de fuccès que le Misantrope, l'Avare, & les Femmes favantes, n'en eurent depuis. C'eft qu'avant l'Étourdi on ne connoiffait pas mieux, mieux, & que la réputation de Moliere ne faisait pas encor d'ombrage. Il n'y avait alors de bonne Comédie au théâtre Français, que le Menteur.

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§ II.

LE DÉPIT AMOUREUX,

Comédie en vers & en cinq actes, représentée au
Théâtre du Petit-Bourbon en 1658.

Le Dépit amoureux fut joué à Paris, immédiatement après l'Étourdi. C'est encor une piece d'intrigue, mais d'un autre genre que la précédente. Il n'y a qu'un feul nœud dans le Dépit amoureux. Il eft vrai que l'on a trouvé le déguisement d'une fille en garçon peu vraisemblable. Cette intrigue a le défaut d'un roman, fans en avoir l'intérêt. Et le cinquieme acte employé à débrouiller ce roman, n'a paru ni vif, ni comique. On a admiré dans le Dépit amoureux la fcène de la brouillerie & du racommodement d'Erafte & de Lucile. Le fuccès eft toujours affuré, foit en tragique, foit en comique, à ces fortes de fcènes qui repréfentent la paffion la plus chere aux hommes dans la circonftance la plus vive. La petite Ode d'Horace, Donec gratus eram tibi, a été regardée comme le modéle de ces fcènes, qui font enfin devenues des lieux communs.

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§ III.

LES PRÉCIEUSES RIDICULES,

Comédie en un acte, & en profe, jouée d'abord en Province, & repréfentée pour la premiere fois à Paris, fur le théâtre du Petit-Bourbon, au mois de Novembre 1659.

Lorfque Moliere donna cette comédie, la fureur du bel-efprit, était plus que jamais à la mode. Voiture avait été le premier en France qui avait écrit avec cette galanterie ingénieufe, dans laquelle il eft fi difficile d'éviter la fadeur & l'affectation. Ses ouvrages, où il fe trouve quelques vraies beautés avec trop de faux brillans, étaient les feuls modéles; & prefque tous ceux qui fe piquaient d'efprit, n'imitaient que fes défauts. Les romans de Mlle Scudéri avaient achevé de gâter le goût: il regnait dans la plupart des converfations un mêlange de galanterie guindée, de fentimens romanefques & d'expreffions bizarres, qui compofaient un jargon nouveau, inintelligible & admiré. Les provinces qui outrent toutes les modes, avaient encor rencheri fur ce ridicule les femmes qui fe piquaient de cette efpece de bel efprit, s'appellaient Precieu fes; ce nom, fi décrié dépuis par la piece de

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Moliere, était alors honorable; & Moliere même dit dans fa préface, qu'il a beaucoup de refpect pour les véritables Précieufes, & qu'il n'a voulu jouer que les fauffes.

Cette petite piece, faite d'abord pour la Province, fut applaudie à Paris, & jouée quatre mois de fuite. La Troupe de Moliere fit doubler pour la premiere fois le prix ordinaire, qui n'était que de dix fols au Parterre.

Dès la premiere représentation, Ménage, homme célebre dans ce tems-là, dit au fameux Chapelain Nous adorions vous & moi toutes les fotifes qui viennent d'être fi bien critiquées ; croyezmoi, il nous faudra brûler ce que nous avons adoré.Du moins c'eft ce que l'on trouve dans le Menagiana; & il eft affez vraisemblable que Chapelain, homme alors très-eftimé, & cependant le plus mauvais Poëte qui ait jamais été, parlait lui-même le jargon des Précieufes ridicules chez Madame de Longueville, qui préfidait, à ce que dit le Cardinal de Retz, à ces combats spirituels dans léfquels on était parvenu à ne fe point entendre.

La piece eft fans intrigue & toute de caractere. Il y a très-peu de défauts contre la langue, parce que lorsqu'on écrit en profe, on eft bien plus maître de fon ftile ; & parce que Moliere ayant à critiquer le langage des beaux ef

prits du tems, châtia le fien davantage. Le grand fuccès de ce petit ouvrage lui attira des critiques, que l'Étourdi & le Dépit amoureux n'avaient pas effuyées. Un certain Antoine Bodeau fit les véritables Précieufes; on parodia la piece de Moliere: mais toutes ces critiques & ces parodies font tombées dans l'oubli qu'elles méritaient.

On fait qu'à une représentation des Précieuses ridicules, un vieillard s'écria du milieu du Parterre: Courage, Moliere, voilà la bonne Comédie. On eut honte de ce ftile affecté, contre lequel Moliere & Defpréaux fe font toujours élevés. On commença à ne plus eftimer que le naturel; & c'eft peut-être l'époque du bon goût en France.

L'envie de se diftinguer a ramené depuis le ftile des Précieuses; on le retrouve encor dans plufieurs livres modernes. L'un, * en traitant sérieusement de nos loix, appelle un exploit un compliment timbré. L'autre, ** écrivant à une maîtreffe en l'air, lui dit : Votre nom est écrit en groffes lettres fur mon cœur. Je veux vous faire peindre en Iroquoife mangeant une demi douzaine de cœurs par amufement. Un troifieme, *** appelle un cadran au Soleil, un Greffier folaire;

Toureil. ** Fontenelle. *** La Motte.

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