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ennuyeux, à force de reparaître fouvent dans fest hiftoires. La feule piece où M. Racine ait mis du fpectacle, c'eft fon chef-d'œuvre d'Athalie ; on y voit un enfant fur un trône, fa nourrice, & des Prêtres qui l'environnent, une Reine qui commande à fes Soldats de le maffacrer, des Lévites armés, qui accourent pour le défendre. Toute cette action eft pathétique; mais fi le ftyle ne l'était pas auffi, elle ne ferait que puérile.

Plus on veut frapper les yeux par un appareil éclatant, plus on s'impofe la néceffité de dire de grandes chofes ; autrement on ne ferait qu'un Décorateur, & non un Poëte tragique. Lorfqu'on repréfenta la Tragédie de Montéfume à Paris; la fcène ouvrait par un fpectacle nouveau: c'était un Palais d'un goût magnifique & barba-. re; Montéfume paraiffait avec un habit fingulier, des efclaves armés de fléches étaient dans le fond; autour de lui étaient huit Grands de fa Cour, profternés le vifage contre terre: Monté fume commençait la piéce en leur difant:

Levez-vous, votre Roi vous permet aujourd'hui,
Et de l'envifager, & de parler à lui.

Ce fpectacle charma ; mais voilà tout ce qu'il y eut de beau dans cette Tragédie.

Pour moi j'avoue, que ce n'a pas été fans,

quelque crainte, que j'ai introduit fur la fcène Françaife le Sénat de Rome en robes rouges, allant aux opinions. Je me fouvenais que lorfque j'introduifis autrefois dans dipe un chœur de Thébains, qui difait,

O mort, nous implorons ton funefte fecours! Omort, viens nous fauver, viens terminer nos jours!

Le Parterre, au lieu d'être frappé du pathétique qui pouvait être en cet endroit, ne fentit d'abord que le prétendu ridicule d'avoir mis ces vers dans la bouche d'Acteurs peu accoutumés, & il fit un éclat de rire. C'eft ce qui m'a empêché dans Brutus de faire parler les Sénateurs, quand Titus eft accufé devant eux, & d'augmen ter la terreur de la fituation, en exprimant l'étonnement & la douleur de ces Peres de Rome, qui fans doute devraient marquer leur furprise autrement que par un jeu muet, qui même n'a pas été exécuté.

Les Anglais donnent beaucoup plus à l'action que nous, il parlent plus aux yeux : les Français donnent plus à l'élégance, à l'harmonie, aux charmes des vers. Il eft certain qu'il eft plus difficile de bien écrire, que de mettre fur le Théâtre des affaffinats, des roues, des potences, des forciers & des revenans. Auflì, la tragé

die de Caton, qui fait tant d'honneur à M. Ad disson, cette Tragédie, la feule bien écrite d'un bout à l'autre chez la nation Anglaise, ne doit fa grande réputation qu'à fes beaux vers, c'est-àdire, à des pensées fortes & vraies, exprimées en vers harmonieux.

Tout doit être action dans une Tragédie; non que chaque Scène doive être un événement, mais chaque Scène doit fervir à nouer ou à dénouer l'intrigue; chaque difcours doit être préparation ou obstacle.

CHAPITRE IV.

De l'Expofition.

EXCITER beaucoup de curiofité ; c'est une chofe à laquelle il ne faut jamais manquer dans les expofitions. Toute premiere scène qui ne donne pas envie de voir les autres, ne vaut

rien.

Il ne faut auffi jamais manquer à la grande Joi de faire connaître d'abord fes perfonnages, & le lieu où ils font... Si votre sujet eft grand & connu comme la mort de Pompée, vous pouvez tout d'un coup entrer en matiere, les Spec#ateurs font au fait; l'action commence dès le

premier vers, fans obfcurité ; mais fi les héros de votre piece font tous nouveaux pour les Spectateurs, faites connaître dès les premiers vers leurs noms leur intérêts, l'endroit où ils >

lent.

par

Les défauts de l'expofition de la Tragédie de Rodogune font, 1°. qu'on ne fait point qui parle 2o. qu'on ne fait point de qui l'on parle; 3°. qu'on' ne fait point où l'on parle. Les premiers vers doivent mettre le Spectateur au fait, autant qu'il eft poffible.

Il y a peu de pieces qui commencent plus heureufement que la tragédie d'Othon ; je crois même que de toutes les expofitions, celle d'Othon peut paffer pour la plus belle; & je ne connais que l'expofition de Bajazet qui lui foit fupèrieure.

Je crois

E

CHAPITRE V.

De l'intérêt.

que c'est une loi qui ne souffre ancune exception, que jamais un danger éloigné ne doit faire le noeud d'une Tragédie.

On veut de la vraisemblance dans l'intrigue, de la clarté, de grandes paffions, une élégance Continue.

Une piece de Théâtre eft une expérience fur le caur humain. Tout perfonnage principal doit inf pirer un dégré d'interêt, c'est une des régles inviolables. Elles font toutes fondées fur la nature. Tout acteur qui n'eft pas néceffaire, gâte les plus grandes beautés. Il faut autant qu'on le peut, fixer toujours l'attention du Public fur les grands objets, & parler peu des petits, mais avec dignité. Préparez quand vous voulez toucher. N'interrompez jamais les affauts que vous livrez au cœur. Les plus beaux fentimens n'attendriffent jamais quand ils ne font pas amenés, préparés par une fituation preffante, par quelque coup de théâtre, par quelque chofe de vif & d'animé. Il faut toujours jufqu'à la fin, de l'inquiétude & de l'incertitude au Théâtre.

Je remarquerai que toutes les fois qu'on céde ce qu'on aime, ce facrifice ne peut faire aucun effet, à moins qu'il ne coute beaucoup; ce font ces combats du cœur qui forment les grands intérêts de fimples arrangemens de mariage, ne font jamais tragiques, à moins que dans ces arrangemens mêmes il n'y ait un péril évident & quelque chofe de funefte.

Après une fcène de politique, il n'eft gueres poffible qu'une fcène de tendreffe puiffe réaffir. Le cœur veut être mené par degrés : il

ne

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