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petites tromperies, des changemens d'habits; des billets qu'on entend en un fens, & qui en fignifient un autre, des oracles même à double entente, des méprifes de fubalternes qui ont mal vû, ou qui n'ont vû que la moitié d'un événement, font des inventions de la tragédie mo derne; inventions petites, mefquines, imitées de nos romans; puérilités inconnues à l'antiquité, & dont il faut couvrir la faibleffe par quelque chofe de grand & de tragique, comme vous avez vû dans les Horaces la méprife d'une fuivante, produire les plus grands mouvemens. Le vieil Horace n'eft admirable que parce qu'une domeftique de la maison a été trop impatiente; c'eft-là créer beaucoup de rien.

C'eft une loi du théâtre qui ne fouffre guères d'exception; ne commettez jamais de grands crimes, que quand de grandes paffions en dimipueront l'atrocité, & vous attireront même quelque compaffion des Spectateurs. Cléopatre, à la vérité, dans la tragédie de Rodogune, ne s'attire nulle compaffion. Mais fongez que fi elle n'était pas poffédée de la paffion forcénée de régner, on ne la pourrait pas fouffrir, & que fi elle n'était pas punie, la piece ne pourrait être jouée.

C'est une régle puifée dans la nature, qu'il ne

faut point parler d'amour quand on vient de com

mettre un crime horrible, moins par amour que par ambition. Comment le froid amour d'un fcélerat pourrait-il produire quelque intérêt? Que le forcené Ladislas, emporté par sa paffion, teint du fang de fon rival, fe jette aux pieds de fa maîtreffe, on eft ému d'horreur & de pitié, Orefte fait un effet admirable dans Andromaque, quand il paraît devant Hermione qui l'a forcé d'affaffiner Pyrrhus. Point de grands crimes fans de grandes paffions qui faffent pleurer pour le criminel même. C'eft-là la vraie tragédie.

Le plus capital de tous les défauts dans la tragédie, eft de faire cominettre de ces crimes qui révoltent la nature, fans donner au Criminel des remords auffi grands que fon attentat, fans agiter fon ame par des combats touchans & terribles, comme on l'a déja infinué.

Le Public aime affez que chaque acte se termine par quelque morceau brillant, qui enleve les applaudiffemens. Mais les tendreffes de l'amour ne comportent guères ces grands traits qu'on exige à la fin des actes dans des fituations vraiment tragiques.

CHAPITRE V I.

§. I.

Des Oracles & des Songes.

U IN Oracle doit produire un événement, & fervir au nœud de la piece.

Je remarquerai ici qu'en général un fongeainfi qu'un oracle, doit fervir au nœud de la piece; tel eft le fonge admirable d'Athalie: elle voit un enfant en fonge: elle trouve ce même enfant dans le temple; c'eft-là que l'art eft pouffé à sa pe. fection.

Un rêve qui ne fert qu'à faire craindre ce qui doit arriver, ne peut avoir que des beautés de détail, n'eft qu'un ornement paffager. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui un rempliffage.

§. II.

Intervention des Etres furnaturels.

Une Magicienne ne nous paraît pas un fujet propre à la tragédie réguliere, ni convenable à un peuple don: le goût eft perfectionné. On demande pourquoi nous rejetterions des Magiciens, & que non-feulement nous permettons que dans

la tragédie on parle d'ombres & de fantômes mais même qu'une ombre paraiffe quelquefois fur le theâtre?

Il n'y a certainement pas plus de revenans que de magiciens dans le monde ; & fi le théâtre eft la représentation de la vérité, il faut bannir également les apparitions & la magie.

Voici, je crois, la raifon pour laquelle nous fouffririons l'apparition d'un mort, & non le vol d'un magicien dans les airs. Il eft poffible que la Divinité faffe paraître une ombre pour étonner les hommes par ces coups extraordinaires de fa providence, & pour faire rentrer les criminels en eux-mêmes : mais il n'est pas poffible que des magiciens ayent le pouvoir de violer les loix éternelles de cette même Providence: telles font au

jourd'hui les idées reçues.

Un prodige opéré par le Ciel même ne révoltera point ; mais un prodige opéré par un forcier, malgré le Ciel, ne plaira jamais qu'à la populace.

Quodcumque oftendis mihi fic incredulus odi.

Chez les Grecs, & même chez les Romains, qui admettaient des fortileges, Medée pouvait être un beau fujet. Aujourd'hui nous le releguons à l'Opera, qui eft parmi nous l'empire des fa

bles, & qui eft à peu-près parmi les théâtres ce qu'est l'Orlando furiofo parmi les poëmes épiques.

C'était une entreprise affez hardie de repréfenter Sémiramis affemblant les Ordres de l'Etat, pour leur annoncer fon mariage; l'ombre de Ninus fortant de fon tombeau, pour prévenir un incefte, & pour venger fa mort ; Semira mis entrant dans ce maufolée, & en fortant expirante, & percée de la main de fon fils. Il était à craindre que ce spectacle ne révoltât; & d'abord, en effet, la plûpart de ceux qui fréquentent les fpectacles, accoutumés à des élégies amoureuses, se liguerent contre ce nouveau genre de Tragédie. On dit qu'autrefois dans une ville de la grande Grece, on propofait des prix pour ceux qui inventeraient des plaifirs nouveaux. Ce fut ici tout le contraire. Mais quelques efforts qu'on ait fait pour faire tomber cette efpece de drame, vraiment terrible & tragique, on n'a pû y réuffir; on disait, & on écrivait de tous côtés, que l'on ne croit plus aux revenans, & que les apparitions des morts ne peuvent être. que puériles aux yeux d'une nation éclairée. Quoi! toute l'Antiquité aura crû ces prodiges, & il ne fera pas permis de fe conformer à l'Antiquité? Quoi! notre Religion aura confacré ces

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