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on eft charmé de voir la peinture, & qui ne caufent qu'un plaifir férieux. Un malhonnête homme ne fera jamais rire, parce que dans le rire, il entre toujours de la gayeté, incompatible avec le mépris & l'indignation. Il est vrai qu'on rit au Tartuffe ; mais ce n'eft pas de fon hypocrifie, c'eft de la méprife du bon homme qui le croit un Saint; & l'hypocrifie une fois reconnue, on ne rit plus, on fent d'autres impreffions.

On pourrait aisément remonter aux fources de nos autres fentimens, à ce qui excite la gayeté, la curiofité, l'intérêt, l'émotion, les larmes. Ce ferait furtout aux Auteurs dramatiques à nous développer tous ces refforts, puifque ce font eux qui les font jouer. Mais ils font plus occupés de remuer les paffions que de les examiner: ils font perfuadés qu'un fentiment vaut mieux qu'une définition, & je fuis trop de leur avis pour faire ici un traité de philofophie.

§. I.

De l'intérêt dans la Comédie.

Il faut attacher dans la Comédie comme dans la Tragédie, quoique par des moyens absolument différens. Il faut que le cœur foit abfolument

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occupé; il faut qu'on défire & qu'on crai gne; les fituations doivent être vives.

Si Clarice (dans la premiere fcène du Menteur) n'avait point fait un faux pas, il n'y aurait donc pas de piece? Ce défaut eft de l'Auteur Espagnol. L'efprit eft plus content quand l'intrigue eft déja nouée dans l'expofition. On prend bien plus de part à des paffions déja regnantes, à des intérêts déja établis. Un amour qui commence tout d'un coup dans la piece, & dont l'origine est faible, ne fait aucune impreffion, parce que cet amour n'eft pas affez vraifemblable. On tolére la naiffance foudaine de cette paffion dans quelque jeune homme ardent & impétueux qui s'enflamme au premier objet ; encor y faut-il beaucoup de nuances.

§ I I.

Scènes de Valets.

Les plaifanteries d'un Valet, & fon avidité pour l'argent, font très-groffieres. On n'a que trop long-tems avili la Comédie par ce bas-comique, qui n'eft point du tout comique. Les fcènes de Valets & de Soubrettes, ne font bonnes que quand elles font abfolument néceffaires à l'intérêt de la piece, & quand elles renouent

l'intrigue elles font infipides dès qu'on ne les introduit que pour remplir le vuide de la fcène ; & cette infipidité jointe à la baffeffe des discours, deshonorent un théâtre fait pour amufer & pour inftruire les honnêtes gens.

Ces fcènes où les Valets font l'amour à l'imitation de leur maîtres, font enfin profcrites du théâtre avec beaucoup de raison. Ce n'est qu'une parodie baffe & dégoûtante des premiers perfonnages. § III.

- Des Comédies en profe.

Les Ménandres, les Terences, écrivirent en vers, c'est un mérite de plus, & ce n'est guères que par impuiffance de mieux faire, ou par envie de faire vîte, que les Modernes ont écrit des Comédies en profe: on s'y est ensuite accoutumé. L'Avare, furtout, que Moliere n'eut pas le tems de verifier, détermina plufieurs Auteurs à faire en profe leurs Comédies. Bien des gens prétendent aujourd'hui que la profe eft plus naturelle, & fert mieux le comique. Je crois que dans les Farces la profe eft affez convenable: mais que le Misantrope & le Tartuffe perdraient de force & d'énergie, s'ils étaient en profe!

CHAPITRE V I.

OBSERVATIONS SUR LES COMEDIES DE MOLIERE.

§ I.

L'ETOUR DI OU LES CONTRE-TEMS.

Comédie en vers & en cinq actes, jouée d'abord à Lyon en 1653, & à Paris au mois de Décembre 1658, fur le théâtre du Petit-Bourbon.

CETTE

TTE piece eft la premiere Comédie que Moliere ait donnée à Paris elle eft compofée de plufieurs petites intrigues affez indépendantes les unes des autres ; c'était le goût du théâtre Italien & Espagnol, qui s'était introduit à Paris. Les Comédies n'étaient alors que des tiffus d'avanture: fingulieres, où l'on n'avait guères fongé à peindre les mœurs. Le théâtre n'était point, comme il le doit être, la représentation de la vie humaine. La coutume humiliante pour l'bumanité, que les hommes puiffans avaient pour lors, de tenir des fous auprès d'eux, avait infecté le théâtre ; on n'y voyait que de vils bouffons, qui, étaient les modéles de nos Jodelers; & on ne représentait que le ridicule de ces mifé

rables, au lieu de jouer celui de leurs maîtres. La bonne comédie ne pouvait être connue en France, puifque la fociété & la galanterie, feules fources du bon comique, ne faisaient que d'y naître. Ce loifir dans lequel les hommes rendus à eux-mêmes fe livrent à leur caractere & à leurs ridicules, eft le feul tems propre pour la comédie; car c'eft le feul où ceux qui ont le talent de peindre les hommes ayant l'occafion de les bien voir, & le feul pendant lequel les fpectacles puiffent être fréquentés affiduement. Auffi ce ne fut qu'après avoir bien vû la Cour & Paris, & bien connu les hommes, que Moliere les représenta avec des couleurs fi vraies & fi durables.

Les Connaiffeurs ont dit, que l'Étourdi devrait feulement être intitulé, les Contre-tems. Lélie, en rendant une bourfe qu'il a trouvée, en fécourant un homme qu'on attaque, fait des actions de générofité, plutôt que d'étourderie. Son Valet parait plus étourdi que lui, puifqu'il n'a prefque jamais l'attention de l'avertir de ce qu'il veut faire. Le dénouement qui a trop fouyent été l'écueil de Moliere, n'eft pas meilleur ici que dans fes autres piéces : cette faute eft plus inexcufable dans une piéce d'intrigue, que dans une comédie de caractere.

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