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eft bien la plus plaifante créature, & le meil leur caractère, qui foit au théâtre.

Wicherley a encor tiré de Moliere une piéce non moins finguliere, & non moins hardie c'est une espece d'Ecole des femme. Le principal perfonnage de la piéce, eft un drôle à bonnes fortunes, la terreur des maris de Londres, qui pour être plus für de fon fait, s'avife de faire courir le bruit que dans fa derniere maladie les Chirurgiens ont trouvé à propos de le faire eunuque. Avec cette belle réputation, tous les maris lui amenent leurs femmes & le pauvre homme n'eft plus embarraffé que du choix. Il donne fur-tout la préférence à une petite campagnarde, qui a beaucoup d'innocence & de, tempéramment, & qui fait son mari cocu avec une bonne foi qui vaut mieux que la malice des Dames les plus expertes. Cette piéce n'est pas, fi vous voulez, l'école des bonnes mœurs; mais en vérité, c'est l'école de l'efprit & du bon comique.

Un Chevalier Van Brugh a fait des Comédies encor plus plaifantes, mais moins ingenieuses. Ce Chevalier était un homme de plaifir, & par deffus cela Poëte & Architecte. On prétend, qu'il écrivait avec autant de délicateffe & d'élégance, qu'il batiffait groffierement. C'eft lui qui

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a bâti le fameux château de Blenheim, péfant

durable monument de notre malheureuse bataille d Hochftet: fi les appartemens étaient feulement auffi larges que les murailles font épaiffes, ce château ferait affez commode. On a mis dans l'épitaphe de Van Brugh, qu'on fouhaitait que la terre ne lui fût point légere, attendu que de fon vivant il l'avait fi inhumainement chargée. Ce Chevalier ayant fait un tour en France avant la belle guerre de 1701, fut mis à la Bastille, &y refta quelque tems, fans jamais avoir pû favoir ce qui lui avait attire cette diftinction de la part de notre ministère. Il fit une comédre à la Baftille; & ce qui eft à mon fens fort étrange, c'eft qu'il n'y a dans cette pièce aucun trait contre le pays dans lequel il effuya cette violence.

Celui de tous les Anglais qui a porté le plus loin la gloire du théâtre comique, eft feu M• Congreve. Il n'a fait que peu de pieces, mais toutes font excellentes dans leur genre. Les régles du théâtre y font rigoureufement obfervées. Elles font pleines de caractères nuancés avec une extrême fineffe: vous y voyez par-tout le langage des honnêtes-gens, avec des actions de fripon; cé qui prouve, qu'il connaiffait bien fon monde, & qu'il vivait dans ce qu'on appelle la bonne

compagnie. Ses piéces font les plus fpirituelles & les plus exactes, celles de Van Brugh les plus gaies, & celles de Wicherley les plus fortes. II' eft à remarquer, qu'aucun de ces beaux efprits n'a mal parle de Moliere; il n'y a que les mauvais Auteurs Anglais qui ayent dit du mal de ce grand homme.

Au refte, ne me demandez pas que j'entre ici dans le moindre détail de ces piéces Anglaifes dont je fuis fi grand partifan, ni que je vous rapporte un bon mot ou une plaifanterie des Wicherleys & des Congréves: on ne rit point dans une traduction. Si vous voulez connaître la Comédie Anglaise, il n'y a d'autre moyen pour cela que d'aller à Londres, d'y refter trois ans, d'apprendre bien l'Anglais, & de voir la Comédie tous les jours. Je n'ai pas grand plaifir en lifant Plaute & Ariflophane: pourquoi? c'eft que je ne fuis ni Grec, ni Romain. La fineffe des bons mots, l'allution, l'à propos, tout cela eft perdu pour un etranger.

Il n'en eft pas de même dans la tragédie. II n'eft queftion chez elle que de grandes paffions, & de fottifes héroïques, confacrées par de vieilles erreurs de fables ou d'hiftoire. Elipe, Electre, appartiennent aux Efpagnols, aux Anglais, & à nous comme aux Grecs. Mais la bonne Comé

die eft la peinture parlante des ridicules d'une nation, & fi vous ne connaiffez pas la nation à fond vous ne pouvez gueres juger de la peinture.

On reproche aux Anglais leur scène souvent enfanglantée & ornée de corps morts; on leur reproche leurs gladiateurs, qui combattent à moitié nuds devant de jeunes filles & qui s'en retournent quelquefois avec un nez & une joue de moins. Ils disent pour leurs raifons, qu'ils imitent les Grecs dans l'art de la Tragédie, & les Romains dans l'art de couper des nez. Mais leur théâtre eft un peu loin de celui des Sophocles & des Euripides ; & à l'égard des Romains, il faut avouer, qu'un nez & une joue font bien peu de chofe, en comparaifon de cette multitude de victimes qui s'égorgeaient mutuellement dans le Cirque pour le plaifir des Dames Romaines. Ils ont eu quelquefois des danses dans leurs Comédies, & ces danfes ont été des allégories d'un goût fingulier. Le pouvoir defpotique & l'Etat républicain, furent repréfentés en 1709, par une danfe tout-à-fait galante. On voyait d'abord un Roi qui après un entrechat, donnait un grand coup de pied dans le derriere à fon premier Miniftre; celui-ci le rendait à un fecond, le fecond à un troifieme, & enfin celui qui recevait le dernier coup figurait le gros

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de la nation, qui ne fe vengeait fur perfonne; le tout fe faifait en cadence. Le Gouvernement Républicain était figuré par une danfe ronde, où chacun donnait & recevait également. C'eft pourtant-là le pays qui a produit des Addisons, des Popes, des Lockes, & des New tons.

CHAPITRE II.

De la Comédie en France.

Il faut avouer que nous devons à l'Espagne la

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premiere Tragédie touchante, & la premiere Comédie de caractère quiayent illuftré la France. Ne rougiffons point d'être venus tard dans tous les genres. C'eft beaucoup que dans un tems où l'on ne connoiffait que des avantures romanefques & des turlupinades, Corneille mit la morale fur le théâtre. Ce n'eft qu'une traduction, mais c'eft probablement à cette traduction que nous devons Moliere. Il eft impoffible en effet, que l'inimitable Moliere ait vû cette piece, fans voir tout d'un coup la prodigieufe fupériorité que ce genre a fur tous les autres, & fans s'y livrer entiérement. Il y a autant de distance de Mélite au Menteur, que de toutes les Comédies de ce tems-là à Mélite: ainsi Corneille a reformé la A a iij

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